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JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3772.
37me année
7P3.ES, 25 Novembre.
SITUATION DE LA TILLE.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Grand
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n° 25 c.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 19 centimes la ligne.)
Déchue de son ancienne splendeur, la
ville d'Ypres vit se déplacer ou s'éteindre
successivement ses principales industries.
Renfermée dans un cercle étroit de forti
fications, elle s'est depuis longtemps ac
crochée la garnison comme la dernière
et la seule ressource possible. Pour se pro
curer les avantages qui résultent, côté
de beaucoup d'inconvénients, de la pré
sence d'un corps de troupes, la ville a fait,
depuis 1830, des sacrifices qui s'élèvent
500,000 francs. Aux faveurs du gouverne-
men l se son t attachées,on le voit, de grandes
exigences.
Nous possédions, dès avant cette époque,
les plus bellescasernesd'infanterie du pays,
ainsi qu'unecasernedecavalerie el des écu
ries. D'abord une garnison de fantassins
occasionna l'acquisition des lits de fer, des
matelalset des couvertures; ensuite il fut
jugéque la ville convenait mieuxà une gar
nison de cavalerie; mais il fallut construire
de nouvelles écuries et même un manège;
plus tard on avisa que le foin n'était pas de
bonne qualité et que l'eau n'était pas saine,
et l'on nous réduisit de nouveau l'infan
terie; enfin on revint de celte erreur, et le
ministre ChazaI nous dota de celte école
d'équilation qui a tant coûté aux habitants
et qui n'y est restée que quelques années.
Les conclusions de la fameuse commis
sion militaire viennent d'abaisser notre
ville l'état de commune rurale. Tous les
travaux de fortification seront rasés, et
nous serons jamais privés de garnison.
Nous nous trompons; en compensation des
plus lourds sacrifices, on laisse provisoi
rement entre les débris de nos murs deux
escadrons de cavalerie.
Nous sommes les premiers déplorer la
situation; nous eussions voulu concourir
avec nos adversaires la conjurer ou
chercher les moyens d'y remédier. Mais
cela n'entre point dans leurs vues: ils sont
parvenus s'ériger en maîtres et ils en
tendent rester les maîtres. Habitués faire
fléchir tous ceux qui les entourent, ils se
sont flattés de forcer la main au gouver
nement: la résistance déplorable de celui-
ci a excité leur dépit; ils ont donné leur
démission en masse et dans l'explosion de
la colère qui les transporte, ils oublient
jusqu'au respect qu'ils doivent une au
guste personne. Peu s'en est fallu qu'ils ne
fissent partager leur coup de tête, par les
administrateurs des Hospices et du Bureau
Je Bienfaisance et par la Chambre de Com
merce; mais le plus roué d'entre eux a
compris que c'eut été une imprudence,
notamment en ce qui touche les Hospices
et le Bureau de Bienfaisance; car c'est par
là qu'ils tiennent un grand nombre d'élec
teurs, comme nous le démontrerons un
jour.
La tête s'est donc retirée, mais les queues
sont restées.
Que le sort qui nous attend soit le ré
sultat d'une impérieuse nécessité ou d'un
caprice ministériel; qu'en droit rigoureux,
le gouvernement nous doive une compen
sation ou ne nous en doive point, le con
seil communal n'avait qu'une seule ligne
de conduite suivre: faire entendre haut
et ferme la voix de l'équité; déployer des
efforts modérés, conciliants el convenables
pôur obtenir un dédommagement nos
pertes; procéder toutes les démarches
au grand jour, afin que le public pût les
connaître et les apprécier; et en cas d'in
succès final, se résigner et entrer résolû-
ment dans les voies des économies.
Tant de bruit n'était pas nécessaire; une
réélection était inutile. La population eut
applaudi ce que W Conseil avait fait
vis-à-vis du gouvernement et ce qu'il al
lait faire pour ses concitoyens.
Mais non. Les orgueilleux qui se pava
nent l'hôtel de ville, ont voulu appliquer
notre cité le système ruineux que M. Ko-
gier a infligé tout le pays: prendre l'ar
gent des contribuables, pour, au moyen de
cet argent recruter et s'asservir une ma
jorité
Ils n'en démordent jamais, car le jour
où ils songeraient sérieusement aux éco
nomies, ils devraient mettre un terme
leurs largesses et ils verraient immédiate-
memenl décroître le nombre de leurs par
tisans. Ils sont donc obligés de recourir
aux emprunts ou de nouveaux centimes
additionnels, et ils n'ignorent pas l'impo
pularité qui en jaillit; delà celte démis
sion pleine d'inconvenance l'égard du
pouvoir, pleine d'hypocrisie l'égard de
leurs concitoyens.
Quoique nous la désapprouvions, quoi
que nous la blâmions, nous souhaitons de
tout notre cœur qu'elle produise un effet
salutaire, el que le gouvernement, louché
enfin de notre pénible position, lâche d'y
apporter quelque soulagement.
Mais quelque fut son bon vouloir, quel
que dédommagement qu'il nous accordât,
croit-on qu'il soit possible de continuer les
gaspillages qui se pratiquent l'Hôtel de
ville?
Après avoir été opulente par son in
dustrie, la ville d'Ypres resta longtemps
encore eu possession des fortunes que celle
industrie y avait fondées et que plus lard
sa tranquillité et sa sûreté y attirèrent. La
centralisation, le développement des chefs-
lieux el de la capitale, la facilité des com
munications, font affluer ces fortunes vers
les grands centres de populations el les
communes secondaires s'appauvrissent
vue d'œil.
Si par des emprunts ou des contribu
tions, vous écrasiez le petit commerce, il
n'y aurait bientôt plus Ypres que quel
ques propriétaires et un nombre toujours
croissant de pauvres et de malheureux.
Arrêtez-vous sur cette pente puisqu'il en
est temps encore. Les classes inférieures
de la société sont patientes et endurantes,
mais lorsqu'elles sont poussées bout, l'o
rage de leurs passions éclate. El delà ces
terribles vengeances, dont il ne faudrait
jamais exhumer le souvenir si ce n'est
pour y prendre une sévère leçon!
On nous apprend que pour donner au
collège des 30,000 francs une apparence
de vie, el pour procurer un certain nom
bre d'élèves aux 17 professeurs de cette
institution soit-disanl libérale qui consti
tue une des causes les plus irrécusables
du déficit communal, l'on aurait résolu
d'admettre, outre les 50 40 boursiers qui
font déjà le gros du chiffre des élèves, un
bon nombre d'étudiants de celle catégorie
encore. Pour se former un internat, les
patrons de ce collège qui ont garde du
reste d'y mettre eux-mêmes leurs enfants,
auraient recours, ce qu'on nous assure,
un stratagème non moins alléchant,
celle époque surtout où la crise alimen
taire que nous endurons tient tant de
familles dans la gène. Tout père el mère
se trouvant dans le cas de pourvoir l'édu
cation de leurs enfants, seraient admis
les y faire inscrire comme internes, moyen
nant la rétribution annuelle de 180 200
francs, ce qui revient 50 centimes par
jour, pour chaque élève. A ce prix les en-
lants y recevraient, outre une instruction
libérale, la nourriture, le couchage, les
livres, plumes, papiers, encre el autres
objets nécessaires leur usage. S'il en
était ainsi, ne faut il pas dire qu'à Ypres
où tout est cher el inaccessible aux clas
ses ouvrières, l'éducation libérale y serait
on ne peut plus facile et peu coûteuse
si ce n'était que pour les libéralités de"
nos édiles les contribuables ont payer
annuellement au trésor, la somme rui
neuse de près de 30,000 francs? C'est la
remarque que nous avons faite concer
nant une mère de famille qui, malgré son
grand désir de donner son enfant une
éducation religieuse s'est décidé le pla
cer sur les bancs du collège communal,
pour se soustraire des frais onéreux et
gênants surtout celte époque malheu
reuse.
Tout homme de sens el de tact, quelque
regrettables que lui paraisse d'ailleurs
juste titre la conduite du ministère l'é
gard de la Cité, a dû condamner avec nous
les sorties intempestives et violentes des
scribes du Progrès contre les détenteurs du
pouvoir. Au surplus, il est un point bien