JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Pi» 3787.
37me année
Maintes fois, des hommes égarés par
de funestes théories, appelèrent le mal un
bien, et le bien un mal; maintes fois des
philosophes en délire parvinren faire
passer la vérité pour mensonge, la religion
pour hypocrisie, le mépris ou l'oubli des
choses saintes pour un progrès, même l'es
clavage de tous les vices comme le triom phe
de toutes les libertés; mais toujours leurs
systèmes d'errement et de désordre ne fu
rent que de courte durée et la vérité ne
tarda point s'asseoir glorieuse sur les
ruines des passions déchainées contre elle.
Au temps d'Augustin, du vivant de Vol
taire, des hommes écervélés dont le vice
avait perverti l'intelligence, dans le débor
dement de leur esprit fanatique, osèrent
s'écrier: Le christianisme passe! Écrasons
finfâme! eh, bien quatorze siècles se sont
écoulés depuis la première de ces époques;
un siècle nous sépare du temps de Voltaire
et la religion et la vérité sont demeurées
intactes; pourquoi? parceque leur destinée
est de vivre et d'être immortelles!
Ne soyons donc point sans espoir d'un
avenir meilleur, la vue des efforts tentés
autour de nous par la secte libérale-ma-
çonnique, dont les assauts perfides et mul
tipliés paraissent parfois si funestes la
religion et au bien-être public. Ne nous
attristons pas trop de l'aveugle opiniâtreté
avec laquelle quelques misérables utopistes
prétendent exclure la religion des collèges
et des maisons d'éducation de la jeunesse.
La religion ne passera point; la vérité ne
demeurera point exclue du cœur de nos
populations; mais ce sont leurs adversaires
qui passeront avec les passions qu'ils por
tent dans leur esprit! Plus même ces pas
sions s'aigrissent et se prononçent, plus
leur existence sera passagère: Un homme
judicieux, M. Lelièvre l'a dit devant les
chambres; l'injustice amène toujours la
réaction!
Examinons bien les choses, et voyons si
déjà, la vérité de celte maxime n'apparait
aux regards de tous? En 1847 les sectaires
du parti soi-disant libéral, mais dont les
tendances trahissent des projets anti-libé
raux et entièrement destructifs de nos li
bertés les plus précieuses, notamment de
la liberté de l'enseignement et de la bien
faisance, alors disons nous, les affidés des
loges comptaient une foule d'auxiliaires et
de dupes. Levant la tête allière, ils mar
chaient hardiment au pouvoir, forts de
l'appui momentané des masses séduites et
égarées. Or, quelques années peine nous
séparent de cette époque de triomphe des
préjugés sur la raison et le bon sens, et
les passions de ces politiques, heurtant les
intérêts communs desmasses, voient briser
leur pouvoir et se trouvent réduites être
réfoulées au sein des loges et des antres
maçonniques d'où elles n'auraient dû sortir
jamais.
En effet en 1847, fascinées par les pro
messes les plus pompeuses nos populations
rattachaient les plus décévantes espérances
l'avènement du libéralisme. Aujourd'hui
que l'expérience a eu le temps de dire son
mot, elles s'indignent du joug qu'on leur
a fait subir; d'entre cette foule d'électeurs
qui contribuèrent au triomphe de la dé
funte politique nouvelle, la plupart regar
dent comme une choquante contradiction
delà liberté, le libéralisme qu'ils appel lèrent
jadis de tous leurs vœux au pouvoir. Et si
l'on excepte certains fonctionnaires qui
doivent leur position la coterie expirante,
tout homme libre et indépendant languit
après le jour qui doit purger les chambres
du servile attelage ministériel de 1847.
Mais qu'est-il nécessaire de baser nos
observations sur des faits étrangers notre
ville! Pour démontrer que le bon sens finit
par triompher des passions, faut-il bien
porter la vue audelà des murs de notre
cité? Mettons profit l'existence et la mar
che de nos deux établissements d'instruc
tion moyenne, et bientôlon devra convenir
qu'à Ypres, pas plus qu'ailleurs les préjugés
ne sauraient qu'avoir leur temps. Ici, on le
sait, il fut une époque, où, certains me
neurs parvinrent, force de pression, de
ruse, faire prédominer sous le rapport
numérique le collège libéral de cette ville.
Et bien, voyez comme les choses sontchan-
gées: un nombre d'élèves presque double
de celui qui fait le bagage de ce dernier
institut fréquente aujourd'hui le collège
S' Vincent. Que faut-il conclure de ce re
virement si complet? N'est-ce pas que tou
jours il demeurera établi pour les parents
catholiques, qu'en matière d'éducation l'in
tervention de la religion est reconnue in
dispensable et qu'il ne suffit point pour
élever la jeunesse de la confier des maî
tres médiocrement imbus de l'importance
de leur mission? La bourgeoisie parut prê
ter un instant l'oreille aux suggestions de
ces docteurs d'espèce nouvelle, qui veulent
libéraliser jusque les écoles, mais bientôt
la voix de la raison et de la conscience re
prit son empire et les préjugés tombèrent
devant le bon sens et la vérité. Au point
que c'est peine si, force d'argent et de
pression, aux prix les plus réduits on par
vient encore peupler quelque peu les
bancs éclaircisde l'institution d'éducation
libérale et que, pliant sous le poids de
l'embarras financier que les subsides exor
bitants affeclésà cet établissement ont con
tribué en majeure partie produire, les
principaux patrons du collège communal,
prétextant il est vrai, un motif différent,
se résolvent d'eux-mêmes quitter le ti
mon des affaires publiques.
Telle est, nous l'avons dit, la destinée
de l'erreur et des passions humaines: par
des efforts constants ils peuvent pour un
moment parvenir s'asseoir sur le trône
usurpé de la modération et de la sagesse
mais toujours il arrive que la conscience
publique se révolté et que de la voix élo
quente, elle force rentrer dans le vrai,
ceux qui involontairement peut-être, s'é
taient laissés entraîner dans la voie des
plus déplorables errements s'il ne se fait
que le temps de son bras puissant et fort,
ne crée quelqu'obstacle qui arrête les uto
pistes dans leur marche aveugle et incon
sidérée, comme cela se voit actuellement
au milieu de nous.
Nous apprenons que l'autorisation, vai
nement attendue quelque temps, d'exploi
ter la voie ferrée d'Ypres Comines, est
arrivée aux directeurs de notre rail-way,
cependant la compagnie n'a pas encore
jugé propos de reprendre l'exploitation
interrompue.
A quoi faut-il attribuer ce retard?
Monsieur l'Éditeur du Propagateur,
Monsieur,
Dans vôtre Journal de Mercredi dernier,
vous donnez pour cause de Cinterruption du
service public, entre les stations de Comines
et Ypres, le mauvais état du rail-way, et le
danger qu'il y aurait faire circuler des con
vois publics entre les deux points.
Vous avez été induit en erreur Monsieur
l'Éditeur, et je donne ici un démenti complet
la personne qui vous a fourni ces renseigne
ments, la voie n'a pas présenté un seul instant
le moindre danger pour la circulation des
machines et des voitures, et si le service public
a été supprimé, c'est pour une cause tout
fait autre que celle indiqué dans votre Journal.'
Veuillez Monsieur l'Éditeur publier celte
rectification dans le prochain de vôtre
Journal et agréer Cexpression de ma consi
dération distinguée.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Y près, rue de Lille, o, près la Grand
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DK L'ABONNEMENT, par trimestre
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un u° 25 c.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions M9 centimes la ligne.)
TPRSS, Janvier.
L'erreur peut obtenir des triomphes pas
sagers, mais elle ne saurait dominer le
monde; sa gloire s'en va comme les pas
sions et les illusions qui la produisent. S'il
arrive donc parfois, qu'à l'aide d'astuce et
de ruse, la vérité se trouve attaquée et
qu'ainsi, les utopies parviennent usurper
sa place, tôt ou tard l'hypocrisie tombera
épuisée et sans force, devant le bon sens et
la justice triomphant du mensonge et de
la fourberie. C'est là, on ne saurait le nier,
une des vérités fondamentales dont l'his
toire du monde offredes preuves frappantes
et souvent répétées.
Ypres, le 11 Janvier 18(1.
L'Ingénieur,
FRITZ R1TTER.