9
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N» 3789.
37me année
TP5.SS, 21 Janvier.
VÉRITÉ ET JïSTIfE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Grand
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX ni: L'AROV^IINENT, par friniONtrc,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Uu n° 25 c.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (litMcrtions 19 centimes la ligne.)
Le libre échange, le système protecteur,
voilà la grande affaire qui est l'ordre du
jour depuis quelques années. Et quand on
songe aux nombreux intérêts qui se trou-
ventengagés dans la question, il n'estcerles
pas étonnant qu'elle ait soulevé chez nous
des discussions vives et multiples dans la
presse et la tribune. Quant nous, ne
pouvant discuter ici le mérite respectif des
deux systèmesqui partagent!'opinion,nous
devons nous borner aux quelques observa
tions qui suivent.
Et d'abord il est de fait qu'il existe dans
notre pays une foule d'industries impor
tantes qui se sont développées et ont pros-
péréjusqu'à ce jour l'abri d'une protection
douanière plus ou moins modérée, plus ou
moins exagérée.
Qu'adviendrail-t-il maintenant, nous le
demandons, si vous alliez leur retirer cette
protection qui les couvre, et les placer sous
le régime de la concurrence libre et illi
mitée? On l'a prouvé cent fois, vous auriez
décrété la ruine de la plupart de ces indus-
tries;vousauriez arrêtéet anéanli du même
coup tout ce grand mouvement d'affaires
qu'elles en traînent leur suite, et qui est au
jourd'hui pour une population nombreuse
une source de travail et de bien-être. Dira-
t on que des industries nouvelles vien
draient s'introduire, et occuperaient les
bras employés dans les anciennes? A la
bonne heure! Comme si l'on changeait les
conditions économiques d'un peuple avec
la même facilité qu'oïl change d'habits!
Comme si l'expérience n'enseignait pas
que, pour acclimater des industries nou
velles chez une nation, il en coûte des
peines de toutes sortes, des tâtonnements,
des essais, et par dessus tout un temps
considérable.
.Mais, ajoute-t-on, il ne s'agit pas d'inau
gurer sans transition le règne du libre
échange: on procédera graduellement, en
abaissant peu peu les tarifs, de manière
éviter toute secousse, toute perturbation
dans le travail national. Assurément
cette manière de mettre la main l'œuvre
est pleine de sagesse, et de nature aplanir
beaucoup de difficultés. Mais s'il est vrai
qu il est telles industries protégées qui sup
porteraient assez bien un pareil traitement,
il en est d'autres aussi, on doit le recon
naître, et en fort grand nombre, qui, pour
la qualité et le bon marché des produits,
ne pourront jamais lutter avec les indus
tries similaires de l'étranger: le motif en
est simple; c'est que celles ci ont en leur
faveur certains avantages naturels, indé
pendants de la volonté de l'homme, qui
n'existent pas pour la Belgique. Evidem
ment que pour les industries de cette
catégorie, il y a impossibilité qu'elles sub
sistent chez nous sous le régime de la li
berté des échanges, et qu'abolir le tarif qui
les protège contre la concurrence des pro
duits similaires de l'industrie étrangère,
c'est consommer leur ruine. Ici tous les
ménagements possibles ne préviendraient
pas une crise. On ne peut donc le nier, la
suppression de notre régime douanier, de
quelque manière qu'on s'y prenne, aura
toujours pour résultat inévitable de com
promettre sérieusement le travail national.
Et toutefois, ce n'est pas dire que nous
soyonsgrands admirateurs du système pro
tecteur tel qu'il est mis en pratique dans
notre pays et chez d'autres nations. Au
contraire, nous pensons que la protection
douanière, lorsqu'elle dépasse certaines
limites, est une véritable calamité, bien
loin qu'elle ait les effets bienfaisants qu'on
se plait lui attribuer. En dernière ana
lyse, elle aboutit détourner les capitaux
et le travail de leurs voies naturelles, et
provoquer l'établissement de tout un cor
tège d'industries parasites qui ne parvien
nent vivoter qu'à la condition d'être
protégéesaujourd'hui et loujoursau moyen
de tarifs de 50, ou même de 100 et de J20
p. c., comme il arrive quelque fois.
On a beau dire; non obstanl tous les
arguments, il reste debout que celle sorte
de protection a pour conséquence immé
diate de forcer le consommateur d'acheter
ici pour 10 fr. ce qu'il pourrait avoir chez
d'autres pour 5. Au fond, elle crée donc
un lourd monopole au profit de certaines
catégories de citoyens, et ce litre elle
nous semble parfaitement mériter les ana-
thèmes des économistes. Sans doute, nous
sommes d'accord qu'il convient de favo
riser le travail national. Mais lorsqu'au
moyen d'une protection poussée jusqu'aux
dernières limites de l'exagération, vous
forcez les consommateurs de payer une
foule d'articles un prix qui dépasse deux
ou trois fois leur valeur naturelle, quand
vous obligez ainsi chaque père de famille
une augmentation de dépenses considé
rable Croyez-vous que ce soit bien là
protéger le travail national? ou n'est-ce
pas opposer plutôt les diverses classes des
travailleurs les unes aux autres, et favo
riser celles-ci aux dépens de celles-là?
Nous le croyons, et jusqu'ici nous n'a-
vous rien rencontré qui soit de nature
nous faire changer d'opinion. Sachez d'ail-
leursque cesconsommateurs, que vous for
cez s'approvisionner si chèrement, sont
pour la plupart de petits bourgeois, des
artisans, et des ouvriers, et que c'est sur
eux que vous prélévez cet impôt exhorbi-
lanl au profil de vos industries protégées.
Le tribunal d'Ypresaura prochainement
se prononcer sur diverses questions qui
iixeronl sur lui l'attention du pays.
M. le Procureur du Roi a cru devoir in
tenter une poursuite contre M. le notaire
Pieters de Reninghe:
1° Pour avoir procédé un partage mo
bilier entre majeurs et mineurs sans se
conformer l'art. 9 de la loi du 12 Juin
1816.
2° Pour avoir procédé la vente d'une
maison au profil de la supérieure d'une
école d'enfants pauvres Reninghe, pour
compted'elle mêineet deses co religieuses
présentes et futures.
5° Pour avoir dans ce dernier acte ad
mis une capacité civile qui n'existe pas
en faveur d'unélablissementcharilablenon
reconnu.
Me Carpentier, chargé de la défense, a
fait observer sur la première question que,
contrairement l'usage pratiqué devant le
tribunal d'Ypres, les tribunaux de Gand,
deCourtrai et de Purnes considèrent l'art.
9 de la loi du 12 Juin comme ne s'appli-
quant qu'aux partages immobiliers.
Sur la seconde question, M" Carpentier
a soutenu, s'appuyant sur les arrêts de
cassation de Belgique 7, Février 1847, île
France, 31 Août 1841. et sur les arrêts
d'appel de Bruxelles 18 Décembre 1844,
Rennes, 30 Juillet 1845, ainsi que sur l'au
torité de Rolland de Villargues, que les par-
lies que le notaire doit dénommer dans les
actes avec noms, prénoms, professions et
demeures, sont celles qui sont présentes
l'acte, et non celles pour qui on se porte
fort. L'opinion contraire de M. Depatin a
pour elle les arrêts de Rennes 2 Juillet
1836 et 6 Juillet 1841et l'avis du minis
tère public lors de l'arrêt belge de cassa-
lion.
Sur la dernière question, M" Carpentier
estime que sans entrer dans l'appréciation
de la capacité, si rétablissement est inca
pable, la supérieure acquiert validement
elle-même,qu'ainsi lenotaireest en dehors
de la portée que l'acte peut avoir.
M. Depatin a répliqué qu'il ne lui appar
tient pas de rien prescrire dans d'autres
arrondissements, mais qu'il croit devoir
requérir que dans celui-ci la stricte exécu-^
lion de la loi continue. M. Depatin trouve
que l'intervention du juge de paix, im
posée par l'art, de la loi, a la même impor
tance dans les successions mobilières que
dans les partages immobiliers.
Onreconnait ledoulesurcequiconcerne
la nécessité d'indiquer les personnes pour
qui on se porte fort.
M. Depatin reconnaît la validité de l'ac
quisition pour la supérieure, mais il n'en
est pas moins vrai que l'acte a principale-
menlélé passé dans l'intention de favoriser
un établissement incapable, quoi un
notaire n'aurait pas dû se prêter, et ce
qu'il ne faut pas tolérer, bien que le ma
gistrat soit loin de blâmer l'institution en
elle-même.