9
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
1*0 3790.
Ulercredi, 25 Janvier 1S54.
37me année.
Dans les calamités publiques et en temps
de désordres sociaux, il faut des remèdes
énergiques qui puissent obvier la gravité
du mal. Négliger ces remèdes, c'est négliger
ses intérêts les plus chers, c'est pousser la
société vers un cataclysme imminent.
Or la société actuelle est frappée de deux
plaies profondes: le paupérisme et le socia
lisme. Ces plaies la rongent d'une manière
effrayante, et l'entraîneront tôt ou tard dans
le précipice qui s'ouvre déjà devant elle;
moins toute fois qu'une main puissante ne
l'arrête sur le bord de l'abîme.
En effet, quand la classe indigente s'est
elle plus considérablement accrue que de
nos jours? N'est-il pas vrai, que l'augmen-
tationconsécutive des impôts, la décadence
de plusieurs de nos industries jadis si Ho-
rissanles, la cherté des vivres dont nous
sommes si souvent tourmentés, les mala
dies contagieuses qui de temps autre sé
vissent parmi nous, ont précipité plusd'une
honnête famille dans la pauvreté la plus
affreuse? Ne dissimulons pas la vérité; en
core quelques années, et l'on ne comptera
plus dans la société que deux classes de
personnes: les industriels et les grands
propriétaires, qui formeront la classe la
moins nombreuse; et les indigents dont la
masse devient tous les jours plus formi
dable.
Celte plaie du paupérisme ne nous ef
frayerait pas tant, si la société n'était aussi
travaillée par une autre plaie plus dange
reuse encore; savoir celle du socialisme.
Oh non! ne nous faisons pas illusion en
croyant que c'en est fait du socialisme;
qu'une seule victoire suffise pour abattre
sans retour les tètes de ce monstre; ces
tètes renaîtront aussi longtemps que la re
ligion ne lui aura porté le dernier coup:
C'est dans les mœurs, a très-bien dit un
écrivain peu suspect, qu'il faut aller cher
cher le socialisme et le vaincre. La force
n'y peut rien; la raison n'y peut pas grand'
chose. L'exemple et la charité seul y peu
vent beaucoup.
Ces paroles sont pleines de vérité et de
bon sens. Elles méritent sous plus d'un
rapport d'être sérieusement méditées. Dans
plusieurs pays la force s'est déployée avec
rigueur contre les socialistes; et'elle est
parvenue dompter jusqu'à un certain
point leur audace; même on aurait cru, vu
l éclat du triomphe, que c'était fait d'eux
pour toujours. .Mais peine quelques mois
sont-ils écoulés, et déjà nous les voyons
remontés sur la brèche pour recommencer
avec plus de fureur leur guerre de déni
grement. Ils s attachent corrompre les
masses des indigents; qui, frappés dans
leurs moyens d'existence, et ayant perdu
tout sentiment religieux, unique frein qui
les retient encore dans le devoir, se lan
ceront comme autant de vautours sur la
proie qu'ils convoitent; et alors, Dieu sait!
quelle catastrophe affreuse nous aurons
déplorer!...
Et pour ne pas nous contenter de sim
ples paroles, examinons ce qui se passe
aulourdenous. Entrons pour quelques mo
ments dans l'atelier de l'artisanpénétrons
dans la chaumière du pauvre. Qu'y voyons-
nous? Déjà nous y découvrons des traces
profondes d'un socialisme le plus effronté,
ici ce sont des brochures, des almanachs
qui attaquent les dogmes de la foi, se mo
quent ouvertement de l'autorité de l'Egiise,
font passer ces dogmes, cette autorité com
me des inventions purement humaines,
bonnes tout au plus amuser des enfants;
là ce sont des romans, des chansons qui
déclament contre les riches, lancent mille
calomnies l'adresse des prêtres, et per-
sifflent la morale chrétienne de la manière
la plus scandaleuse; ailleurs ce sont des
journaux qui, la honte de ceux qui les
soutiennent, font pas&er ces écrits comme
de doctes élucuhralions et des modèles de
littérature suivre; partout c'est la pro
pagande de mauvais principes, de maximes
perverses, parlant chacun le langage de
ses appétits déréglés et de ses passions.
Vraiment on serait tenté de désespérer
de l'avenir si, côté de celte formidable
puissance du mal, on ne trouvait une autre
puissance plus formidable encore; celle de
la religion. Elle seule peut surmonter tous
les obstacles et dompter des ennemis aussi
puissants. Pour y réussir, elle a excité,
parmi ses enfants lidèles, des hommes
courageux, qui, guidés par la charité la
plus ardente et par un désintéressement
sans bornes, s'efforcent cicatriser les
plaies profondes de la société. Nous par
lons de l'association toute providentielle
de S' Vincent de Paul. Jamais œuvre ne
répondit mieux aux besoins de son époque.
Nous avons devant les yeux les divers rap
ports de ce quepeut la charité industrieuse
de cette institution éminemment sociale.
Non! rien n'échappe la sollicitude toute
paternelle de ses membres: Visilesdespau-
vresàdomicile; propagation de bonslivres,
soins des malades; écoleschréliennes; ves
tiaire des nécessiteux; patronage des éco
liers, des apprentis, des militaires mêmes;
que disons-nous? La saint Nicolas des en
fants indigents n'y est pas même oubliée;
tout y est employé pour gagner la con-
fianceetl'affecliondeces personnes malheu
reuses; qui, plus louchéesde ces exemples
d'abnégation, que des aumônes qu'elles re
çoivent, bénissent les noms de leurs bien
faiteurs; et s'efforcent supporter leur
misère avec courage et résignation.
Voilà le remède efficace que la religion
oppose des maux aussi graves. Laissons-
la cette religion poursuivre tranquillement
sa noble lâche; et sans aucun doute elle
triomphera de ces difficultés, comme elle
a toujours triomphé de tous ses ennemis.
VÉRITÉ ET JISTICE.
On s'abunue Yprea, rue de Lille, io, près la Giaud
Place, et cliei les Percepteurs des Postes du Royaume.
FRII DE L'.%R»V*EME*T, par trlmewtre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Uu n° a5 c.
Le Prtpa§atcur parait le H4Mt:oi et le mercredi
de chaque semaine. (Insertion» J eeatlWM la ligne.)
T??.SS, 25 Janvier.
Depuis longtemps M. Gérard Vandermeersch
père, ancien notaire, languissait accablé de la dé
crépitude de l'âge. La mort vient de l'enlever
l'affection de ses enfants et de ses petits enfants.
Il était le père de M. le notaire Vandermeersch qui
a succédé son étude et de M. le receveur de la
Bienfaisance, et le beau père de M. le capitaine
Bourgois, commandant du génie. Le chef de cette
honorable famille, né a Ypres le 3 t octobre 1770,
a fourni une des plus longues carrières de no
taire dont on ait le souvenir, si pas la plus longue
car nommé le 18 novembre 1796, il ne quitta les
affaires que le 26 mai ]846. Pour se convaincre
par quel renom d'intégrité, d'exactitude et de
loyauté il conquit et conserva l'estime et la con
fiance publiques, il suffit de mentionner que si la
fatigue d'une profession laborieuse le détermina a
anticiper de quelques mois sur l'entiéreté du demi
siècle de sesfonctions notariales, il en fut autrement
de ses travaux administratifs, où il tint bon par
de là les cinquante ans. Nommé membre de l'ad
ministration municipale le 12 Octobre 1800, il ne
s'en sépara qu'en Décembre i85i. Chose excessi
vement rare, tous les pouvoirs qui se succédèrent,
de même que les vœux populaires toutes les épo
ques, tombèrent d'accord sur le choix de cet hom
me, tellement sa capacité et ses autres excellentes
qualités lui assuraient tous les suffrages. Il aimait
l'Eglise, dont il était le fils dévoué, et fut membre
du conseil de fabrique de S' Martin de 1827
1853. Le Roi le nomma chevalier de son ordre le
7 octobre i85o. Dans les fameuses discussions sur
le subside du Collège de S'-Vincent de Paul, il
soutint les droits de cette précieuse institution,
dont il savait apprécier le mérite, et combattit
pour le maintien du subside dont l'équité seule,
une modération de caractère qui ne manquait pas
de fermeté, et une sévère impartialité, lui auraient
fait voler la conservation, si ses sympathies de Ca
tholique n'eussent point par ailleurs dirigé ses
convictions. Il ne se résigna au silence que lors
qu'un libéralisme outré eut rendu ses collègues
inaccessibles aux idées qui eussent préservé la ville
des déchirements si regrettables entre concitoyens.
M. Vandermeersch a dû voir avec tin sentiment
pénible dans sa vieillesse l'esprit de parti porter
en plein ses fruits, et le déclin de ses jours
coïncider avec celui de sa cité natale.
Une pauvre vieille femme a été renversée
lundi près du Marché-Bas par un attelage de
mulets. Elle a été conduite l'hôpital souteuue par
deux porteurs de bière accourus son secours, car
le conducteur du véhicule avait continué sou che
min. Elle avait la figure entièrement meurtrie et
ensanglantée.
Nous avions meutiouné dans notre n° 3,783, 3i
décembre dernier, d'après une feuille de Courtrai
et presque tous les journaux l'ont répété, que le