JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. >0 3703. 37me année. SS, 4 Février. Il est fort aisé de chanter les gloires du libéralisme dans un langage pompeux: cela ne demande qu'un talent de composi tion quelconque: Mais nous montrer du doigt les bienfaits dont nous lui sommes redevables; énumérer une une les lois et les institutions utiles dont il a doté notre pays, a h c'est autre chose là-dessus, toutes nos feuilles libérales gardent un silence prudent, et ne se risquent guère jusqu'à la citation. Pourtant depuis plus de six ans le libéralisme est au pouvoir chez nous, de sorte qu'il serait raisonnable de croire que dans cet espace de temps il ait réalisé du moins quelques-unes des nombreuses mer veilles qui devaient rendre son règne jamais illustre. Mais nous avons beau re garder, nous ne découvrons rien, absolu ment rien que des ruineset des décombres: le peuple n'est ni plus riche, ni plus moral, ni plus éclairé; l'agriculture, l'industrie et le commerce ne sont ni plus florissants ni mieux protégés; les impôts ne sont ni moins lourds, ni mieux répartis; les pauvres ne sont ni moins nombreux, ni mieux nourris, ni mieux vêtusMais si le libéralisme n'a rien édifié, on peut dire en revanche qu'il a beaucoup détruit: il a fait chez nous ce qu'il a lait partout ailleurs; il s'est at taché toutes nos institutions, jnême les plus étrangères la politique, pour les fausser, pour en dénaturer le caractère, pour en tirer la sève: semblable au vent sec etbrûlauldu désert qui ne laisse sur son passagequel'aridiléella inorl. Nos libéraux ont si bien réussi dans leurs premiersessais dedémoli lion, qu'on nepeutraisonablement pas douter qu'ils n'obtiennent dans la suite des succès plus considérables encore vous verrez que pièce pièce ils démoliront jus qu'à la dernière pierre tout ce glorieux édi fice politique si laborieusement élevé en 1850. On le sait, le fait capital de notre re'vo- tion,c'est le fameux pacte d'union entre les catholiques et les libéraux modérés. C'est 1 union qui a présidé la fondation de notre nationalité, et qui aimpriméà louslesactes de notre Congrès constituant cette physio nomie véritablement libérale, c'est-à-dire, cet admirable caractère de modération, d'impartialité et de bonne foi. Eh! bien, voilà que le libéralisme arrivé au pouvoir répudie ce bel héritage de notre révolu tion pour inaugurer le règne de l'esprit de coterie. Adieu les vues larges et natio nales de notre Assemblée constituante et de I ancienne majorité conservatrice: la mission du pouvoir ne sera plus désormais de s occuper des intérêts du pays, mais de servir les préjugés et les haines du parti qui domine. Aussi voyez: proscription des conservateurs en masse, premier acte de libéraux au pouvoir. Bègle générale, tous les hommes appartenant l'opinion mo dérée doivent dorénavant être tenus pour incapables de servir la patrie même dans les postes les plus modestes. Les vétérans de l'empire même, et les fondateurs de notre indépendance n'ont pu trouver grâce devant les maîtres nouveaux. Autre point: afin d'assurer jamais le règne du libéralisme en Belgique, on a in venté le principe de l'uniformité du cens électoral. De celte manière il est arrivé que les campagnards se trouvent maintenant dans l'impossibilité d'obtenir un seul re présentant dans les trois quarts des dis tricts du pays, et qu'ils ne doivent plus espérer de lutter contre les clubs urbains: et pourtant sur une population de4,535.000 h. que contient la Belgique, il y a 3,242,000 campagnards, et seulement 1,092,000 cita dins: ce qui démontre que les trois quarts des Belges sont sacrifiés au quart restant: et ceci pour le plus grand bien sans doute du principe de l'égalité inscrit dans notre Constitution. Nous n'insistons ni sur les mesures qu'on a inventées pour entraver les élans de la charité privée ni sur les tracasseries sus citées l'œuvre deSaint François de Kegis, ni sur les pensions accordées des ex-pro fesseurs de socialisme, ni sur les hérésies qu'on enseigne dans les universités de l'état. Saper par sa base le catholicisme et enchaîner son action sociale par tous les moyens, cela rentre éminemment dans la mission du libéralisme. Mais une chose incroyable, c'est qu'il n'y a pas jusqu'à notre régime douanier, qui n'ait décidem- menl obtenu l'honneur de devenir libéral! Qu'on juge: le travail agricole est soumis tous les hasards d'une concurrence libre et illimitée, tandis qu'on protège le travail manufacturier au moyen d'énormes tarifs: en d'autres termes, afin de mieux se con cilier la bienveillance des électeurs des villes, on leur sacrifie encore une fois les habitants des campagnes. Les Belges ne sont plus égaux devant la douane! Mais voici maintenant l'œuvre capitale du libéralisme belge. Les fameux libéraux de France avec leur enseignement pure ment laïcque sont parvenus des résultats trop étonnants pour que les nôtres ne les prissent pas pour modèles en cette matière. Donc on s'est pris chez nous aussi d'une grande admiration pour le principe de ta direction intellectuelle de la société par le pouvoir civil; et on a proclamé de toutes parts la nécessité de confier l'instruction publique la garde de l'état. En confor mité de celte maxime qui résume tous les motifsde la loisurl'instructiou secondaire, nous avons vu le pays se couvrir tout-à- coup de collèges et d'écoles subsidiés par l'état, palronés par l'état, dirigés par l'état: ce n'est pas que la nécessité de ces sortes d'établissements se fesait sentir quelque part; on a eu uniquement en vue de faire pièce l'enseignement privé dont on veut toute fin amener la ruine. 11 est bien entendu que dans la loi nouvelle on a pris ses mesures pour écarter jamais la pré sence du prêtre des écoles officielles. Cela s'appelle en argot libéral séculariser l'in struction ceux qui sont de première force sur cette questiondisents éculariser l'in telligence humaine, ce qui a le mérite de devenir tout-à-fait incompréhensible. Mais savez vous le motif qui a poussé nos libéraux se mettre en campagne contre les écoles privées? C'est uniquement par respect pour l'art. 17 de notre constitution, qui après avoir proclamé la liberté de l'enseignement, ajoute que l'instruction publique donnée aux frais de l'état est réglée par la loi; ce qui signifie claire ment, disent-ils, que l'état doit de toute nécessité avoir un enseignement lui.... et le reste: de sorte que suivant eux la constitution après avoir déclaré qu'il y a pleine liberté pour tout le monde d'ouvrir des écoles, t donne ensuite l'état de leur faire une guerre d'extermination. On ne s'en serait jamais douté. Eh! quoi, tous les monumentsaltestentque l'époque de notre révolution fut une réaction puissante con tre le despotisme hollandais, notamment en matière de religion et d'enseignement; on vous montre les pièces la main que le congrès national n'a voulu admettre l'intervention de l'état en fait d'instruction que pour autant que les établissements privés viendraient manquer, ou seraient insuffisants et au nom de notre constitu tion, au nom de ce même congrès national et des traditions de notre révolution glo rieuse, vous osez décréter une croisade contre la liberté de l'instruction! Mais non, ne nous parlez ni de révolution de 1850, ni de congrès constituant, ni de pacte fon damental: cette histoire, vous ne l'avez jamais connue, ou vous l'avez oubliée. 1817, époque où vous fesiez votre appren tissage de libéralisme l'école de réfugiés français; 1823, époque où vous appe liez le roi Guillaume le monarque le plus éclairé de l'Europe, parce qu'il perséculait les catholiques; 1828, époque où vous appeliez l'union des catholiques et des libéraux modérés une ligue des Jacobins et des Jésuites; 1850, époque où vous n'éle viez la voix au sein du congrès que pour contester nos libertés les plus précieuses, la liberté des cultes et la liberté de l'en seignement; puis vingt-trois années de protestations haineuses contre ces mêmes libertés, votre congrès libéral avec ses actes voilà votre histoire, vos traditions, votre congrès national et votre constitu tion. VÉRITÉ ET JI ATICE. Ou «'«bonne Yprès, rue de Lille, io, près la Grand Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume. iDE l/Alto\\ERE\Tpar trimestre Yprès fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Uu n° a5 c. Le Propagateur (tarait le SAMEDI et le .MERCREDI de chaque semaine. (Insertion* «V centimes la llscne.) Les journaux de Bruxelles, arrivés ce matin, parlent de la conclusion d'un traité couiineicial avec la France comme d'un fait certain les choses

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Le Propagateur (1818-1871) | 1854 | | pagina 1