JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3796.
37me annee.
LA LIBERTÉ DES BONNES OEUVRES.
A la veille des débats solennels que le
projet de loi du cabinet sur les dons et legs
charitables provoquera coup sûr au sein
du Parlement, l'esprit public se préoccupe
justement de tout ce qui se rattache celle
importante question. Ainsi on se demande
comment il a pu se faire que le chef du dé
partement de la justice, qu'on avait cru
jusqu'ici animé de sentiments conciliateurs,
se soit jeté corps perdu dans le camp du
parti exclusif; comment il a pu d'un seul
coup égaler les tristes exploits des Haussy
et des Tesch, en transformant en projet de
loi les actes regrettables qui signalèrent
leur administration. On se demande com
ment il en est venu, le ministère, libéral
qu'il se proclame, faire aux loges ma
çonniques le sacrifice de la liberté des
bonnes œuvres; une de nos libertés les
plus précieuses, puisqu'elle étend ses bien
faits tous les hommesetà toutes lesclasses
de la société; une de nos libertés les plus
sacrées et les plus fondamentales, puisque
en définitive la vraie liberté se résume en
la faculté de faire le bien sans entraves.
On était en droit sans doute d'augurer
mieux d'un ministère, qui au jour de son
avènement avait pris pour devise: modéra-
lion et conciliation. Mais une voix accou
tumée se faire obéir avait retenti dans le
camp libéral, et trop longtemps déjà au
gré des adeptes du grand homme, le ca
binet actuel avait par u tenir des velléités
d'indépendance. Aujourd'hui cependant
peine M. Frère, sous le pseudonyme de
Jean Van Damme, a l il dans sa brochure
sur la main morte et la charité signifié ses
ordres au parti, que le projet de loi Faider
i paru, et telle est l'édifiante connéxité de
ues et d'opinions de ces deux hommes,
ue la brochure du premier ne semble que
îxposé des motifs du projet de loi qu'éla-
>ra le second. Aussi le travail de Jean
ui Damme vaut-il la peine qu'on s'en oc-
pe. C'est cequ'uncorrespondanldu Jour-
ide Bruxelles s'est proposé de faire dans
ie série de lettres. Nos lecteurs liront
ec plaisir, croyons-nous, le passage sui
nt que nous en extrayons, et oùle spi-
uel écrivain fait justice de la ridicule
clique qu'affectionnent les meneurs du
rti pour effrayer leurs dupes par un
in cliquetis de mots
La dune est décédée; elle repose en paix
is les vastes discours de M. Verhaegen,
rain lourd et stérile qu'évitera l'homme
de lettres et que la curiosité de l'archéo
logue n'ira jamais fouiller. Il n'en est
pas de même de sa sœur la main-morte.
Celle-ci est toujours pleine de vie et de
force; longtemps encore elle figurera sur
la bannière des cliulas du libéralisme ex
clusif elle fait en ce moment la fortune
de Jean Van Damme.
Jean Van Damme fait la main morte
comme M. Jourdain faisait la prose. Quand
Jean Van Damme se met en marche, il
découvre infailliblement la main morte,
tout comme M. Jourdain, en ouvrant la
bouche, produisait infailliblement de la
prose.
I. Un évêque, prenant les libertés con
stitutionnelles au sérieux, prie le Congrès
de faire disparaître les entraves qui em
pêchent les hommes de s'associer pour
opérer le bien et prier Dieu leur ma
nière. Main-morte!
II. Aimant la vie religieuse et croyant
que le Code civil existe pour tout le mon
de, vous mettez une partie de vos biens en
commun, en vous conformant strictement
aux dispositions de la loi. Main morte!
III. Vous faites une fondation de cha
rité; vous la plaçez sous le contrôle de la
puissance publique; mais, voulant que
votre œuvre devienne un moyen de nio-
ralisation, vous exigez que le curé de la
paroisse ail une part d'iniluenceà exercer.
Main-morte!
IV. D'anciennes fondations de bourses
d'étude, qui (quoi qu'en dise Jean Van
Darnme) n'ont jamais été atteintes par la
confiscation révolutionnaire, accordent un
droit de collation l'autorité religieuse.
L'autorité religieuse exerce ce droit, la
demande du Roi Guillaume Ier. Main
morte!
V. Vous faites une nouvelle fondation
de bourses d'étude; ne voulant pas de la
fausse science qui éloigne de la foi, re
poussant la lumière de Jean Van Damme,
vous prenez la précaution d'indiquer un
établissement plaçé sous la direction de
l'autorité religieuse. Main morte!
VI. Vous voulez qu'une part de votre
patrimoine soit distribué aux pauvres;
mais vous exigez que le clergé participe
la distribution des fonds. Main morte!
On voit que, sous les pas de Jean Van
Damme, la main-morte pousse comme les
champignons. Et cependant qui le
croira? Jean Van Damme n'a pas tout
vu! Il s'est arrêté VI, tandis que, avec
un peu plus de zèle, il serait aisément
parvenu XII. Nous allons donc continuer
sa place et combler la lacune.
VII. Les membres d'une loge maçonni
que achètent un bâtiment destiné servir
de temple leurs mystères; ils arrangent le
contrat de manière que la retraite ou le
décès d'un frère n'entraîne pas la licitation
de l'immeuble. Main morte! Main-morte!
VIII. Les amateurs d'histoire naturelle
s'entendent pour établir un jardin zoolo
gique; ils procèdent exactement de la
même manière que les moines du n° II.
Main morte!
IX. Les membres d'une société de musi
que suivent cet exemple. Main-morte!
X. A Liège, Gand, dans toutes les vil
les du pays, on rencontre des sociétés de
lecture ou d'agrément. Les membres sont
co-propriétaires du local; mais, en cas de
décès ou de démission, la société se réserve
la part des morts et des démissionnaires.
Main morte!
XI. Dans d'autres villes, Anvers par
exemple, les membres d'un cercle artisti
que et littéraire se procurent un local,
toujours en marchant sur les traces des
moines du n° IL Main morte!
XII. Les amateurs du jeu se procurent
un local, afin d'être les maîtres chez eux;
ils érigent un club, en prenant des pré
cautions contre le départ ou le décès des
joueurs. Main-morte! Main morte!
Pourquoi les yeux de lynx de Jean Van
Damme n'ont-ils pas découvert ces der
nières énormités et bien d'autres que nous
pourrions indiquer? La réponse est toute
simple Jean Van Damme se repose et se
tait quand il n'aperçoit pas la robe du
prêtre!
Oui, et ce point de vue les niaise
ries de la main-morte deviennent sérieuses,
c'est la crainte de l'influence religieuse,
c'est la haine du prêtre qui se trouve au
fond de toutes ces déclamations. En ré
duisant la doctrine de Jean Van Damme
sa dernière expression, on arriverait
cette conclusion IL FAUT ECARTER
TOUT CE QU'IL Y A DE RELIGIEUX
DANS LA DISTRIBUTION DES SECOURS
PUBLICS.
A ce point de vue, la voix de Jean Van
Damme n'est pas une voix isolée. La Bel
gique compte tout un parti qui forme les
mêmes vœux et pousse au même résultat.
Aveugles, ils ne voient pas les mille symp
tômes de dissolution qui se manifestent de
toutes parts l'œil de l'observateur im
partial! Sourds volontaires, ilsn'enlendent
pas le bruit confus des révolutions qui se
préparent dans les bas-fonds de la société!
Domines d'Etat vues étroites, hommes
de parti confondant les intérêts généraux
avec les rancunes et les haines d'une cote
rie, ils ne savent pas que tôt ou tard
l'Eglise devra s'interposer entre la civili
sation et la barbarie, entre la lâcheté des
uns et la vengeance des autres! Qu'im
porte? Il faut que le prêtre disparaisse de
la scène; il faut que les illusions de l'égoïs-
me et les trames de parti trouvent leur
pâture et leur salaire.
VÉRITÉ ET JCSTICE.
Oq s'ubuniie Y près, rue de Lille, io, près la Graïui
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX HE L'ABONNEMENT, par trimestre,
Yprès fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n° 25 c.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions iî centimes la ligne.)
7??.SS, 13 Février.
JEAN VAN DAMME
F.T
Si nos informations.sont exactes, une quantité
très considérable de literies militaires de notre ville,
aurait été transportée a bord des bateaux, pour être
expédiée vers Ostende. Dans ce cas, il n'y a plus
aucun doute, que tout espoir de voir bientôt une