JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
SIÈGE D'YPRES,
>0 3807.
37me année.
Rien n'intéresse tant les contribuables
que la situation financière de l'Etat. Cet
intérêt constant qu'attachèrent toujours
les populations, tout ce qui concerne
l'emploi des deniers publics, est venu
s'augmenter encore depuis quelques an
nées, la suite de différentes crises ali
mentaires qui, pesant de tout leur poids,
sur la classe ouvrière, en ont épuisé les
moyens d'existence.
C'était en 1847 que, pour la première
fois depuis 1850, notre pays sentit sur
tout les rudes atteintes de la faim et de la
inisère. Un ministère animé des principes
les plus louables et les plus bienfaisants
occupait le pouvoir. Pénétré des besoins
du pays, il ouvrit généreusement les
trésors de l'Etat pour tempérer, de con
cert avec la bienfaisance privée, la rigueur
de la crise.
Ce n'était point assez aux yeux de cer
tain parti, avide du pouvoir, que les res
sources qu'offrait le gouvernement aux
contribuables de tous les points du royau
me et principalement des malheureuses
Flandres! 11 fallait pour sauver les familles
tourmentées par la misère, des moyens
plus efficaces, plus pratiques, plus éner-
Feuilleton du Propagateur.
par 1rs Anglais rt les (Pantois, en l'an 1383
LA TUINDAG,
giques! Diminuer les dépenses publiques;
réaliser des économies de tout genre, alléger
les impôts et les charges publiques.... voilà
ce qu'il fallait, au dire des prôneurs libé
raux, pour tirer la Belgique de l'abîme.
Certainement, pour parvenir se bisser
au pouvoirjamais parti n'usa d'une
échelle plus commode. Fasciné par le
promesses les plus séduisantes, le corps
électoral, par l'espoir d'obtenir un avenir
meilleur, se jeta dans les bras des préten
dus régénérateurs de la patrie appauvrie
et mourante!
A la place des ignares cléricaux, le
génie transcendant du libéralisme s'instal
la au pouvoir, dans la personne de MM.
Rogier, Frère et compagnie.
Entourés de la confiance de la majorité
des électeurs, on était sans doute en droit,
d'attendre, que leurs premiers soins se
raient de répondre l'attente qu'ils avaient
fait concevoir de leur sagesse.
Vaine prévision! peine dépositaires du
pouvoir, les triomphateurs libéraux, qui
s'étaient tant récriés contre les gaspillages
de leurs devanciers, ouvrirent doubles
battants la porte des dépenses. Expositions
agricoles, mises la retraite, parades,
distributions de médailles, rien ne fut
négligé de ce qui fut de nature porter
une rude entaille aux finances! Comme
complément leur système prétendu éco
nomique, les héros de la politique nou
velle, au lieu de diminuer les impôts,
s'ingénièrent créer des charges nouvel-
les, de la nature même la plus odieuse.
Parmi celle-ci, il faut ranger en première
ligne la loi sur l'enseignement qui, en
créant au pays un surcroît de dépenses,
priva en grande partie la jeunesse stu
dieuse des bienfaits de l'enseignement re
ligieux. La loi inique sur les successions
en ligne directe, les législations nouvelles
sur le tabac, la bière, le genièvre peuvent
bon droit être rangées de même parmi
les mesures d'économie, dont le libéralis
me possède un si haut point le secret, et
dont il nous a légué un spécimen si cu
rieux en décrétant, deux emprunts forcés,
et en faisant voter les frais si considéra
bles que comportent le dérivement de la
Meuse, et tant d'autres conceptions qui
resteront jamais gravées dans la mémoire
et la bourse des contribuables.
Telleesten résumé, l'histoire de la science
financière tant prônée, de la politique Ro-
gier-Frère; qu'après avoir occupé le pou
voir pendant quatre années, loin d'avoir
réalisé la moindre économie, ils ont trans
mis leurs successeurs la caisse publique
chargée de dettes, au point que de l'aveu
de M. Liedts aujourd'hui ministre des
finances, qui en a fait la déclaration dans
la séance de la Chambre du G février, le
déficit la fin de la session ne s'élèvera pas
moins de 55 millions! sans compter les 15
millions que nécessitera la dépense de nos
places fortes.
55 millions de déficit pour le trésor,
n'est-ce pas là une charmante perspective
VÉRITÉ ET JCSTICE.
On s'abonne Yprès, rue de Lille, 10, près la Graud
Place, et cliei les Percepteurs des Postes du Royaume.
PHII DE L'ABOXIEBKIVT, par trln»e*tre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n° a5 c.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 11 centimes In ligne.)
m m m mmm N# 9
25 Mars.
ET ORIGINE DE LA KERMESSE DITE
Traduit d'après l'ouvrage de feu Jeun-Jacques I VIIII Y,
en sou vivaut Archiviste de la ville d'Ypres, membre de
plusieurs sociétés savantes, Chevalier de l'Ordre de Léo-
pold, etc., etc.
Siège.
Les Yprois ayant appris le malheureux sort de
leurs voisins, et croyant avoir tout a craindre d'un
ennemi victorieux se hâtèrent de mettre leur ville
en état de défense. (1) Aussi rien ne fut négligé
pour se procurer tous les moyens de résistauce.
C'est pourquoi les Magistrats de la cité firent
annoncer par toute la ville, que les habitants,
quelque fut d'ailleurs leur condition ou leur qua
lité, avaient se procurer des vivres pour au
moios quatre mois eo outre, ils ordonnèrent de
se procurer tout le grain, et toutes les autres den
rées alimentaires, qu'on put trouver dans les envi
rons, et de le transporter dans la place; pour
pouvoir se défendre d'autant mieux contre les
attaques des enuemis, ils firent mettre en boD état
les portes et toutes les autres issues de la ville, et
armèrent les remparts de canons et d'autres instru
ments de guerre, dont on se servait cette épo-
(ij dauvage, chap. lia.
que. (g) Mais, comme CharlesVl, ainsi que Louis de
Mâle, avaient consommé tout le salpêtre qui se
trouvait dans les arsenaux de la ville, peudant
l'affaire de Roozebeke, les Magistrats furent obligés
d'envoyer Paris, uu nommé lien ri Kantin, pour
y en acheter en abondance. Pour augmenter les
forces des citoyens, les Magistrats ordonnèrent que
tous les Yprois absents étaient teDus de retourner
en ville pour la défendre, sous peine de mort et
de confiscation de leurs biens. (1) On engagea
également les campagnards qui voulaient se pré
munir contre les attaques des ennemis, se réfugier
dans la cité, et h s'y abriter derrière les caDons de
la place. De toutes parts on vit accourir une foule
de paysans emportant avec eux tout ce qu'ils
purent sauver, quand déjà l'ennemi s'était avancé
jusqu'aux faubourgs de la ville. (Defeu.)
Après avoir saccagé Poperinghe, l'armée Anglo-
Gantoise se montra vers le soir du 8 Juin i383,
sous les murs de la cité. (2) A en croire le récit
d'un autre auteur, (3) il faudrait conclure que les
Anglais étaient déjà campés auprès de la ville,
(g) Selon quelques auteuis, l'artillerie rt la pouiiir-a-canon
étaient déjà connues en France dès l'année 1338. Il y en a
d'autres qui prétendent qu'on ne lit usage, pour la première
fois, de cauous, qu'eu i38o, daus la guerre qui éclata entre
les Vénitiens et la ville de Gènes. (Dictionnaire des Origines).
En l'an 1738, il y avait encore dans l'Hôtcl-de-Ville, uu
grand nombre de boulets eu pierre, qui dataient depuis le
siège de r383. (Aunales de la ville d'Y'pres
(1) Manuscrit d'Olivier de Dixiuude.
(a) Meyer, liv. t3.
(3 Froissart, liv. a ebap. i36.
quand le général Anglais informa les Gantois de
son arrivée devant la place, el les engagea opérer
leur jonction avec son armée. Ce qui est peu pro
bable, moins cependant que les Gantois ne se
trouvassent dans les environs de la ville.
Quoiqu'il en soit, les assiégeants s'avancèrent
vers la ville, sans que les Yprois eussent la moindre
connaissance de leur approche. Car, la cloche du
travail, ayant été sonnée comme de coutume, les
ouvriers avaient repris leurs travaux sans arrière-
pensée du danger qui les menaçait. Les Gantois,
au nombre de vingt mille, ayant 'a leur tête, Fran
çois Aokerman, Pierre Van den Bosscbe et Pierre
De Winter, prirent position l'est de la ville.
L'armée de la Grande-Bretagne était composée de
quinze mille fantassins el de deux mille cavaliers,
de sorte que l'armée assiégeante comptait trente
sept mille hommes, (i) Elle fui renforcée dans la
suite de vingt mille Gantois, auxquels se joigni
rent un grand nombre d'Ecclésiastiques Anglais,
qui croyaient obtenir leur salut, en marchant
contre les partisans de Clément.
En voyant arriver ces renforts, les Anglais ne
purent contenir leur joie. Ils reçurent leurs alliés
en triomphe, el dans leur enthousiasme se crurent
déjà les maîtres de toute la Flandre et leur assurè-
reut que réunis, la conquête du pays serait chose
facile, (a)
(i) Mryer, liy. i3.
(a) Frousart, liv. a chap. i3j.