PERSÉCUTIONS LIBÉRALES
EN PIÉMONT.
Dans noire dernier numéro, nous avons annoncé
qnele ministère pie'monlais, poorsuivanl sa guerre
contre les religieux et les religieuses, venait d'ei-
pulser de leur couvent les chanoinesses de Latran,
sœurs de Sainte-Croix.
Voici maintenant,d'après l'y-/rTriom'a et il Cam-
panone, quelques détails publiés par {'Univers au
sujet de ce nouvel exploit du libéralisme piénion-
tais.
Neuf jours avant l'expulsion des sœurs, le
ministre, M. Urbain Rattazzi, avait adressé aux
religieuses une missive pour les prier d'abandonner
leur maison et de la mettre la disposition du gou
vernement. I.a supérieure avait répondu que, le
Pape seul pouvant les dispenser de la clôture, il
leor était impossible de rompre celte clôture el de
céder leur couvent sans le consentement du Saint-
Siège. A quoi le ministre répliqua Que Rome
y consente ou non, vous sortirez de chez vous; si
vous n'en sortez pas de bon gré, nous vous en ti
rerons par la force. Il a tenu parole.
Dans la nuit du 17 au 18 août, vers les deux
heures du matin, une troupe de soldats en armes
investit le couvent. A leur tète marchait l'inten
dant général, M. Tarcito, accompagné du ques
teur, et entouré d'appariteurs et de gendarmes. On
va chercher l'abbesse: elle répond que les règles
de son ordre et les sacrés canous ne lui permettent
pas d'obéir; qu'elle ne peut et ne veut céder qu'à
la force.
En i848, les religieuses avaient piété au gou
vernement, qui y avait installé des soldats, une
partie des bâtiments du monastère. En i85o, les
soldats furent retirés, et les religieuses eurent a
dépenser des sommes assez fortes pour remettre ces
bàtimeots en état. Peu après le gouvernement les
leur reprit pour en faire un magasin, et depuis il
les a toujours gardés. Les sœurs ont dû (aire élever
un mur pour les séparer du reste du couvent et
être chez elles. Les assaillants résolurent de pra
tiquer une ouverture dans ce inur, et déjà ils étaient
a l'œuvre, lorsque quelques-uns d'entre eux, plus
avisés, allèrent chercher des échelles, et le couveot
fut pris par escalade. La Mère-Abbesse attendait,
tenant les clefs. L'intendant général les lui arracha
el fit ouvrir la grande porte.
L'Abbesse protesta verbalement contre la vio
lence qui lui était faite el remit l'ioleodaot nne
protestation écrite. Celui-ci doona ardre aux agents
de la force publique de s'emparer des religieuses,
qui étaieut eu prières dans le cbœur de leur église,
el de les transporter dans les quinze voitures que
le gouvernement avait fait préparer. Cet ordre fut
aussitôt exécuté.
Parmi les religieuses, quelques-unes se trou
vaient atteintes de maladies assez graves. Le mi
nistre ne pouvait l'ignorer il en avait été prévenu
par la supérieure dans les correspondances échan
gées entre elle et lui. Or, on n'avait pris pour ces
infirmes aucune mesure particulière. Elles recueil
lirent ce qui leur restait de force pour quitter leurs
lits et suivre leurs compagnes
Remarquez que le couvent et l'église sont la
propriété particulière des religieuses. Des litres,
des actes, et autres pièces fournies au ministère,
il résulte que les sœurs de Sainte-Croix ont dé
pensé pour la construction ou les réparations plus
de 372,000 fr., provenant de leurs dots réunies, de
la vente de leurs biens propres, et de leurs éco
nomies.
Pour justifier une aussi criaote spoliation, le
ministère piémontais allègue la nécessité où l'ap
parition du choléra le met de se procurer un local
qu'il puisse disposer convenablement ponr les n
besoins de l'hygiène publique. Ce prétexte hy
pocrite ne trompe personne. Le journal il Cam-
panone en fait justice en ces termes
Auprès du collège de Sainte-Croix, se trouve
le collège de Provinces, également vaste, mieux
aéré, et parfaitement vide. Outre ce local, il en est
Turin une foule d'autres que l'on pourrait ap
proprier très-facilement. Et d'ailleurs pourquoi
M. De Cavour, cet ami du peuple, pourquoi M.
Ratazzi, pourquoi M. Dabormida ne cèdent-ils pas
pour les besoins d'bygiène publique uue partie
de leurs palais ou quelqu'une de leurs maisons l
Les sœurs ne sont-elles pas propriétaires au même
litre que ces messieurs? Les soi-disant modérés ne
Cesseut de nous parler de la liberté de conscience.
Cette liberté consisie-l-elle a imposer h des reli
gieuses la violation des lois de l'Église; faire
violer la clôture des couvents par des ageuts su
balternes, appartenant la religion catholique, au
mépris des sacrés canons, qui frappent d'excommu-
nicatiou quiconque se permet un tel attentat?
Oo se inoque, nous le savons, de ces lois ec
clésiastiques. L'orgueilleuse sagesse de nos hommes
d'Etat n'a pas, disent-ils, s'en préoccuper; ils
n'ont songer qu'à l'hygiène publique. Mais tout
le monde voit bleu que, daos la circonstance pré
sente, l'hygiène n'est qu'un vain prétexte. On veut
donner satisfactiou au parti révolutionnaire et pous
ser en avant daos ses voies; ou veut mettre la main
sur le bien d'autruion ne veut plus ni religieux
ni religieuses, comme l'on ne veut plus ui Evêques
ni Pape. Telle est la vérité; nos ministres seraient
rnoius odieux s'ils étaient plus sincères.
u La Gazette officielle auoouce qu'on a trans
formé le couveut de Sainte-Croix eu hôpital mi
litaire. Mais il est tellement vrai que le but du
gouvernement est la destruction des ordres reli
gieux, qu'après l'expulsiou des Chartreux et celle
des sœuis de Saiute-Croix, 00 annonce que des
décrets, déjà soumis la signature royale, vont
chasser de leurs maisons les Pères de Saint-Phi
lippe,ctuz des Missions, les religieuses Sacramen-
Unes et les religieuses Capucines. Eu préseuce de
si nombreuses expropriations, frappant toutes ex
clusivement des religieux ou des religieuses, n'est-
il pas dérisoire de prétendre qu'elles sont unique
ment motivées par des besoins de l'hygièiie
publique Ou a donné aux religieuses Capucines
jusqu au lundi 2 1 août pour quitter leur maisou,
REVUE POLITIQUE»
La situation de l'Espagne continue toujours
d'être fort peu rassuraute. Il est certain que les
divisions les plus profondes existent eutre les
progressistes el les modérés. O'Donnell, qui s'est en
quelque sorte constitué le défenseur du parti mo
déré et des prérogatives de l'armée, est loin de
posséder la confiance nécessaire qui fait la force
d'un ministre de la guerre en temps de crise.
Quant Espartero, il vise décidemment la
gloire de devenir le chef des anarchistes de la
péninsule ibérique. Il vient d'accepter la prési
dence du club du Cercle de l'union, composé des
révolutionnaires les plus avancés. Voici un fait
bien propre donner uue juste idée de la lâcheté
de ce prétendu homme d'État: pendant que pres
que tous les ministres voudraient favoriser el hâter
le départ de la Reine Christinele Dnc de la
Victoire s'oppose celte mesure parcequ'il craint
de compromettre sa popularité en contrariant
Us vœux de la nation. Vraiment voilà le modèle
d'un homme de cœur I
Quant aux provinces, elles offrent les mêmes
symptômes de tiraillements que le gouvernement.
Les nouvelles de la Catalogne entre autres inspi
rent les plus grandes inquiétudes. Le général
Dulce, en prenant possession de son commande
ment dans cette province, a débuté par un acte
qui est loin de rassurer la population paisible. Il a
ordonné la levée de l'état de siège, la démolition
des murailles de Barcelone et l'armement de la
garde nationale. Le résultat le plus clair de cette
dernière mesure sera de laisser la ville aux mains
de 3o,ooo ouvriers armés, la plupart républicains,
qui pourront au premier moment s'en rendre
maîtres.
Des personnes bien informées prétendent que le
général Dulce, après avoir commencé par trahir le
général Blazer au profit du général O'Dorioell,
veut maintenant trahir ce dernier au profit d'Es-
partero.
Les nouvelles du théâtre de la guerre ne sont
pas non plus fort importantes.
Une chose qui paraît certaine, c'est que les trou
pes autrichiennesel les tronpesottomanesoccuperont
de concert les principautés. Les forces autrichiennes
doivent faire le 5 septembre leur entrée Bucha-
rest. D'après le Pays il y aura cette époque près
de 100,000 Turcs dans la Valachie.
Des nouvelles annoncent également qu'Omer-
Pacha a fait le 22 son entrée Bucharest et qu'il y
a été reçu avec enthousiasme. Il a passé en revue
12,000 Turcs et la milice Valaqne. Mais le Lloyd
dit que les troupes ottomanes évacueront Bucha
rest, tandis qu'elles continueront d'occuper Giur-
gewo, qui est l'une des places fortes de la rive
gauche du Danube.
Quant aux Russes, on ne sait pas encore jusqu'
ici si leur inleoiion est d'évacuer complètement les
principautés, ou si elles tâcheront de conserver
quelques places, telles que l'braïlaGalatz et
d'autres points. Il y a plus d'après des nouvelles
de Jassy du 20 août, on ne s'apercevait pas encore
cette date que les Russes fissent des préparatifs
séiieux pour abandonner la Moldavie, ou même
pour opérer une retraite quelconque.
Pour ce qui'en est de l'expédition de la Crimée,
elle paraît définitivement arrêtée pour celte année.
Les uns disent qu'elle a dû partir le 20 août les
autres qu'elle ne partira que le 3o. On suppose
que ce retard est causé par suite du grand incendie
de Varna qui a consumé les approvisionnements
de l'armée il est dû aussi peut-être l'état sani
taire des flottes ou le choléra n'a pas encore
entièrement disparu.
On calcule que l'expédition se composera de
80,000 hommes, savoir 4o,ooo Français, 20,000
Anglais et 20,000 Ottomans. D'après le correspon
dant de la Patrie de Paris, les immenses prépa
ratifs faits depuis plusieurs mots, ont porté au
dernier point l'enthousiasme de la population
turque, qui regarde le succès comme infaillible.
Mais de son coté, un correspondant du Lloyd
dit qu'on s'attend voir échouer les attaques
contre les positions russes de la Crimée et des
côtes de la mer Noire.
Les nouvelles de la Baltique sont aussi fort
insignifiantes. Pour revenir sur le passé, il paraît,
dit le Journal des Débats, que l'œuvre de des-
trucliou Bomarsund s'est accomplie avec une
rapidité, et dans des proportions auxquelles les
assiégeants eux-mêmes ne s'attendaient pas. Le
principal enseignement qui résulte de l'effet pro
duit, c est le degré de résistance que peuvent
opposer un feu bien dirigé ces fortifications de
granit qui n'avaient pas encore été éprouvées. Les
ruines accumulées en si peu de temps, l'impor
tance des pertes essuyées par les assiégés compara
tivement celles des assiégeants, sont des faits
qui semblent prouver suffisance, que les fortifica-
I lions de granit de Sweabourg et de Cronstadt ne