JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Ko 3,861.
38me année.
30 Septembre.
Le haut prix des céréales continue de
préoccuper vivement l'attention publique.
Chose étrange vraiment! de l'aveu de
tout le monde nous avons cette année une
récolte riche et abondante, telle que nous
n'en avons pas eue depuis assez longtemps;
les blés et les seigles notamment ont réussi
au-delà de ce qu'on osait espérer: et voilà
pourtant que plus d'un mois après la ren
trée de la moisson, nous payons le pain
aussi cher que dans les années de disette!
sur presque tous les marchés du pays le
prix des grains est en hausse, et l'on dirait
qu'au milieu de l'abondance le pays se
trouve menacé de la famine!
Chacun comprend combien il importede
sortir d'unesiluation si fâcheuse, et de pré
venir partousles moyens une crise alimen
taire quientraînerail aprèselled'immenses
dangers pour le repos du pays. On ne peut
le nier, s'il nous fallait traverser de nou
veau une année de cherté comme celle qui
est près de finir, la classe ouvrière, déjà
épuisée par les privations el les souffrances
de toute espèce, se trouverait celte fois lit
téralement ex posée mourir de faim, tandis
que toute la petite bourgeoisie, qui est
peu près ruinée par suite de la stagnation
persistante du commerce, et de la cherté
excessive de toutes les denrées, se verrait
inévitablement réduite une misère com
plète et n'aurait plus d'autre ressource que
le bureau de bienfaisance.
Quant nous, la mesure qui, dans les
circonstances actuelles, nous paraît devoir
remédier une situation intolérable et
pleine de périls, c'est de décréter la prohi
bition des grains,des farines et des pommes
de terre leur sortie de la Belgique.
Cetteopinion, depuis quelques semaines,
ne rencontrait plus que de rares contradic
teurs; tout annonçait qu'elle allait bientôt
triompher définitivement devant la légis
lature, lorsqu'une note statistique, publiée
ces jours derniers par le Moniteur belge,
est venue faire revivre lout-à coup les
doutes sur l'opportunité de cette mesure.
Il résulterait de cette note, que, pendant
la première quinzaine de septembre, les
importations de grains en Belgique au
raient été pour le moins dix fois plus con
sidérables que les exportations des mêmes
denrées. D'après cela, on serait naturelle
ment tenté de conclure qu'il n'y a aucun
motif chez nous de prohiber la sortie des
céréaies.
Mais qui prouve trop ne prouve rien.
Nous ne pouvons nous empêcher de dire
que les chiffres publiés par le journal offi
ciel ne nous inspirent qu'une médiocre
confiauce. Personne n'ignore que presque
toutes les contrées où l'Europe va s'ap
provisionner de ce qui lui manque de blés,
se trouvent aujourd'hui, par suite de l'état
de guerre, inaccessibles au commerce:
Comment voulez-vous en présence de ce
fait que les importations des denrées ali
mentaires aient dépassé les exportations
dans une proportion si énorme, alors que
pareille chose ne s'est peut être pas vue
dans les temps d'une paix universelle?
Mais quand donc, où, dans quels poils
est-on allé chercher les céréales que l'on
dit avoir été importées chez nous pendant
la première quinzaine de septembre? Quel
pays les a produites? Ce sont là des ren
seignements qu'il aurait été utile de faire
connaître au public.
Qui ne sait d'ailleurs que lorsqu'il s'agit
de constater le mouvement commercial
d'un pays, les documents officiels de sta
tistique ne valent guère mieux que les au
tres Le plus souvent ils sont dressés avec
la plus grande négligence et fourmillent
d'erreurs: fort heureux encoresi les agents
subalternes du gouvernement n'arran
geaient et ne faisaient plier les chiffres de
manière les faire cadrer avec les théories
connues de leurs chefs: mais c'est là mal
heureusement une chose qui se pratique
partout, et dont les staliciens comme les
économistes se plaignent hautement.
Mais admettons que les chiffres donnés
par le Moniteur aient toute l'exactitude dé
sirable: cela démontre t-il que la législa
ture aurait tort de l'exportation des denrées
alimentaires? Nous ne pouvons le croire,
parce que absolument tout ne fait présager
que ces chiffres se maintiendront dans des
proportions analogues, ou même dans des
proportions infiniment moindres. Bien au
contraire eten effet, si durant la première
période du mois de septembre, les impor
tations de blés et seigles ont été si satis
faisantes, nous pensons(pour nous servir
ici des expressions du Journal de Bruxelles
que cela tient uniquement ce que le com
merce a voulu profiter de l'état de nos
marchés, pour mettre en vente et réaliser
promptement la plus grande partie des
grains dont il dispose et disposera d'ici
longtemps. Mais une fois que les céréales
étrangèresque le négoce tient encore en ré
serve,se trouveronlépuisées,et que d'autre
part la plus grande partie de notre propre
récolle pourra être livrée la consomma
tion, alors nous verrons, selon toute pro
babilité, les choses prendre brusquement
une autre tournure: alors les importations
deviendront toul-à-coup nulles ou insigni
fiantes, tandis que les exportations s'effec
tueront sur la plus vaste échelle. La France,
l'Angleterre surtout qui a besoin d'une
grande quantité de céréales étrangères, et
qui celle fois ne peut pas, comme les au
tres années, aller s'approvisionner dans
les ports de la Bussie, tourneront les yeux
vers notre pays et viendront enlever la
majeure partie de notre moisson. Et d'où
importera-t onen Belgique des grains pour
compenser le déficit occasionné par ces
exportations? La Russie, les ports de la
Baltique comme ceux de la mer Noire sont
fermés au commerce par suite de l'état de
de guerre où se trouve le monde: Et pour
tant ce sont les greniers d'où les différentes
nations de l'Europe tirent régulièrement
ce qui leur manque de grains: Encore une
fois d'où nous viendront les importations?
Nous finissons par cette considération:
C'estque nous ne risquonsabsolument rien
prohiber la sortie des denrées alimen
taires. Il n'est pas craindre, comme cer
taines personnes semblent le croire, que
cette mesure vienne entraver les impor
tations dont nous pouvons avoir besoin.
Cette mesure a déjà été adoptée plusieurs
fois et jamais elle n'a empêché grandes
quantilésdecéréalesd'arriver dans le pays.
D'ailleurs nous avons en Belgique un sys
tème sur les entrepôts qui remédie l'in
convénient qu'on redoute.
PROPAGATEUR,
VÉRITÉ ET JIHTICE.
Ou .'.bonne A Ypres, rue de Lille, 10, près I. Grand
Place, el cbez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE E'ABOXXEMEST, par trlmrNtre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Uu n° a5 c.
Le Propaaalrur parait le SAMEDI et le MElirREBI
de chaque seinaiue. (Insertion» I» centime» la ligne.)
Le Progrès ne se lasse pas d'admiration pour
M. Carton, diplômé grand et judicieux admi
nistrateur. Sous prétexte qu'il est de son devoir
de rectifier trois fautes typographiques insigni
fiantes qui s'étaient glissées dans son premier
compte-rendu du banquet du 19 septembre, ce
journal vient reproduire encore une fois, mot pour
mot, dans son numéro de Mercredi, plus des trois
quarts de la harangue de M. le Commissaire de
district. Rien n'est oublié, pas même le grave et
majestueux assentiment unanime des convives-
auditeurs. Évidemment le Progrès veut que ses
lecteurs sachent par cœur le discours de M. Carton.
Les Sapeurs-Pompieis de notre ville, voulant
donner leur commandant, M. Alphonse Vanden
Peereboom, un témoignage de leur affection et de
leur dévouement, viennent de lui offrir, dimanche
passé, son portrait en pied. A l'occasion de la re
mise du portrait, il y a eu, l'hôtel-de-ville, une
fête b laquelle des fonctionnaires et plusieurs per
sonnes notables ont assisté. Le tableau a été exécuté
par M. Bôhm, artiste Yprois bien connu. On assure
que le portrait de M. Alphonse Vanden Peereboom
est une œuvre complète et des mieux réussies.
Cent fois les organes du libéralisme ont dit et
répété que la Franc-maçonnerie ne se tnêle pas de
politique ni de religion. Si quelque journal con
servateur risquait d'exprimer seulement quelque
doute l'a-dessus, il serait sûr d'avance d'être verte
ment dénoncé par toute la presse libérale. L'Obser
vateur el le Journal de Zféo-e surtout frémissaient
de n'être pas crûs sur parole. Voila pour le passé.
Aujourd'hui, c'est autre chose: en présence des
documents publiés par les journaux catholiques,
on est bien force d en convenir, on eu convient:
la Franc-raaçouneries'occupe d'affaires politiques;
seulement, 00 a recours une foule de subterfuges
et de considérations ridicules pour expliquer la
chose, et surtout pour atténuer la portée des pièces
qui ont été mises sous les yeux du public. Mais les
pièces restent debout. Elles resteront comme un
monument irrécusable des sioistres projets qui se