JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
j>To 3.863. Samedi, 7 Octobre, 1854. 38me année.
7?^3S, 7 Octobre.
L'une des préoccupations les plus con
stantes du soi-disant libéralisme fut l'assu
jettissement de l'Eglise l'Etat. Partout où
les droits respectifs des deux pouvoirs,
temporel et spirituel, se trouvent engagés,
partout où se débat une question mixte,
le libéralisme, qui n'entend rien aux droits
inaliénables de la conscience, professe par
ses actes surtout qu'il n'y a que les exi
gences de l'Etat dont il faille se préoccuper
et que le catholicisme ne peut prétendre
qu'à la tolérance.
Ce n'est pas, il est vrai, que la masse de
nos libéraux ne recherche en mainte cir
constance le concours et l'appui du clergé;
mais quel prix, on le sait, au prix de la
dignité et de l'indépendance de l'Eglise
Ravaler celle-ci au rôle dégradant de ser
vante de l'Etat; asservir le prêtre la
bureaucratie gouvernementale; tel est le
secret de la science politique des libéraux.
Annihiler par conséquent l'influence mo
rale du clergé, dégrader aux yeux des
peuples le caractère sacerdotal, avilir le
culte lui-même, telles sont les conséquen
ces directes, infaillibles, sinon avouées et
prévues de celte préoccupation constante.
Ainsi comprirent-ils le concours du cler
gé et de l'influence religieuse dans ces
questions vitales se rattachant l'ensei
gnement et la bienfaisance. Et il n'y a
pas lieu, ce semble, de nous appesantir ici
sur ce fait trop souvent déjà nous eûmes
occasion de le mettre en lumière. Aujour
d'hui il nous suffira de rappeler en peu de
mots ce qu'ont produit au sein d'une
monarchie Européenne les théories anti
sociales, dont le libéralisme chez nous
aussi voudrait faire l'épreuve.
L'empire russe, car c'est lui que cette
allusion s'applique, possède une Église
lui, une Eglise suivant le cœur du libéra
lisme, indépendante de Rome, mais assujet-
tieau pouvoir civil.C'est leczarqui nomme
tous les emplois ecclésiastiques; et en
retour l'Eglise russe, tous les degrés de
sa hiérarchie, servile instrument de l'Etat,
se borne consacrer la politique ou les
caprices du maître. Une commission admi
nistrative, composée d'évêques et de sim
ples ecclésiastiques, et qu'on appelle le saint
synode, est censée la régir. .Mais un com
missaire impérial, (dernièrement encore
c'était le colonel de hussards ProtasofT,)
préside le comité il a mission de notifier
et de faire mettre exécution les volontés
de l'autocrate que par serment chaque
membre du synode reconnait pour pape et
juge suprême.
Aussi le clergé russe, s'il a encore le
pouvoir de fanatiser les masses ignorantes
et barbares, mais simples et croyantes du
peupfe, n'a guère d'action sur les classes
éclairées et aristocratiques. Méprisé par
les détenteurs du pouvoir, le clergé resta
en dehors de l'œuvre de civilisation entre
prise par Pierre le grand et ses successeurs
jusqu'à Catherine 2. Imbus qu'ils étaient
des doctrines philosophiques du 18 siècle,
ces princes cherchèrent ailleurs que dans
la religion les éléments de la régénération
sociale de leur empire. La civilisation du
peuple Russe, telle que Pierre 1er l'a entre
prise et telle qu'elle fut continuée jusqu'à
ces jours, fut en effet toute matérielle,
c'est-à-dire toute d'arts et d'industrie. Aug
menter la somme de bien-être matériel,
répandre le bon ton et les belles manières,
le décorum et les modes de la société fran
çaise, favoriser l'élude des sciences, exac
tes surtout, au sein des classes opulentes,
telle fut en résumé l'œuvre des czars.
Une nation s'est ainsi formée, où qua
rante millions de serfs portent un joug
abrutissant; où un million de nobles et de
bureaucrates accaparent tous les emplois,
rançonnent le peuple,gaspillent les trésors
de l'Etat; pourvus d'ailleurs d'une éduca
tion superficielle et athée, mais surtout
remarquables par leur profonde dégrada
tion morale; où enfin s'agite le puissant
parti des vieux liasses; enveloppant dans
sa haine et la civilisation toute entière et
les funestes conséquences d'une civilisation
fausse et tronquée.
Nous l'avons dit plus haut, la religion ne
présida point l'œuvre régénératrice que
tenta Pierre-le-grand. La nouvelle civili
sation se restreignit donc aux classes éle
vées de l'empire; elle s'adressait l'esprit,
non pas au cœur, et les masses, qui sont
la force vitale des nations, restèrent eu
dehors de ce mouvement scientifique. La
religion moscovite ne pouvait non plus
rien par elle-même: habituée de longue
main n'obéir qu'à l'impulsion du pouvoir
séculier, toute puissance d'initiative lui
faisait défaut. Et d'ailleurs, ce qui, dans
cette sujétion dégradante de l'Eglise
l'État, arrête le développement, le progrès
social du peuple russe, c'est qu'elle consa
cre dans les mœurs de la nation la subor
dination de l'esprit la matière, de la
conscience la force brutale.
Tel est l'état de dégradation et d'impuis
sance où l'asservissement du pouvoir spi
rituel au pouvoir civil a réduit l'Eglise
nationale russe; tel est le beau idéal en
religion que prônent les têtes fortes du
soi-disant libéralisme et dont ils voudraient
voir dotée son tour notre libre et catho
lique patrie.
PROPAGATEUR,
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'dbonue Ypres, rue de Lille, io, près la Grand
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PltlX DE L'ADO nnil\Tpar trimestre,
ïpres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n° a5 c.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (inMertlon* 15 centimes la ligne.)
NOUVELLES LOCALES.
Au terme de la loi, tous les conseils commu
naux doivent être prochainement renouvele's par
moitié l'élection aura lieu le mardi 3t courant,
dernier mardi du mois
Voici les noms de nos conseillers communaux
qui rentrent dans cette catégorie.
MM. Vanderstichele,
Ivveins-Fonleyne,
Vandebroucke,
De Ghelcke,
Beke,
Boedt, avocat,
Boedt, notaire,
Cardinael.
Et un membre en remplacement de M. Annoot,
décédé.
Il est a présumer, qu'en ce qui regarde notre
ville, le renouvellement des mandats de nos con
seillers communaux devra être complet, vu la
démission présentée par eux en février dernier.
Le marché aux grains de ce jour a été fort bien
approvisionné. ,386 hect. étaient exposés en vente.
Le prix était de fr. 25-6o l'hect.
REVUE POLITIQUE.
Les nouvelles de la Crimée, démentent formel
lement la nouvelle de la prise de Sébastopol. Le
récit du fameux Tarlare est démenti de Bucharest
même, et voici maintenant ce qu'on sait de positif.
A la date des dernières dépêches, les alliés, après
leur victoire sur l'Aima, s'étaient avancés jusqu'au
Belbeck, dix verstes de Sébastopol. Du 25 au 27,
il y a eu, assure-t-on, une nouvelle rencontre sur
la Katcba, dont le résultat aurait été une nouvelle
victoire pour l'armée anglo-française. Trois cents
blessés russes venaient d'arriver a Odessa, sous pa
villon parlementaire, ce qui semble confirmer cette
version.
Une lettre adressée de Constantinople par lord
Stratford lord Westmoreland, ambassadeur
Vienne, apprend, en outre que Sébastopol n'est
plus seulement menacé du côté du nord les géné
raux alliés, profilant, paraît-il, de la nécessité où
le prince Gortschakofï s'est trouvé de dégarnir la
côte au sud, ont opéré un débarquement Bala-
clftva,'a 1 5 ou 18 kilomètres de Sébastopol, et y
ont mis b terre l'artillerie de siège. Pour compléter
ces renseignements nous devons ajouter que le gé
néral Menichikofï ne s'est pas retiré sur Sébastopol,
mais qu'il tient la campagne avec 20,000 hommes.
La Gazelle de Londres annonce que les Russes
ont incendié la place d'Anapa, en la quittant pour
se rendre en Crimée sur le théâtre de l'action.
La situation de l'Espagne, devient de plus en
plus précaire. Une correspondance particulière de
Madrid rapporte que la Reine Isabelle refusant la
position faite la royauté en Espagne, aurait ma
nifesté l'iuteution non pas seulement d'abdiquer,
mais de quitter le pays avec la princesse des As-
luries.
Le journal qui publie ces renseignements dit
qu'en supposant que ce projet ait été connu, i! n'y
a pas lieu de croire a sa réalisation.
Outre la nouvelle que nous venons de rapporter,
il est question d'un manifeste du comte de Monte-
moliri dans lequel ce prince revendique de nouveau
ses droits a la couronne d'Espagne.