JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
LE
No 3.869.
Samedi, 28 Octobre, 1854.
38me année.
7ÎP.2S, 28 Octobre.
PROPAGATEUR,
vérité et jrrstice.
On s'abonne Yprès, rue de Lille, 10, près la Grand
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
I»HI\ Ili: L'ABtlVIIElKNT, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n° a5 c.
L.e Propagateur paraît le MERCREDI et le 14.4 M EDI
de chaque semaine. (iiiKcrtlonN 3 centimes la ligne.)
Nous allons désormais faire une drôle de figure
Car voilà que depuis huit jours juste nous sommes
devenus Barbes eu personne et, ce qui est plus
sérieux, Barbes demandant, paraît-il, que les
classes aisées soient frappées d'un milliard au
profit du peuple C'est le Progrès qui l'affirme:
donc la chose doit être certaine. La bonne feuille
ne s'arrête pas en si beau chemin Vos paroles,
dit-elle, sont dignes d'une bêle fauve. Ceci
suppose clairement que nous sommes reveuus au
bon vienx temps où les animaux parlaient et écri
vaient, absolument comme fait l'homrue de nos
jours, et que, de plus, le Progrès entend leur
langage; sans cela, jamais il n'aurait pu comparer
nos paroles celles des bêtes fauves. Est-ce qu'au
collège communal l'on enseigne peut être la langue
que parlent cette sorte d'animaux, et le Progrès
a-t-il été prendre des leçons?
Quoiqu'il en soit, voici l'histoire de la singu
lière aventure qui vient de nous arriver
Dans son uuméro du huit Octobre dernier, la
feuille yproise s'était occupée des Ordres religieux
après avoir parcouru du regard la liste des griefs
qui, depuis de longues années, se traîne dans le
monde libérâlre, elle s'était arrêtée deux ou trois
chefs d'accusations plus ou moins odieux
i° Eu terminant son article, le Progrès avait
osé dire que les couvents exploitent et démorali
sent le pays, en même temps qu'ils le poussent
dans les voies du scepticisme et de l'irréligion.
A cela nous avons dédaigné de répoudre, pré
cisément parce qu'il y a des choses sales ou extra
vagantes qui ne comportent pas de réponse.
2° Le Progrès faisait un grief certains ordres
religieux, tels que les Capucins, les Rédempto-
ristes, les Jésuites surtout, de posséder des ri
chesses mondaines il les accusait en outre d'avoir
recours a des moyeus frauduleux dans le but d'aug
menter leur avoir. Quant ce dernier point, nous
nous sommes bornés sommer notre adversaire de
vouloir préciser les faits et citer des exemples.
Pourquoi donc s'esl-il refusé jusqu'ici b satisfaire
b notre juste demande, au risque de s'exposer a
mériter encore une fois le titre de calomniateur?
Ensuite nous avons dit que, s'il est vrai que les
couvents possèdent des richesses mondaines, nous
ne voyons, quant nous, aucun mal en cela;.par
la raison que les membres de ces diverses corpora
tions religieuses vivent dans la pauvreté, et que ces
richesses tant enviées, ils les emploient b faire l'au
mône, répandre l'instruction, a fonder et b sou
tenir des institutions où l'on forme l'homme a la
pratique de toutes les vertus. Toute personne de
bon seus sera de notre avis. Puis prenant nos ad
versaires a partie nous avons ajouté Mais vous
qui vous constituez les détracteurs des couvents,
quel usage faites-vous de votre fortune? Vous
mangez et vous buvez bien vous dissipez votre
argent en des frivolités coûteuses; vous donnez
des festins et des bals, pendant qu'a dix pas de
vos maisons somptueuses, l'indigent meurt de
froid et de faim et vous osez crier contre les
moines qui se contentent de la nourriture du
pauvre et emploient ce qui leur reste b faire le
bien
Nous en sommes fâchés, mais en vérité nous
n'avons pas b retrancher une syllabe de ces paroles
qui causent tant d'effroi a MM. les rédacteurs du
Progrès.... Mais oui, quel usage faites-vous de
votre fortune pour vous arroger le droit de dé
clamer si haut contre les richesses des couvents?
Les couvents affectent l'argeDt qu'ils recueillent
au soulagement des misères sans nombre dont le
monde est rempli et au milieu de l'abondance, ils
vivent eux-mêmes dans la pauvreté: faites-vons
de même? Où sont les établissements d'instruc
tion, les écoles de pauvres, les asiles de charité
que vous avez fondés et que vous entretenez de
votre fortune? Sans doute, vous avez fait fort peu
de chose en ce genre, et c'est votre droit. En re
vanche vous mangez et vous buvez bien; vous
donnez des festins et des bais. c'est encore
votre droit; soyez tranquilles, nous ue vous le
contesterons pas. Mais du moins laissez aussi aux
couvents leur droit, celui de faire le bien; et
souvenez-vous qu'ils opèrent beaucoup plus de
bien dans un seul jour, que vous n'en faîtes dans
le cours d'un siècle entier.
Nous désirons qu'on le sache bien nous som
mes de grands admirateurs des moines et des
couvents, et sur ce chapitre-là, nous sommes fort
susceptibles. Chaque fois donc que l'on viendra
attaquer les ordres religieux, rions les défendrons;
que si vous demandez b quoi servent les couvents,
nous demanderons a quoi servent vos clubs et vos
loges, b quoi vous servez vous-mêmes; si vous
ajoutez que ces couvents possèdent des richesses
mondaines, nous répliquerons que vous en pos
sédez aussi; que leur possession est aussi légitime
que la vôtre, et que l'usage qu'ils font de ces
richesses vaut certes bien l'usage que vous faites
des vôtres. En toute occasion nous sommes dé
cidés b user largement de la comparaison, et il
nous est fort indifférent que MM. du Progrès s'en
trouvent scandalisés ou uoo.
Peu nous importe aussi que vous disiez que nos
paroles sont dignes d'un Barbès; qu'elles ont
pour but d'exciter les passions populaires
qm'elles révèlent le même style les mêmes
idées que les pamphlets anonymes qui, dites-
vous diverses reprises ont été répandus en
notre ville, etc. insinuez même, si cela vous plaît,
que nous voulons frapper les classes aisées d'un
milliard au profit du peuple. Tontes ces extra
vagances et autres que vous débitez b notre endroit
provoqueront les risées de tous les hommes sensés.
Chacun le sait, ce n'est pas nous, mais vous et les
vôtres qui êtes allés offrir des médailles a M.
Eugène Sue, l'écrivain socialiste par excellence, et
qui, en retour, avez été félicités de vous trouver,
dans votre pays, la tête du parti libéral-
socialiste.
Et qui donc encore a juré de changer la Con
stitution légalement ou de l'abattre révolution-
nairement. Qui prêche ouvertement qae le pays
doit se guérir, par la forcede la lèpre des
couvents et des établissements religieux? Qui a
fait des pactes secrets avec les républicains, les
socialistes et les anarchistes de toutes les couleurs;
et qui tend la main aux rédacteurs du journal la
Nation qui naguère encore dans leur ignoble
gazette, criaient Mort aux tyrans! et prê
chaient le meurtre des rois? Ces faits et gestes,
vous le savez bien, sont ceux de votre parti, et
non pas du nôtre Mais vous nous accusez de
pousser b la révolution, pareeque vous y poussez
vous-mêmes et que vous voulez masquer le coup
de maiu que vous méditez contre le parti conser
vateur. L'histoire est la qui enseigne que cette
tactique est celle des révolutionnaires de tous les
pays. Peut-être le coup réussira-t-il, et la révolu
tion que l'on prépare dans les antres de la
franc-maçonnerie, va-t-elle arriver; peut-être
comme vous le dites, serons-nous écrasés par le
flot populaire mais sachez que vous serez empor
tés en même temps que uous: il y aura cette
différence c'est que le parti de l'ordre se relèvera
du coup que vous aurez voulu lui porter; tandis
que, vous et vos œuvres, vous deviendrez b jamais
pour la postérité un objet de mépris et d'horreur.
MM. les édiles et conseillers communaux de
notre cité ont beau faire, beau recommander leur
candidature daus des lettres adressées au Pro
grès; ils ont beau décliner et faire insérer, dans
les journaux de leur bord, leurs noms et prénoms
avec mention expresse qu'ai/.» termes du règle
ment, les membres sortants sont rééligibles
tout cela ne fera rien a la chose; les anciens titu
laires seront réélus, il est vrai mais en même
temps ils se seront couverts d'un immense ridicule.
Comment donc Il y a un art b peine vous donniez
votre démission, et aujourd'hui vous demandez
d'être remis en place! Lorsque vous descendiez
de vos sièges eur ules, c'était uniquement pour que
les électeurs prissent la peine de vous y faire as
seoir de nouveau Jamais on ne s'est moqué des
gens avec aussi peu de ménagement.
Allons, Messieurs les Électeurs, du courage
c'est Mardi prochain que l'on jouera b l'Hôtel-de—
Ville le dernier acte de la Comédie dont la mise
en scène date depuis près d'uue année. La pièce a
été longue, et elle a langui en plus d'un endroit;
les acteurs n'out peut-être pas toujours montré
dans leur action un vrai goût du comique...; Mais
enfin, patience: rien n'est parfait dans ce monde;
dans tous les cas le dénoûment de la pièce sera
prodigieux et racbettera bien des défauts.
Allons, attention, Messieurs les électeurs Les
rideaux sont levés, le spectacle va commencer
C'est le fameux dix pour cent qui doit être donné
c'est une jolie pièce que celle-là"!.... Comment
vous faites la grimace vous dites que pour vous le
spectacle n'est pas plaisant que c'est vous qui en
acquittez les frais, et que vous n'êtes pas d'inteu-
tion d'aller applaudir les acteurs de l'Hôtel - de—
Ville, qui vous ont déjà fait payer si cher leur
talent du Comique. Peut-être, vous raisonnez