Ce dont on s'occupe toujours le plus, c'est de
la signification h la Russie des quatre points de
garantie. Personne ne s'est quelle en est la formule
précise; mais la rumeur la plus générale leur
attribue une portée moins absolue que ne semblait
le faire pressentir tout d'abord en particulier
l'attitude belliqueuse du Parlement anglais. La
Gazelle de Cologne, dans une correspondance
qu'elle prétend émaner de bonne source, assure
même que les puissances occidentales ont fait plus
de concessions que l'Autriche n'aurait osé espérer.
Rien ne confirme ni ne dément cette communi
cation. Seulement on doit remarquer qu'elle con
corde peu avec les craintes que l'on s'obstine k
concevoir au sujet du dénouement des négociations
qui viennent de s'ouvrir a Vienne. Si les puissan
ces contractantes du traité du 2 décembre montrent
des dispositions si conciliantes, n'y a-t-il pas lieu
d'espérer plutôt que leurs propositions seront
accueillies?
L'Empereur Nicolas a publié un manifeste k ses
sujets. Il dit qu'il désire pouvoir mettre un terme k
l'effusion du sang et qu'il est prêt accepter la
paix, mais une paix honorable, compatible avec la
dignité de l'empire moscovite; sinon, il déclare
qu'il va continuer la guerre avec la plus grande
énergie.
ALLOCUTION DE NOTRE SAINT PÈRE LE
PAPE PIE IX,
dans le Consistoire secret du 9 décembre 1834.
Vénérables Frères,
C'est avec une consolation toute particulière
que nous nous réjouissons dans le Seigneur en
vous voyant aujourd'hui, Vénérables Frères, réunis
en grand nombre autour de noos, vous que nous
pouvons appeler avec vérité notre joie et notre
couronne. Vous êtes en effet une portion de ceux
qui partagent nos travaux et nos soins pour paître
cet universel troupeau que le Seigneur a confié
DOtre faiblesse, pour conserver et défendre les
droits de l'Eglise catholique, pour lui rallier de
nouveaux disciples, qui servent et adorent avec une
foi sincère le Dieu de justice et de vérité. Cette
parole du Christ Notre Seigneur au prince des
Apôtres Tu aliquando conversas confirma
Jratres tuos, semble donc, dans la circonstance
présente, nous inviter, nous qui, par la grâce
divine, avous été mis k sa place malgré notre in
dignité, vous parler, Vénérables Frères, non pour
rappeler leur devoir ou pour demander plus d'ar
deur a ceux que déjà nous savons enflammés du
zèle d'étendre la gloire de Dieu, mais afin que, for
tifiés comme par la voix même du bienheureux
Pierre, qui vit et vivra dans ses successeurs, vous
y trouviez en quelque sorte une puissance nouvelle
pour travailler au saint des ouailles qui vous sont
confiées, et pour soutenir les intérêts de l'Église
avec courage et fermeté, en face de toutes les dif
ficultés du temps présent.
Il n'y a pas eu, du reste, hésiter pour savoir
quel secours Nous devions surtout invoquer près
du Père céleste des lumières pour que sa grâce
Nous aidât k vous parler avec fruit. Vous vous
étiez réunis autour de Nous afin de joindre votre
concours aux soins et au zèle que Nous mettions h
étendre la gloire de l'auguste Mère de Dieu; Nous
avons donc supplié instamment la très-Sainle-
Vierge, celle que l'Église appelle le Trône de la
Sagesse, de vouloir bien Nous obtenir un rayon de
la sagesse divine qui Nous éclairât pour vous dire
ce qui peut le mieux contribuer la conservation
et la prospérité de l'Église de Dieu. Or, en con
sidérant, du haut de ce Siège, qui est comme la
citadelle de la religion, les funestes erreurs qui,
dans ces temps si difficiles, se répaudeot dans le
inonde catholique, il nous a semblé par dessus
tout opportun de vous les indiquer vous-mêmes,
Vénérables Frères, afin que vous employiez toutes
vos forces les combattre, vous qui êtes consti
tués les gardiens et les sentinelles de la maison
d'Israël.
Nous avons toujours gémir sur l'existence
d'une race impie d'incrédules qui voudraient ex
terminer tout culte religieux, si cela leur était
possible; et il faut leur adjoindre, avant tout, ces
affiliés des sociétés secrètes qui, liés entre eux par
un pacte criminel, ne négligent aucun moyen pour
bouleverser et détruire l'Église et l'État par la
violation de tous les droits. C'est sur eux, assuré
ment, que tombent ces paroles du divin Répara
teur Vous êtes enfants du démon, et vous
voulez faire les œuvres de votre Père. A part
ces hommes, nous devons avouer qu'aujourd'hui
la perversité des incrédules inspire géuéralemeut
de l'horreur et qu'il y a dans les esprits une cer
taine disposition se rapprocher de la religion et
de la foi. Soit que la cause en doive être attribuée
l'énormité des crimes que l'incrédulité a commis
dans le dernier siècle et que l'on ne peut se rap
peler sans frémir, soit la crainte des troubles et des
révolutions qui ébranlent si malheureusement les
États et apportent la misère aux nations, soit enfin
l'action de cet esprit divin qui souffle où il veut, il
est évident que le nombre de ces malheureux qui
se vantent et se glorifient de leur incrédulité est
aujourd'hui diminué; on ne refuse pas la louange
dùe l'honnêteté de la vie et des mœurs, et un
sentiment d'admiration s'élève dans les âmes pour
la religion catholique, dont l'éclat brille du reste
tous les yeux comme la lumière du soleil.
C'est l'a un bien que l'on ne saurait méconnaître,
Vénérables Frères, et comme une sorte de progrès
versla vérité; mais il reste encore bien des obstacles
qui détournent les hommes de s'attacher tout fait
k elle ou qui du moins les retardent.
Parmi ceux qui ont k diriger les affaires publi
ques, il en est beaucoup qui prétendent favoriser
et professer la religion, qui lui prodiguent leurs
éloges qui la proclament utile et parfaitement ap
propriée 'a la société humaine, mais qui n'en veu
lent pas moins régler sa discipline, gouverner ses
ministres, s'ingérer dans l'administration des choses
saintes; en un mot, ils s'efforcent de renfermer
l'Église, dans les limites de l'État, de la dominer,
elle qui est cependant indépendante, qui, selon
l'ordre divin, ne peut être contenue dans les bornes
d'aucun empire, car elle doit s'étendre jusqu'aux
extrémités de la terre et embrasser dans son seio
tous les peuples et toutes les nations, pour leur
montrer le chemin de l'éternel bonheur. Et, chose
douloureuse k dire! pendant que nous vous par
lons ainsi, Vénérables Frères, il vient d'être pro
posé dans les États Sardes une loi qui détruit les
institutions religieuses et ecclésiastiques, qui foule
complètement aux pieds les droits de l'Église et
les abolit autant que cela peut se faire. Mais nous
aurons k revenir une autre fois, en ce même lieu,
sur cette grave affaire. Fasse le ciel que ceux qui
s'opposent k la liberté de la religion catholique
reconnaissent enfin combien elle contribue au bien
public, en exigeaul de chacun des citoyens l'ob
servation des devoirs qu'elle leur fait connaître,
d'après la doctrine céleste qu'elle a reçue! Fasse
le ciel qu'ils en viennent a se persuader ce que
saint Félix, notre prédécesseur, écrivait autrefois
k l'Empereur Zénon, que rien n'est plus utile
aux princes que de laisser k l'Église la libre action
de ses lois; car il leur est avantageux, lorsqu'il
s'agit des choses de Dieu, de s'appliquer k sou
mettre aux prêtres du Christ la volonté royale, au
lieu de chercher k les courber sous celte volonté.
Il y a aussi, Vénérables Frères, des hommes
distingués par leur science, qui avouent que la
religion est le plus grand des bienfaits que Dieu
ait accordés aux hommes, mais qui ont néanmoins
une si grande idée de la raison humaine, qui l'exal
tent tellement, qu'ils ont la folie de l'égaler k la
religion elle même. Selon la vaine opinion de ces
hommes, les sciences théologiques devraient être
traitées de la même manière que les sciences phi
losophiques. Ils oublient que les premières s'ap
puient sur les dogmes de la foi, qui sont ce qu'il y
a de plus fixe et de plus certain, tandis que les
secoudes ne sont éclairées et expliquées que par
la raison humaine, dont rien ne surpasse l'incerti
tude, car elle change selon la diversité des esprits,
et elle est sujette k des erreurs et des illusions sans
nombre. Aussi l'autorité de l'Église une fois re
jetée, le champ s'est trouvé largement ouvert aux
questions les plus difficiles et les plus abstraites,
et la raison humaine, trop confiante dans l'infir
mité de ses forces, est tombée dans les plus hon
teuses erreurs, qu'il n'est vi possible ni utile de
rappeler ici; vous les connaissez trop bien et vous
avez pu voir combien elles ont été fatales aux
intérêts de la religion et de la société. C'est pour
quoi il faut montrer k ces hommes, qui exaltent
outre mesure les forces de la raison humaine, que
c'est lk se mettre en opposition directe avec celle
parole si vraie du Docteur des nations «Si quel
qu'un croit être quelque chose, comme il n'est rien,
il se trompe lui même. Il faut leur faire voir
tout ce qu'il y a d'arrogance k scruter les mystères
que Dieu, dans son iufioie bonté, a daigné nous
révéler, et k prétendre les atteindre et les com
prendre par cet esprit humain si faible et si brisé,
dont ils dépassent de beaucoup les forces, et que
nous devons, suivant la parole du même apôtre,
tenir captif dans l'obéissance de la foi.
Ces partisans, ou plutôt ces adorateurs de la
raison humaine, qui la prennent en quelque sorte
pour maîtresse infaillible, qui se promettent de
trouver sous ses auspices toute espèce de bonheur,
ont sans doute oublié quelle grave et terrible at
teinte la nature humaine a reçue de la faute de uotre
premier père, atteinte qui a porté les ténèbres dans
sou intelligence et a incliné sa volonté au mal.
Telle est la cause par suite de laquelle les plus cé
lèbres philosophes de l'antiquité, tout en écrivant
admirablement sur bien des sujets, ont souillé leur
enseignement des erreurs les plus graves; et de la
ce combat contiouel que nous éprouvons en nous-
mêmes, et qui fait dire k l'apôtre Je sens dans
mes membres une loi qui se révolte coulre la loi
de mon esprit. Il est donc constant que par la
faute originelle propagée dans tous les fils d'Adam,
la lumière de la raison est amoindrie et que le
genre humain est misérablement déchu de l'ancien
état de justice et d'innocence; cela étant, qui peut
croire la raison suffisante pour acquêtir la vérité?
Au milieu de tant de périls et dans une si grande
débilité de nos forces, qui peut nier la nécessité
pour le salut, pour ne pas chanceler et tomber,
des secours de la religion divine et de la grâce
céleste? Ces secours, Dieu, dans sa bonté, les
dotioe abondamment k ceux qui les demaudeut par
une humble prière, car il est écrit Dieu résiste
aux superbes et donne la grâce aux humbles.
C'est pourquoi, se tournant vers son Père, le Christ
Notre Seigneur a affirmé que les mystères sublimes
de la vérité ne sont pas découverts aux prudents et
aux sages de ce siècle, qui s'enorgueillissent de
leur génie et de leur science, et qui refusent de
rendre l'obéissance de la foi; mais qu'ils sont ré
vélés aux hommes humbles et simples, qui mettent
leur appui et leur repos dans les oracles de la foi
divine. Il faut que vous inculquiez cet enseigne
ment salutaire dans les âmes de ceux qui exagèrent
la force de la raison humaine au point d'oser, par