JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N° 3,894. Mercredi, 24 Janvier,^855^--38™e^>nnëe^
PROPAGATEUR,
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Ou j'hImioiih Y prèsrue de Mlle, 10, pies U Grand
Place, e! chez les Percepteurs des Pestes du Keyaume.
PRIX UE e'ubO*1*EMK»T, par trimestre,
Ypres fr. 3. I.es aulies lecalités fr. S-lo. Un n" a5 c.
I.e Propagateur parait le MEIICREI»! et le SIMKUI
de chaque semaine. (inaertlonM 19 rentlmca la llgnr.)
TP^SS, 24 Janvier.
L'époque que nous traversons est une
époque de calamités pour les classes pau
vres et nécessiteuses. Aux rigueurs de la
crise alimentaire dont les malheureux en
durent les souffrances trop prolongées,
viennent se joindre les maux que com
porte d'ordinaire avec elle, la saison froide
de l'hiver, lin proie ce double fléau, une
foule d'inforlunés se débattent tristement
contre les pénibles étreintes de la plus
profonde misère, et si la charité n'avait
sans cesse l'oreille attentive aux cris de
détresse de l'indigence, Dieu sait, ce que
deviendraient maintes familles, épuisées
de privations et de souffrances de toute
espèce.
Qu'on se figure, dans ces tristes cir
constances, l'état d'abandon, disons l'état
de désespoir de tant de pauvres manquant
de travail et dénués de ressources pour
l'entretien de la vie! Qu'on franchise en
esprit le seuil de leurs infectes cabanes!
Qu'on pénètre d'un regard du cœur dans
leurs sombres mansardes! et là, autour de
ce grabat dégarni, autour de ce foyer
éteint, autour de celte table dépourvue de
pain; là disons-nous, en présence de celle
mère, de ce père, de ces enfants mourant
de froid et de faim, qu'on juge si c'est
tort qu'on fait un appel incessant la bien
faisance et la charité des personnes
qui la Providence a dévolu les faveurs de
la fortune.
L'état de denûment et de misère dans
lequei se trouvent plongées une foule de
familles,surtout dans notre villeappauvrie
et ruinée, n'est sans contredit révoqué eh
doute par personne. Mais ce dont quelques
uns, un grand nombre peut être île se ren
dent pas suffisamment compte, ce dont on
ne se fait en général pas une idée assez
juste, c'est le degré réel d'épuisement et
d'embarras qu'endure la bourgeoisie jadis
si prospère; c'est qu'à côté de telle ou
telle famille reconnue pauvre, il est telle
ou telle autre famille hier encore en état
de porter l'aumône chez son voisin en dé
tresse, et qui aujourd'hui, par suite des
malheurs du temps, cache elle même sous
l'apparence de l'aisance les plaies de la
plus mortelle misère; c'est qu'en dehors
de l'indigent auquel il manque du travail
et du pain il vit autour de nous une foule
de bourgeois réduits engager au mont
de piété, leurs meubles, leurs habillements,
et des objets qui témoignent tristement de
la décadence de notre cité. Tel est cepen
dant le douloureux spectacle qui s'offre
nos yeux.
Ces faits, assurément, sont de nature
faire naître bien des réflexions. En pré
sence de ce développement menaçant et
extraordinaire de la misère publique, cha
cun se demande quel doit être désormais
le sort réservé notre ville, si des rerpèdes
prompts et efficaces ne viennent mettre
fin la crise actuelle. Cette pensée qui
ne le voit? est parfaitement naturelle.
Mais une idée qui n'est pas moins oppor
tune, ni moins bien placée, c'est de s'in
terroger sur le point de savoir ce que
deviendra le pauvre, si par des mesures
tracassières et oppressives, par l'applica
tion des doctrines anti libérales et anli-
chrétiennes écloses au sein des Loges, on
parvient jamais comprimer les élans de
la charité, et en tarir les sources fé
condes.
Frère d'avoir conquis la liberté, la Bel
gique, au rang de ses conquêtes, plaÇà
spontanément la liberté de faire le bien.
Sous I egide de la charité, nos populations
tant éprouvées ont passé avec calme et
résignation les jours dé malheur qui sont
venus fondre sur elles. Spectacle édifiant
dont l'histoire ne perdra point le souvenir,
et qu'il importerait aux Belges de perpé
tuer....! Mais, les sectaires du faux libéra
lisme en ont jugé différemment. Il faut,
suivant eux, assujettir la charité privée
aux caprices du pouvoir! Etrange doc
trine! Singulières maximes politiques! Ah!
si au lieu de défendre leurs systèmes dé
cevants et creux, nos philanthropes libé
raux réfléchissaient sérieusement sur les
misères de leurs compatriotes dans l'in
fortune, si au lieu de se retrancher dans
leurs salons dorés, ils descendaient parfois
dans l'humble réduit du pauvre pour ap
précier ses besoins, bientôt, avec de la
bonne foi, ils verraient tomber leurs crain
tes chimériques l'enconlre de la main
morte et des fantômes de même espèce;
et jugeant les choses selon les règles de la
raison et du bien-être public, ils appelle
raient de tous leurs vœux, dans notre
patrie, une législation charitable qui se
résume en ces mots: Tout ce qu'on fait en
faveur des pauvres sera agréé par le gouver
nement, pourvu que les dispositions n'aient
rien de contraire aux bonnes mœurs ni
l'intérêt général.
La police de Garni, par no ordre re'cent, vient de
défendre la mendicité dans les églises, l'occasion
des mariages et des naissances.
Les personnes qui, s ces occasions, voudront
faire des largesses, pourront remettre leurs dons
aux agents de police, qui les verseront an bureau
de bienfaisance.
Une semblable mesure ne serait-elle pas prise
avec autant de raison a Ypres, où il arrive si sou
vent de voir les pauvres se disputer dans les
Eglises, les aumônes, qu'ils sollicitent avec impor-
tnniié autour des fonds baptismaux, et pour ainsi
dire jusqu'au pied des autels.
En substituant cet usage inconvenant, celui
de présenter un tronc destiné recevoir les au
mônes faites dans de semblables occasions, le pau
vre n'y perdrait rien, et chacun se verrait sousttait
faux sollicitations de nature désagréable dont on
est souvent témoin dans les Églises.
INSTITUTIONS DE BIENFAISANCE.
CMTRIi-KIPPORT.
Faire la charité, c'est donner de son vivant une
partie de son bien aux pauvres; instituer une fon
dation, c'est donner tout ou partie de son bien aux
pauvres, pour leur être distribué après sa mort.
Pour celui qui donne, la charité est une bonne
œuvre, une œuvre pie et méritoire; la fondation a
le même caractère.
Pour les pauvres la charité est un bienfait;
mais, pour les pauvres encore, la fondation est un
plus grand bienfait.
La raison en est que celui qui donne de son
vivant, doit mettre des limites ses largesses cha
ritables; tandis que celui qui dispose pour quand
il ne sera plus, peut écouter, sans restriction,
toutes les suggestions de son cœur chaiitable.
Les pauvres dont l'iutéiêt doit surtout nous
préoccuper dans la confection de la présente loi,
out donc tout gagner a ce qu'il ne soit apporté
aucune entrave aux institutions de bienfaisance.
L'excellence des fondations se démontre par
beaucoup d'autres motifs:
Les entraver, c'est tenter la Providence.
Eu effet, vous direz Les pauvres, dans tous les
temps, seront toujours secourus, parce que le spec
tacle de la misère publique est un aiguillon irré
sistible pour lésâmes charitables.
Fort bien
Ce n'est pas moi, non plus, qui douterai jamais
de la charité.
Mais l'avenir ne nous appartient pas, nous ne
disposons ni du temps ni des circonstances et le
plus sûr est certainement d'accroître, dès mainte
nant, le patiiinoine du pauvie.
Les charités éventuelles viendront s'y ajouter.
-Ne craignez rien il y aura toujours des pau
vres, c'est la parole qui ne trompe pas. Nous
avons également foi qu'il y aura toujours des
cœurs bieiifatsauts mais nous savons aussi que la
somme des secours n'égalera jamais celle des be
soins.
Autre considération.
Bénie soit la charité! elle est fille du ciel. Mais
on ne l'ail que répéter un mot consacé par l'usage,
en ciisauI que la charité n'est pas toujours faite
avec intelligence et discernement. Elle est sujette
erreur; elle peut sacrifier au caprice.
Par sa nature, par son caractère de disposition
authentique, par les formalités de publicité et
d'approbation dont elle est entourée, la fondation,
ou peut le dire, est prémunie contre les mêmes
inconvénients. Elle est le fruit de la réflexion, et
non l'inspiration du premier moment; elle se rap
portera infailliblement un objet utile; elle sera
garantie par une sage prévoyance.
Etifin la charité est soumise des vicissitudes la
fondation est inévocable.
La charité individuelle dissémine, si elle ne les
gaspille pas, des ressources qui, dans un système
d'organisation donné et concourant h une œuvre
déterminée, fructifieraient deux fois autant et