JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3,902.
Mercredi, 21 Février, 1855.
38me année.
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YFF.SQt 21 Février.
En ce moment où la guerre d'Orient
menace tfe prendre des proportions de
plus en plus colossales, certains journaux
considérables de l'étranger ont crû devoir
s'occuper de l'attitude éventuelle prendre
par la Belgique dans cet immense conflit.
On a parlé et de démarches faites on
faire pour nous faire sortir de notre neu
tralité, et de notre alliance probable avec
les puissances occidentales, et d'un agran
dissement possible de notre territoire du
côté de l'est.
Ces fâcheuses rumeurs, qui commen
çaient préoccuper vivement l'opinion
publique et trouver de l'écho dans la
presse du pays, ont donné lieu, devant la
Chambre, un incident inattendu, priais
sur l'iSsùe duquel nous n'avoqs qu'à nous
féliciter. M. Orts voulant juste titre que
la lumière së fît, jugé convenable d'in
terpeller le gouvernement sué ces bruits
compromettants pour notre neutralité,
sur les démarchés qui auraient pu être
faites près de notre gouvernement, enfin
sur la réponse que ferait le cabinet si
jamais on cherchait l'engager de près ou
de loin dans la guerre actuelle.
Lâ réponse de M. le Ministre des affaires
étrangères a été de tout point nette et ca
tégorique. Il a déclaré
Qu'aucune ouverture n'avait été faite en
vue de sortir de noire neutralité;
Que le cas échéant, le gouvernement ne
manquerait pas d'invoquer lè bénéfice de
la neutralité perpétuelle imposée la
Belgique et garantie par les cinq grandes
puissances.
Voilà ce qui est clair; nous sommes
heureux de constater ici que cette déclara
tion faite par M. De Broucfcere a rencontré
dans la Chambre une approbation générale.
On nous a faits neutres; nous devons et
rtouè voulons rester tels. Comme l'a dit un
journal anglais, la neutralité est la qlef de
FSTILIsETOiT.
LETTRE DU R. P. DE DAMAS,
Au Directeur des Précis historiques.
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voûte et l'ancre maîtresse de notre exis
tence politique. Vouloir sortir de là sous
quelque prétexte que ce soit, ce serait de
notre part le plus grand acte de folie que
nous puissions commettre ce serait nous
lancer dans une politique aventureuse et
pleine d'éventoalilésdissolvantes; ce serait
renier la; condition; qui, aux yeux de l'Eu
rope, nous donne le droit d'être, et livre
notre nationalité la merci et au hasard
de tous les événements.
Conserver, fortifier celte position de
neutres qui nous est faite par les traités,
voilà donc où doivent tendre les efforts de
ceux qui ont chez nous la haute direction
des affaires du pays; nous regarderions
comme un grand malheur s'il pouvait se
trouver en Belgique un noyau d'hommes
influents qui rêvent pour notre pallie un
autre rôle et d'autres destinées.
Sans doute, la cause des alliés dans la
guerre d'Orient a droit toutes nos sym
pathies. Nous croyons qu'avec des vues
fort diverses au fond, ils combattent en
définitive pour la cause de la liberté et de
la civilisation. Si la Russie triomphe dans
celte lutte, ce ne sera, nos yeux du moins,
que pour le châtiment et pour le malheur
de l'Europe.
Mais ce n'est pas une raison pour que
nous abandonnions notre position acquise
et garantie par les traités. Notre premier
droit comme notre premier devoir, c'est
d'exister. Si la Belgique consentait une
fois sorrir de sa neutralité pour prendre
part la guerre actuelle, elle serait par
cela même exposée, dans la suite, se
trouver forcément mêlée la plupart des
guerres dont l'Europe peut devehir le
théâtre. C'est assez- dire combien notre
petite nationalité risquerait d'être bientôt
emportée dans le tourbillon des événe->
ments.
Mais il ne suffit pas que notre neutralité
se trouve proclamée et inscrite dans les
protocoles. Le croire, ce serait une erreur
funeste dont un jour ou l'autre nous ne
manquerions certainement pas de devenir
la victime. L'histoire atteste que la neutra
lité n'est respectée chez une nation que
lorsqu'elle sait la défendre par elle-même.
Ne nous endormons donc pas dans une
fausse et dangereuse sécurité; soyons
toujours en mesure de maintenir envers
et contre tous cette position de neutres
que nous occupons dans la grande famille
européenne. A cet effet plusieurs choses
sont nécessaires
Il faut d'abord un gouvernement fort et
respecté, offrant des garanties pour fe
maintien de l'ordre, pour la conduite
légale et régulière des affaires publiques;
Il faut, ensuite, un gouvernement indé
pendant dans son action politique exté
rieure,et qu'on ne puisse pas sérieusement
soupçonner de subir les influences de
l'étranger;
11 faut, enfin, que nous ayons des forces
militaires suffisantes, capables et prêles
repousser au besoin avec promptitude et
vigueur toute tentative de violer notre
territoire ou de porter atteinte aux df-oits
de différentes sortes que nous tenons de
notre neutralité.
A ces conditions, mais ces conditions
seulement, la Belgique se maintiendra
forte et respectée; et elle sortira triom
phante et intacte des situations les plus
délicates, les plus faites pour la compro
mettre.
V
VÉRITÉ ET JUSTICE.
as
Aumônier de l'armée d'Orient,
Un autre eonemi ne cessera de nous tourmenter
jusqu'à notre retour en France c'est la fatigue.
Eh bien l ici encore, le courage ne se dément pas;
la valeur morale remporte sur le physique une
continuelle victoire. Il pleut depuis plusieurs jours;
la terre est de'trempée; le terrain est humide; les
habits du soldat sont encore mouillés; cependant
le clairon sonne; il faut aller la tranchée,.c'est-
à-dire une portée de fusil de la ville, La
mitraille ennemie ne cesse de pleuvoir. Pour s'abri
ter, il faut descendre dans la tranche'e et se tenir
immobile derrière le pli du terrain; mais le froid
va devenir un ennemi presqu'anssi terrible que le
feu, et cette sorte de garde durera vingt-quatre
heures. N'importe le soldai y restera ferme, afin
de préserver le reste de l'armée des sorties de la
place. De temps en temps, un obus, éclataut au
milieu de la troupe intrépide, renversera quelques
hommes par terre en les tuant ou en les mutilant.
Aussitôt quatre camarades emporteront les blessés
sur un brancard pour les confier aux soins des doc
teurs, et. sans frémir, ils reviendront h leur poste
où le même sort les attend peut-être. Mais enfin,,
direz-vous, ils se reposent ces hommes, au bout de
vingt-quatre heures de tranchée. Ah! le repos,
n'en parlons point; il est rare en temps de guerre.
Le soldat revenu au camp aura d'autres gardes
monter; puis viendront les corvées:, il faut aller
une ou deux lieues de là poui* chercher de l'eau ou
bien pour arracher les dernières racines des arbres,
afin de faire bouillir la petite marmite; Peut-être
pleuvra-t-il encore sur le dos de l'homme fatigué,
On lit- dans VEmancipation
Le journal la Nation vient de faire peau
neuve. Ne pouvant plus supporier ses frais de
publication, il a fait un arrangement assez ingé
nieux avec le Télégraphe et VÉcho, de Bruxelles
dont il emprunte les articles, les nouvelles, les
correspondances et jusqu'aux annonces; pour
dissimuler un peu cette combinaison économique,
la Nation prend le titre de.National, substitué au
titre dti Télégraphe, et publie quelques lignes de
rédaction particulière dans le sens démagogique.
C'est la seconde fois que la Nation se réfugie dans
et, quand il rentrera, il ne pourra changer de
vêtements, il n'aura pas même la ressource de
sécher devant un grand feu, car le bois est rare et
on l'épargne même pour la cuisine. Voilà une
légère esquisse des fatigues de nos soldats. Avouez,
mon Révérend Père, qu'il faut du courage pour
résister, pendant plus de deux mois d'hiver de
pareilles fatigues, et admirez avec moi la graudeur
d'âme et la magnanimité de ces hommes.
Si maintenant vous essayez de découvrir le mo
bile qui entretient le feu sacré dans le cœur de nos
militaires, je vous engage le chercher dans tin
profond sentiment du devoir, inspiré et soutenu
par l'espérance chrétienne. Qu'attendeut-ils eu
effet, ces soldats qui se dévouent jusqu'à la mort
quelle espérance humaine peut être la leur
Allons au feu, camarades, disait plaisamment un
jeune soldat ses compagnons qui venaient, com
me lui, de recevoir ma bénédiction, allons au feu
pour notre récompense, nous aurons udc balle dans
la tête, ou les Invalides avec une jambe de moins