JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N» 3,921.
38me année
7PE.ES, 28 Avril.
Le Parlement belge a repris ses travaux.
Mardi passé, le Cabinet du 30 mars s'est
trouvé pour la première fois en présence
de la Chambre. Certaines personnes qui
aiment le tapage, s'attendaient des scan
dales, des luttes passionnées, stériles.
Elles ont été trompées dans leur attenté;
il n'y a pas eu d'orage ni des apparences
d'orage: le plus grand calme n'a cessé de
régner dans les régions parlementaires.
Au début de la séance, M. De Decker a
prononcé un discours qui contient le pro
gramme du nouveau ministère. Le langage
tenu par l'honorable Ministre de l'intérieur
a été net,clair, précis, et n'a besoin d'aucun
commentaire. Inutile sans doute de repro
duire ici cette piècedansloutesonélendue:
Nos lecleursdoivent en avoir pris connais
sance dans l'un ou l'autre journal. Qu'il
nous suffise d'en signaler les points culmi
nants.
Et d'abord, M. De Decker commence pat
constater que la raison d'être de la nou
velle administration ressort des faits mê
mes elle est le résultat logique de la
situation du pays et des Chambres, qui in
clinent vers lesopinions modérées. D'après
cela, la pensée qui doit guider le Cabinet
dans la haute direction des affaires, sera
avant tout une pensée de paix, de modé
ration, de transaction. En conséquence,
M. le Ministre de l'intérieur fait les trois
déclarations suivantes r
1° Le gouvernement, s'élevant la
hauteur des grands intérêts de la patrie,
restera étranger aux luttes des partis et se
placera en dehors du courant de leurs in
fluences. t.
C'est raisonnable; nous ne demandons
pas mieux. Après tout ce qui s'est vu de-
puis l'avènement de la politique nouvelle,
en 1847, il était utile d'apprendre au pu
blic que les Ministres se trouvent au pou
voir pour faire les affaires du pays.
2° Les agents du gouvernement tous
les degrés de hiérarchie administrative au
ront les mêmes dispositions de haute im
partialité, les mêmes préoccupations du
bien public, l'exclusion de tout esprit de
parti.
Ainsi soil-il.
Mais nous ferons cette question Quant
ceux cte ces agents qui ont ilérativement
déclaré jadis qu'ils n'acceptaient, qu'ils ne
voulaient accepter de fonctions adminis
tratives que dans le bulde servir les intérêts
du parti libéral, que feront-ils maintenant?
Joueront-ils la comédie? Ou bien la lec
ture du programme ministériel leur fera-
t-elle acquérir tout-ài-coup ces dispositions
de haute impartialité dont jusqu'à ce jour ils
ont paru si peu pénétré?
L'avenir décidera. Mais nous savons une
chose Ce qui est vendu aux loges leur
reste vendu.
3° La ferme intention du Cabinet est
de laisser aux élections cette liberté qui
seule en fait une manifestation réelle de
l'opinion publique, de bannir de l'admi
nistration la politique, qui ne peut que
l'égarer et la compromettre. En un mot,
il veut le jeu régulier de, nos institutions.,
dans toute leur vérité, dans toute leur sin
cérité.
C'est là une chose dont tout homme rai
sonnable doitsouhailerla réalisation. Rien
de plus odieux que de voir chaque élec
tion les fonctionnaires se transformer en
émissaires politiques, en courtiers électo
raux. Mais de vieilles habitudes sont diffi-
cilesà extirper. Lesagentsdu gouvernement
vendus aux sociétés secrètes trouveront
une foule de moyens indirects, mais effi
caces, d'abuser de leur position et de peser
sur les élections: toute la vigilance de l'au
torité supérieure n'y pourra rien.
Voilà pour le côté politique du pro
gramme. Il contient, en outre, quelques
autres déclarations sur des points de la
plus haute importance.
La première est relative la bienfai
sance. Le Cabinet annonce qu'en présen
tant une loi surcelle matière, il s'attachera
avant tout trouver une formule transac
tionnelle capable de rallier ses vues celle
majorité qui a accepté la loi de Censeignement
primaire, et, dans ces derniers temps, la Con
vention d'Anvers. Il cherchera assurer la
charité, dans son élément essentiel, qui est la
liberté, tout le développement compatible avec
le contrôle efficace du pouvoir légal et les in
térêts généraux de la société qui commandent
de circonscrire, dans d'étroites limites, l'im
mobilisation de la propriété foncière.
Nous approuvons entièrement cette ma
nière de voir. Jamais les conservateurs
n'ont demandé davantage.
Une autre déclaration est celle qui con
cerne l'intervention du gouvernement en
matière d'industrie et de commerce. Il im
porte, dit le programme, de développer chez
un peuple l'çsprit, d'initiative et le sentiment
de la responsabilité personnelle qui font les
nations grandes et libres. En conséquence,
le nouveau ministère saisira toutes les oc
casions opportunes de renfermer l'action de
l'Etat dans ses bornes naturelles et de n'ad
mettre son intervention que là où elle est
Enfin, M. De Decker termine son exposé
de principes par quelques mots relatifs
la question douanière tant débattue de nos
jours. La conviction du Cabinet est que les
questions d'intérêt matériel ne peuvent se
LE PROPAGATEUR
v, r.A ,1 VÉRITÉ ET JUSTICE*
LETTRE DB R. P. DÉ DAMAS,
AUMONIER DE L'ARMÉE D'ORIENT,
AU DIRECTEUR DES Précis historiques.
Conslautinople, le 5 mars iS55.
Je vous ai parlé des disposiiious morales de notre
armée; j'ai répondu vos questions sur la posi
tion des aumôniers; il me semble que vous me
demandez quelque chose de pins. Vous voudriez
assurément savoir ia manière dont sont traités nos
malades et nos blessés, et même vous devez être
impatient de connaître des détails cet égard. Je
veux aujourd'hui vous satisfaire. Sans nul doute,
cette lettre vous sera agréable; comment, en effet,
ne pas s'intéresser au sort de ces hommes qui,
après avoir généreusement quitté leur famille et
leur patrie, tombent victimes de la maladie ou de
la. mitraille ennemie? 11 faudrait avoir le cœur
bien dur pour agir de la sorte; et, je n'en doute
pas, les pères et les mères ne sont pas les seuls h
attendre avidement le récit des soins que le gou
vernement donne ceux qui le servent avec une
si grande générosité.
Eh bien! je suis heureux de le dire en com
mençant I autorité fait des efforts inouïs pour
I
améliorer la situation de la partie souffrante de
l'armée. Les ordres sont posilifs cet égard. On
ne recule devant aucune dépense, et la marine
comme l'armée de terre sont loujours prêles se
dévouer pour le soulagement des malades. Dans
chaque divisiou sont organisées des ambulances
pour recevoir les blessés ou les fiévreux, dès le
début de la maladie. Pendant cet hiver, de simples
lentes dressées côté les uues des autres, avec des
naltes étendues a terre, étaient l'abri destiné aux
malades. Aujourd'hui les tentes soul presque en
tièrement remplacées par des baraques arrivées de
France. On y est infiniment mieux, et surtout on
n'y repose plus sur la terre; l'humidité du sol est
arrêtée par un fort plancher. Des médecins distin
gués prodiguent pour et nuit leurs soius aux infir
mes, et rendent a l'année des services qui, pour
être plus modestes en apparence, n'en sont pas
moius,d'une utilité inappréciable.
Ce n'est point assez, cependant; ces hôpitaux
volants ne suffiraient probablement pas aux besoins,
s'ils étaient l'unique refuge de la souffrance. Il y a
des maladies longues et des amputations cruelles,
qui exigent des soius prolongés. Le traitement de
certaines infirmités demande un calme difficile a
JUSTIFIÉE PAR LA NÉCESSITÉ.
trouver dans un camp. Aussi de nombreux hôpitaux
ont-ils été fondés a Conslautinople. Je ne les con
nais pas tous; mais, en juger par ceux que j'ai
vus, ils rivalisent bien certainement avec nos
hospices de France. L'hôpital militaire de Péra,en
particulier, est d'une magnificence remarquable. Il
est placé sur la hauteur et domine le Sosphore.
Son architecture est noble et ses proportions sont
énormes. C'est un quadrilatère dont la cour inté
rieure est entourée chaque étage d'un large
cloître vitré. Les salles ont de neuf dix mètres de
hauteur, et les fenêtres sont grandes et multipliées.
Or, il faut que je vous raconte commeut se fait le
transport, des malades de Sébastopol Conslauti
nople. L'histoire en est intéressante.
Au jour fixé pour le départun nombreux
troupeau de mulets stationne dès le matin autour
de l'ambulance; sur chaque mulet est un bât fort
iudustrieusemeot organisé. De chaque côté du bât
sont adaptés de petits sièges, sur lesquels on assied
les moins malades, ou bien de petits lits en fer dans
lesquels on étend les amputés ou ceux encore que
la violence du mal empêche de se tenir assis. Le
triste chargement une fois opéré, des hommes
valides viennent prendre successivement la bride