JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Pi» 3,929. 38m» année 7FB.ES, 26 Mai. On ne saurait croire de combien de choses nous sommes redevables la dé- funte politique nouvelle. Trois jours en tiers suffiraient peine pour énumérer seulement les immenses bienfaits qu'elle a répandus sur notre heureuse Belgique. C'est faire pâlir le règne de Saturne sur la terre, et l'Age d'or chanté par les poètes. Depuis la venue de MM. Frère et Rogier, la misère a disparu; il n'y a plus de pau vres parmi nous. Tous se trouvent maintenant bien nour ris, bien logés, bien vêtus; ils vivent, sinon dans une trop grande abondance, du moins dans une aisance parfaite. Toutes les associations charitables chô ment et restent les bras croisés; leurs membres ne se réunissent plus que pour jouer aux cartes ou pour s'entretenir du bonheur de leurs pauvres devenus riches. Les Bureaux de bienfaisance ne savent que fairede leurs revenus; toutes les caisses sont encombrées d'espèces. Il faudra les exproprier pour cause d'inutilité publique. Partout, les hôpitaux ont vu diminuer d'abord, puis disparaître entièrement leur clientèle d'autrefois; ils n'ont rien faire; if n'y a plus que quelques rares amateurs qui s'y rendent encore par habitude ou par fantaisie. En général, comme toutes les familles, jadis dans l'indigence, peuvent se suffire maintenant elles-mêmes, elles aiment mieux soigner leurs malades do micile que de les envoyer l'hôpital. Il y a fort peu de délits contre la pro priété; les pauvres n'ont plus aucun besoin de voler: encore quelque temps, et ce genre de méfaits aura disparu totalement. Voilà certes un grand progrès social. Comme les hiérophantes du libéralisme doivent être contents! Ils n'ont plus besoin du Pape ni du catéchisme pour extirper les crimes de dessus la terre. Les Monls-de-piélé sont vides aussi; les directeurs et leurs commis vivent de leurs rentes: personne ne se trouve dans la né cessité d'emprunter sur gage. On pourra supprimer ces établissements. Mais les Flandres, les Flandres donc! Cela était difficile sauver! Et pourtant les Flandres sont sauvées, presque sauvées du moins. C'est le Progrès qui naguère faisait cette heureuse décou verte. Et la preuve qu'il donne l'appui, c'est l'année de cherté que nous venons de traverser sans que, suivant lui, des efforts extraordinaires aient dû se faire en faveur des classes nécessiteuses. Il nous semble, nous, que personne ne devrait se permettre le triste plaisir d'in sulter aux malheurs de nos populations in digentes. Parceque celte année la charité officielle n'est pas venue sonner la porte de MM. les rédacteurs du Progrès, ils en con cluent que^ tout s'est passé pour le mieux et qu'il n a pas fallu déployer de bien grands efforts pour faire face la situa tion. Mais voilà comment vous êtes, vous au tres! vous ne reconnaissez, vous ne voulez reconnaître l'existence de la misère que lorsque l'autorité communale du lieu a fait annoncer au son de la trompette et du tambour, que la moitié de ses admi nistreront sur le point de mourir de faim. Alors seulement vous vous trouvez convaincus qu'il y a quelque chose faire, et voué en êtes étonnés. Mais pour voir, il n'y a qu'à ouvrir les yeux. Jamais la misère n'a été ni plus gé nérale ni plus intense que cette année. La classe ouvrière est épuisée, exténuée. Dans la plupart des familles, on ne rencontre plus que des santés affreusement délabrées la suite de longues et horribles priva tions. Dans toutes les localités, les décès ont dépassé les naissances, durant les mois d'hiver, dans des proportions effrayantes. Enfin, encoreuneannée ou deux comme celle que nous venons de traverser, et il n'y aura plus d'efforts extraordinaires ten ter en faveur de la classe ouvrière; car elle n'existera plus. Elle aura péri de mi sère et d'inanition. Nous croyons devoir reproduire ici un article du Moniteur belge contenant des renseignements sur l'état de nos campa gnes. On verra avec plaisir que les indi cations reçues par le gouvernement sur les apparences de la récolte sont tout-à-fait rassurantes. La feuille officielle déclare elle même que rien dans ta situation des campagnes ne justifie les craintes exagérées qu'on a exprimées dans quelques parties du Ipaysavant les dernières pluies. Ceci, ajoute le Journal de Bruxelles, prouve une fois de plus combien il est imprudent de se livrer de sinistres pronostics sur le résultat éventuel des récoltes, alors que rien encore ne peut servir de base un jugement définitif sur cet objet. C'est une leçon dont quelques journaux alarmistes feront bien de profiler l'avenir. Voici l'arti^e au Moniteur LE PROPAGATEUR VÉRITÉ ET JUSTICE. Oo sait que le nouveau Ministre de la guerre a présenté aux Chambres nn projet de loi tendant h ouvrir au département de la guerre un crédit de 9,4oo,ooo fr., destiné h compléter le système dé- fensif d'Auvers et des rives de l'Escaut. D'après le projet, ce crédit doit être réparti sur quatre exercices successifs, et employé comme suit Matériel de l'artillerie.Matériel nécessaire pour l'armement des nouveaux ouvrages, i ,o65,65o fr.; appareils et matières pour l'établissement de divers ateliers, i,436,35o fr. Matériel du génie. Complément du camp retranché, ô,44o,ooo fr.; complément du système défensif de l'Escaut, 890,000 fr.; bâtiments pour le service de l'artillerie, 570,000 fr. Total g,4oo,ooo fr. La Section centrale a déjà tenu plusieors séances pour discuter ce crédit. Dans sa dernière réunion, elle a pris les résolutions suivantes Quant la dépense des 5,44o,ooo fr. réclamés pour le complément du camp retranché, elle en propose l'ajournement jusqu'à la session législa tive prochaine. Pour ce qui concerne les sommes demandées pour les rives de l'Escaut et pour le matériel de l'artillerie, elles sont votées sans opposition. M. Coomans est nommé rapporteur. ÉTAT DES RÉCOLTES. Le gouvernement a reçu de nombreux ren seignements sur les apparences de la récolte. S il est vrai de dire qued'après ces indica- I lions, certains produits semblent laisser désirer, on doit reconnaître cependant qu'il n'y a, dans la situation des campagnes, rien qui justifie lea craintes exagérées qu'on a exprimées, dans quel ques parties du pays, avant les dernières pluies. Le froment, l'épeautre et le méieil qui four nissent plus de la moitié de nos grains comestibles, Ise présentent, en général, dans un étal satisfaisant. Si quelques emblavures, faites trop tardivement, dans des terrains humides et de médiocre qualité, ou avec des semences de variétés nouvelles et mal acclimatées en Belgique, n'ont pas répondu 1 l'espoir du cultivateur, ce ne sont là que des fait» locaux qui De paraissent pas pouvoir exercer une influence sensible sur l'ensemble de la récolte, dont les apparences sont très-belles. La situation ne s'annonce pas aussi bieo quant au seigle; ce produit, par cela même qu'il est plus généralement cultivé dans des terrains légers ou de moindre qualité, parait avoir ressenti davantage les atteintes de la gelée et des vents froids et secs, surtout là où les semailles ont été tardives. Aussi dans quelques localités où les apparences du seigle élaieui trop mauvaises, on l'a labouré et remplacé par d'autres cultures; mais ce parti n'a été pris que très-exceptionnellement, et si, comme tout porte le croire, les emblavures cooservées s'améliorent sous l'influence bienfaisante de la température actuelle, il est probable que le résultat définitif de la récolte sera meilleur qu'on ne se croyait autorisé l'espérer jusqu'ici, et que la qualité du grain servira en partie compenser ce qui pourra manquer en quantité. Ce qu'on vient de dire du seigle s'applique l'orge d'hiver si ce n'est que dans les bons terrains, ensemencés temps, l'orge paraît s'être mieux maintenue. Le colza, au contraire, semble avoir souffert davantage, sauf toutefois dans quel ques localités favorisées d'une manière excep tionnelle. L'apparence des cultures fourragères est en général très-bonne, et le seul inconvénient dont on semble avoir se plaindre, c'est qu'elles sont un peu retardées. Les craintes inspirées par ce retard sont aujourd'hui en grande partie dissipées, et l'entre tien du bétail qui, dans certaines lucalilés, com mençait être malaisé, ne semble plus désormais devoir occasionner aucune difficulté séiieuse, ce qui est d'autant plus heureux que le haut prix auquel il se débite paraît avoir donné de grandes proportions l'élevage.

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Le Propagateur (1818-1871) | 1855 | | pagina 1