JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N° 3,935. Samedi, 16 Juin, 1855. 38me année.
7FB.ES, 16 Juin.
Le résultat des comices du 12 juin est
de nature inspirer aux amis de l'ordre
et de l'union une légitime confiance dans
la consolidation du cabinet qui a entrepris
de remettre ces idées en vigueur.
Des vingl-Sêpt Sénateurs sortants, parmi
lesquels une dizaine appartenant au parti
exclusif, vingt-quatre ont vu renouveler
leur mandat. Trois seulement d'entr'eux
sont rentrés dans la vie privée. Tous trois
appartenaient au libéralisme exclusif
n'osant affronter le verdict des électeurs
ils se sont retirés devant les candidats
conservateurs. C'est Gand que le parti
unioniste a remporté ce beau triomphe, et
11 est vrai de dire que jamais le libéralisme
menteur des loges et des clubs ne se vit
plus littéralement broyé, aplati sous le
cyliudrede fer de l'opinion publique.
Outre l'important district de Gand
Celui de Waremme a vu s'ouvrir une lutte
entre deux candidats libéraux. L'ancien
titulaire a été réélu. Mais en-dehors de
Ces. deux arrondissements, la journée du
12 a été toute pacifique, et depuis long,
temps le renouvellement partiel des
Chambres ne s'est accompli avec moins
de secousse et de déchirements intérieurs.
De plus en plus donc, il devient mani
feste que le pays est las de ces luttes
stériles et fatales dont les vainqueurs de
47 et 48 ont fait la règle de leurs théories
gouvernementales et qu'ils nous prônent
comme l'essence et le type du régime
constitutionnel; luttes, qui pourvurent, il
est vrai, de places et de bénéfices les
affidés des clubs et de la coterie maçon
nique, et ont permis quelques brouillons
ambitieux de pêcher en eau trouble; mais
qui privèrent trop souvent la Belgique
SDXDÈMË LETTRE
DU R. P. DE DAMAS,
des services de ses enfants les plus dé
voués et les plus capables; luttes enfin,
où la nation a consumé sans fruit ses
forces, son énergie, son activité et qui
eussent suffi dégoûter du régime con
stitutionnel un peuple moins attaché que
les Belges ses droits et ses libertés.
C'est dans ce revirement de l'opinion,
c'est dans ce retour si franc et si signifi
catif aux traditions unionistes et modérées
que l'administration DeDecker-VilainXIIlI
trouve sa raison d'être et de solides garan
ties de durée et d'avenir.
Toutefois que l'on ne se méprenne point
sur les qualités requises et le rôle vérita
ble d'un ministère de conciliation. Et,
cet effet, qu'il nous soit permis d'emprun
ter les lignes suivantes un article rernar-
3uable que consacre la Revue des Revues,
ans son dernier n", la Situation politique
de la Belgique
Découlant de la Constitution le sys
tème politique mixte ou d'union, n'est pas
un système, où doit dominer, comme on
pourrait se l'imaginer, la faiblesse, et la
condescendance tout prix. Au contraire
c'est le seul système, nous semble t-il, où il
est permis au ministère qui le met en
pratique, d'être fort, énergique, ne tenant
son pouvoir que du roi, n'ayant pour
mission que de développer ou de sauve
garder les principes écrits dans la loi
fondamentale; ne devant viser qu'au bien-
être du pays en général, il peut, il doit être
au-dessus des partis. En un mot il doit
avoir une majorité nationale. Il ne doit
pas être un instrument, comme le sont les
ministères de parti, il doit être un guide
ralliant autour de ses drapeaux tous les
vrais amis de nos libertés.
Telle est l'idée que nous nous sommes
toujours faite d'un ministère mixte, que
nous appellerions plus volontiers un mi-
nislère constitutionnel. On voit que,
compris dans ce sens, ce n'est point uh
ministère indécis, ballotté tantôt gauche,
tantôt droite, concédant un peu l'un,
un peu l'autre, de peur d'être renversé.
C'est ainsi cependant que l'on dépeint et le
dépeignent toujours les partisans de la
maxime des nécessités des partis. C'est
ainsi même que quelques conservateurs
timides se l'imaginent dans la crainte de
ne pas voir cesser les agitations inhérentes
au système parlementaire. Si tel était le
système que le nouveau niiuislère voudrait
inaugurer, au lieu de le soutenir, nous
serions les premiers le combattre.
Nous le savons, ce Système a ses ccueils.
Les hommes appelés le mettre en pra
tique, rencontreront de grandesdifficultés.
Une opposition systématique ne leur fera
pas défaut: on les traitera d'hypocrites,
d'ambitieux; la calomnie mêmes'atlachera
leurs pas. Mais forts de leur loyauté, de
leurs intentions droites, qu'ils marchent
en avant! L'immense majorité des Belges,
éclairée par une rude expérience de huit
années, lui saura tenir compte de son
dévouement
LE PROPAGATEUR
TÉH1TÉ ET ItBtlCI.
AUMONIER DE L'ARMÉE D'ORIENT,
AU DIRECTEUR DES Précis historiquesA BRUXELLES.
(suite et fin.)
Ainsi parlent ces hommes. Ce qu'ils disent, ils le
foDt. Pour eux la mort n'est véritablement qu'un
passage. Aussi, continuellement en présence de
camarades qui vont mourir ou qui meurent; sous le
coup d'une maladie qui les menace eux-mêmes, ils
envisagent leur dernière heure avec une tran
quillité indéfinissable. Ce malin, je m'arrêtais au près
du lit d'un homme dont la maladie venait de se
compliquer d'une rechute fort grave. M. l'au
mônier, me dit-il, faites-moi la charité de me
donner un citron pour relever le goût de ma
tisane.» Volontiers, je vous le ferai acheter.
Ah, merci Eh bieu vous me l'apporterez
demain malin quand vous repasserez... Et puis,
M reprenant comme un homme qui a réfléchi, mais
saus changer de voix et avec un naturel charmant
Ah mais demain matin, je serai mort.
Apportez-le-moi ce soir, je vous prie. Mais
non, vous oe serez pas mort demain malin, mon
enfant. Vous croyez, mon Père? Eh bieu soit
alors. Le citron pour demain matin. A demain, M.
l'aumônier.
Or, ne pensez pas que celle conduite soit l'effet
d'un stoïcisme stupide les monstres qui ne croient
pas la vertu pourraient chercher se l'imaginer;
mais je défieleur mauvaise foi elle-même de résister
la conviction que produit le naturel avec lequel
se passent de pareilles scènes. Nos soldats ne sont
pas insensibles. Ce sont de braves artisans ou
paysans au cœur noble et aux sentiments élevés;
leur courage s'explique. Ils recueillent dans
ce moineut solennel d'une guerre lointaine le
fruit du travail ignoré de la bonne mère de
famille, dont on se moque lorsqu'elle va faire
ses prières l'église, et de l'humble curé de village
qui enseigne péniblement le catéchisme de petits
enfants grossiers, eu dépit du raisonneur en frac qui
hausse les épaules et dit A quoi bon? AhI h quoi
bou le catéchisme qu'on sonne chaque jour de
Le jeudi i4 de ce mois, a éie un beau jour de
fêle pour la commune de Proven, et en particulier
pour une des familles les plus distinguées de la
province, une de ces familles, il semble que les
sentiments religieux soient héréditaires, avec le
sang et la noblesse. C'était le jour, où Monseigneur
l'Evêque de Bruges, venait bénir la chapelle,
érigée au château de Proven par Monsieur le
Baron Mazentan de CouthoveBourgmestre de la
commune, et par sa digne épouse, Madame la
Baronne Mazeraan, née de Florisoone. Parmi les
invités, que la solennité avait réunis dans lés
vastes salons du château, on remarquait outre
les membres des familles Mazentan et de Florisoone
et les autorités ecclésiastiques et civiles de la
commune de Proven, plusieurs membres du clergé
l'hiver dans les 4o,ooo clochers de France? Venez
en Crimée et vous rougirez en face de la vertu qui
se révèle au fond du cœur de ces jeunes soldats sans
lettres, et qui condamne vos vices, vous qui oe
savez pas assez votre catéchisme pour vaincre vos
passions honteuses. A quoi bon le catéchisme?
Cela sert faire aimer son père et sa mère, toute sa
famille enfin, et Dien par-dessus tout; cela sert
faire connaître le devoir, faire sacrifier même les
jouissances de la vie de famille, faire préférer la
mort si le devoir ou le besoia du pays l'exige. Voilà
quoi sert le catéchisme
Oh! comme il traduisait bien cette pensée, cet
homme qui m'accostait avant-hier soir la tombée
de la nuit et me demandait la permission de faire
route avec moi!Ce soir, M. l'aumônier, après
avoir porté des boulets aux tranchées, j'ai demandé
mon sergent-major la permission de rester uo peu
en arrière des autres pour aller voir deux jeunes
soldais de la cinquième division. Leurs parents
m'avaient écrit, moi le plus ancien troupier du
pays, pour me prier de les voir. Je ne les avais pas
encore reucontrés depuis que je suis en Crimée. Ne
Yoilà-t-il pas qu'en m'apercevant, ils se sont mis