Quelle est la quantité d'aliments dont, en 24
heures, un homme adulte et sain a besoin pour
entretenir sa vie? t» me demanda magistralement
mon chimiste culinaire; et sans attendre nia ré
ponse: Une quantité, dit-il, représentant l'équi
valent de 510 grammes de carbonne plus i3o
grammes de substance azotée. Or aucune matière
alimentaire ne fournit seule celte proportion de
carbone et d'azote, de manière !i former un bon
aliment complet. Il faut avoir recours des
mélanges où le carbone et l'azote entrent en
différentes proportions, sous la forme d'amidon,
de graisse, de sucre et d'albumine (la matière du
blanc d'œuf et un des principes immédiats de la
viande.) 1,000 grammes de pain et 266 grammes
de viande fournissent un mélange de ces quatre
substances, qui représeute la quantité normale de
carbone et d'azote nécessaire pour la sustentation
journalière d'un homme. 35o grammes de fèves
et 425 grammes de riz donnent peu près le
même résultat. Au prix actuel des fèves, des
haricots, du riz, du blé même et de la viande,
n'est-ii pas stupide de se ruiner h acheter des
pommes de terre qui, poidségal, ne représentent
pas la 10" partie de la valeur nutritive de ces
autres denrées alimentaires. La pomme de terre
est de beaucoup le plus cher de tous les aliments....
Foiu de la Paruieotière, litière de la Villemottel
s'écria mon fougueux cousin en jetant un manequin
de patates hors de son laboratoire.... Mais c'était
pour crier sa cuisinière Victoria, vous m'en
ferez frire pour mon souper; j'adore la pomme de
terre frite.
Cousin Egidius, permettez-moi de faire
observer Pythagore qu'il vénérait les fèves au
point de s'en abstenir, comme un Yprois de ma
connaissance mésestime les pommes de terre au
point de les adorer en friture.
Assez joli, si cela avait le sens commun.
Mais ne savez-vous donc pas, mon petit, que le
propre d'un philosophe est de savoir se priver des
biens les plus précieux, et de se contenter de ce
qu'il y a de plus commun et de plus vil Pythagore
et moi, nous n'avons pas d'autres principes il en
est de même de plus d'un écrivain de notre temps,
pour qui s'ouvriraient, s'il le voulait, tous les tré
sors des saines et subtantielles doctrines; mais il
aime mieux se nourrir du gros son des vieilles
erreurs, complètement épuisées de suc nourricier,
a force d'avoir été resassées par tous les faméliques
d'idées, depuis le grand déluge: abstinence philo
sophique, mon cher; abstinence philosophique.
En disant cela, mon digne cousin, avait cet air
narquois, qui fait supposer d'aucuns que le vieux
savant se moque encore plus des autres que de lui-
même.
Conutes-vous Berzelius? Non? vous per—
dites; comme dirait M. Prud'homme. Berzelius se
donna le plaisir de ne nourrir des serins en cage
qu'avec du sucre. Ce régime plein de douceur con
duisit nos Canaries aux Quinze-vingts: au bout de
trois mois ils étaient tous aveugles. Berzelius alors fît
une visite amicale h une famille pleine d'avenir:
c'étaient huit chiens, dont quatre chiennes, qui
donnaient les plus belles espérances: il sut les
persuader de se contenter, faute de mieux, qui de
graisse épurée, qui de pain sec, qui de blanc d'oeuf.
Les premiers s'affriandérent au régime adipeux,
comme les cosaques aux chandelles; les derniers
suçaient leurs langues humectées d'albumine comme
une bonne âme fait le matin de ses mouillettes; les
mâtins condamnés au pain parfaitement innocent
de tout alliage avec un beurre quelconque se
montrèrent moins accomodants; ils murmurèrent
qu'on les mettait un diète qui, longtemps, en
Suède, fut considérée, pour les condamnés, comme
l'équivalent de la peine de mort. On les laissa
dire: les dogues comme les écoliers au pain sec,
inventent toujours mille mauvaises raisons, passa-
3 -
bletnent révolutionnaires. Bref, au bout de trois
mois, cebx-ci mouraient phtysiques, comme les
canards qui ont fait la réputation scientifique de M.
Flonrens; ceux-là se donnaient lesairs aristocrati
ques d'avoir la goutte; et les autres, je parle des
dégustateurs d'oeufs la neige, s'avisaient de périr
du tétanos. Berzelius, qui était un des plus grands
savants de la savante Allemagne, conclut judicieu
sement de cette expérience, qu'il faut mêler les
jaunes aux blancs pour faire uoe bonne omelette,
non moins salubre pour être un tantinet sucrée; et
que la meilleure manière de manger le pain sec est
de le couvrir d'une couche de beurre tapissée au
besoin d'un surtout de jambon il est vrai que sa
cuisinière confectionnait depuis longtemps des
Sandwich, et même des omelettes au rhum. Quoi
qu'il en soit, partir de cette époque mémorable,
nous autres savants, M. Payen aidant, et M. Dumas
brochant sur le tout, nous pouvons vous dire un
milligramme près, ce qu'il y a d'azote, de carbonne,
de matière grasse et d'eau, conlenn dans 100 parties
des principales matières alimentaires. Pour peu que
les ignorants qui n'ont rien mettre sous leur deot
creuse, y mettent un peu de bonne volonté; pourvu
qu'ils se rappellent qu'en différentes proportions,
l'azote le carbonne et l'eau entrent dans la com
position des fécules, de la viande et des œufs, de
la graisse, du sucre, je leur promets, s'ils ont la
complaisance de se procurer ces choses vulgaires,
de leur apprendre parfaitement vivre.
Ici, mon vieux cousin, changeaut subitement de
ton et de manière, reprit avec toute la dignité qui
lui concilie l'estime et l'amitié des gens de bien
Pardon, pardon, d'avoir cédé mon vieux pen
chant la plaisanterie il est des sujets trop graves
pour qu'en quelque chose qui s'y rattache, même
de fort loin, il soit permis de s'égayer. Dans notre
pays, en temps de cherté des vivres le taux de
la vente des denrées de première nécessité aug
mente en raison inverse de leurs qualités nutritives.
Ce que nos pauvres achètent le plus cher aujourd'
hui, c'est ce qui les nourrit le moins ils se ruinent
et ils s'épuisent. Tenez, mou ami, vous me voyez
préoccupé de cette triste pensée, que de funestes
Tontines dans la manière de vivre augmentent la
souffrance de nos populations nécessiteuses. Les
pommes de terre, parlons maintenant sérieusement,
sont un prix exorbitant, hors de tont rapport
avec leur valeur, si l'on a égard ces deux élé
ments essentielsquand il s'agit d'alimentation
la puissance nutritive et le prix vénal. C'est la
plus chère et une des moins nourrissantes de nos
denrées. Faites comme moi, vous et les vôtres,
crions sur les toits Les savants ont leurs ridicules;
qu'ils les gardent, pour notre pins grand plaisir.
Mais la science est sainte et bénie de Dieu con—
sultons ses enseignements pour nos plus chers
intérêts. L'hiver approche, il est gros d'épreuves
pour les classes peu aisées. Il faut penser s'ap
provisionner pour quand la bise sera venue;
bientôt il faudra, sans doute, distribuer n'im
porte quel titre, gratuitement ou prix coûtant,
des portions alimentaires qui, si ma cuisinière y
avait passé, seraient la fois agréables au goût, ce
postillon avant courrier de l'estomac, et assez riches
de principes nutritifs pour fournir au reconfort
complet de nos pauvres frères nécessiteux. Mais si
vous les laissez faire eux-mêmes leur pot-au-feu,
ces chers enfants du Bon Dieu, ils sont capables de
faire la soupe avec des cailloux, c'est-à-dire avec
des navets et autres calembredaines. Pensons pour
eux et, sans faire de la disette en parlant de disette
prématurément, tenons-nous prêts leur venir en
aide, en sachant bien ce que nous faisons. Il y a
quelque part, fût-ce Bruxelles, un homme de
cœur qui est aussi un homme d'esprit; cela
devrait toujours être. Il a cru que l'autorité de
sa position officielle ne serait pas de trop, pour
appuyer quelques conseils hygiéniques. Lisez ce
tableau des proportions relatives de l'azote et du
carbone qui existent dans nos aliments osuels, et
vous saurez comment il faut faire pour ne pas nour
rir les populations d'eau claire.
Cousin, est-ce que je prendrai, pour mon
dîner ou mon souper, tant d'azote et tant de car
bone, sur, après cela, de digérer l'aise.
Monsieur, vous prendrez le chemin de la
porte, pour me laisser mes loisirs. Victoria I le
cousin ne soupera plus que quand il aura lui-même
brassicoté des soupes économiques. Éclairez-le
jusqu'au bas de l'escalier.
Tableau des quantités d'azote, de carbone,
etc.contenues dans les principales denrées
alimentaires.
.«1rs (1).
CAKBOXl.
GUIUI.
AIT.
"Viande (a) (sans os)
3,oo
I ,00
2,00
78,50
OEufs (blauc et jaune ensemble).
'-9°
13,5o
7,00
80,00
Lait
0,66
7.°9
3,70
86,5o
4o,oo
2,IO
i5,oo
Haricots
3,88
41 .o°
2,80
12,00
Lentilles
3,;5
40,00
2,65
12,00
fois
3,5o
4 ,00
2,10
10,00
Blé dur
40,00
2,10
12,00
4?
O
O
1,75
14,00
Farine blanche de Paris.
',64
39,00
1,80
14,00
Farine de seigle
I.75
4f,°°
2,25
i5,oo
Orge d'hiver (escourgeon)
',90
40,00
2,20
3,oo
Mais
1,70
44,°°
8,80
13,00
4o,oo
2,00
13, 00
Riz
1,08
43,00
o,8o
3,00
•>95
41,00
6,10
i3,oo
Pain blanc de Paris
1,08
29,50
1,20
36,00
Paid de munition, ancien
1,07
28,00
i,5o
4i,oo
Pain de munition, nouveau
1,30
3o,oo
j,5o
35,oo
Pain de farine de blé dur
3,30
31,00
1,70
37,00
10,00
o, 10
74.o°
Carottes
o,3i
5,5o
0,15
88,oo
Café (quantités dans une infusion
de 100 grammes)
1,10
22,00
i,5o
Lard
1,18
6I,I4
71,00
20,00
Beurre ordinaire (frais)
0,64
67,00
82,00
14,00
Bière forte
0,08
4,5o
90,00
Eau de vie commune.
a
27,00
n
49.°°
0,015
4,00
90,00
Les nombres de cette colonne, multipliés par 6,5,
donnent le poids de la substance azotée contenue dans
chaque aliment.
(a) Les os formant un cinquième du poids total, il faut
compter ia5 de viande avec les ns pour 100 de viande
désossée.
Courtraf, lundi flft Octobre.
Froment. fr. 54 oo 57 00 par bectol. et demi.
Froment (n. r») 00 co 00 00 id.
Froment demi-blanc 5i 00 52 00 id.
Seigle34 00 36 00 id.
Fèves o 33 00 00 00 id.
HUILES
de colza fl. 71 00 00 00 par tonnes de 48 pots.
de lin63 10 00 00 id.
Raulers, mardi IC Octobre.
Fi ornent blanc fr. 58 00 62 00 et par hectolitre demi.
Froment (n. r.). 53 00 57 00 id.
Froment rouge 48 00 53 00 id.
Seigle33 00 34 00 id.
Sarrasin. 24 00 25 00 id.
Avoine14 00 16 00 id.
Fèves28 00 3i 00 id.
Beurre2 3o 2 40 le kilo.
Pommes de terre 6 5o 7 00 id.
Huile de colza fl. 69 10 00 00 par48 doub. lit. de Court.
Huile de lin. 63 00 00 00 id.
Ypres, samedi to Octobre.
i434 hectolitres de Froment fr. 34 00 par hectol.
96 de Seigle21 40
69 de Fèves w 20 20
16 d'Avoine11 25
1000 kilogr. de Pommes de terre. 7 5o de 100 k.
idem blanches
7
5o m
par kilog.
fr.
3 33
Id. salé
3 43
Viande de bœuf
I 40
Id. de vache
1 40
Id. de veau.
N
4°
Id. dè mouton
n
U
1 4°
Id. de porc.
4°
n
O 34 113
ÉTAT-CIVIL D'I'PRE», du i4 au l9 Octobre inclus.
Naissances 9. Sexe masculin 6; féminin 3.
Mariages Mariclial, Bruno, 35 ans, journalier, et
Vanneste, Barbe, 27 ans, domestique.
Décès, a. Yanheule, Joseph, 44 ans maçon, époux
d'Hermine Yaudenpitte, rue de Menin. Gouwy, Eme-
rence, 21 ans, célibataire, rue de Menin.
Erfabts au-dessous de 7 ans. 3. Sexe masculin aj
féminin 1.
S