JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT-££=5.S c""1 30
ffo 4,006.
Mercredi, 20 Février, 1856.
39me année.
PRIX D'ABONNEMENT.
LE PROPAGATEUR
CHEMINS DE FER
d'Ypres Courtrai, 55o, 11, 5oo,
de Poperinghe 20 minutes plus tôt.
De Courtrai Ypres et Poperinghe,
74», 1055, 45o.
De Courtrai Mouscron, Tournai et
Lille, 7oo, n—5o, 435, 615.
De Courtiai pour Bruges 7—4°,9^o,
TKKITÉ ET JtHTICE. 1—a5, 6—20.
Ypres, 3 moisfr. 3
Par la poste„3 5o
On s'abonne Ypres cher D. LAMBIN
MORTIER, Éditeur-Propriétairerue
de Lille, 10, près la Grand'-Plare.
Le Propagateur parait le MERCREDI
et le SAMEDI, i 7 heures «lu soir.
Les lettres et envois doivent être
affranchis.
Insertions des annonces 17 centimes
la lignej on traite forfait.
7?r.SS, 20 Février.
Nous touchons au moment où vont s'ouvrir
les conférences. Sur les douze plénipotentiaires
qui doivent y figurerdix sont déjà rendus
Paris. Les deux autres qui sont le comte
Orlojf, plénipotentiaire de la Russie, et Aali-
Pacha, plénipotentiaire de la Turquie, sont en
route. Le comte Orlojf est attendu d un jour
l'autre; on pense que le grand-visir Aali-
Pacha pourrait arriver le 22. Dans ce cas,
l'ouverture des conférences aurait lieu le 2 3. Il
paraît décidé qu'elles se tiendront Vhôtel du
ministère des affaires étrangères. Voici,
d'après la Gazelle de Triesle, l'indication des
2 1 points de réforme approuvés par la Porte
Maintien du Hati-Schérif de Gulhanégarantie
de tous les privilèges de l'église grecque et
arménienne suppression des pouvoirs tempo
rels et judiciaires des patriarchals égalité
des cultessuppression des peines portées
contre ceux qui changent de religion; admis
sion des chrétiens aux fonctions publiques
établissement d'écoles populaires organisation
d'une justice temporelle pour les rajahs
modification des lois civiles et criminelles; code
publié dans toutes les langues de l'Empire
réforme de la police; les rajahs soumis au
recrutement et admission des chrétiens tous
les grades militaires transformation des
autorités provinciales faculté pour les francs
d'acquérir tes biens; impôts directs; amélio
ration des voies de communication budget de
l'Etal; représentation des chrétiens dans le
conseil d'Etat; institutions de crédit pour le
commerce réforme monétaire.
Nous ne sommes point de ces logiciens a
outrance qui ne tiennent aucun compte des em
barras créés par les fails accomplis. Nous savons
gré au ministère de ses efforts pour replanter le
principe fécond de la liberté dans la charité dans
un sol obstrué par les broussailles légales et les
CE QUE PEUT FAIRE LA CHARITÉ PRIVÉE
DANS LA VILLE réprouvée DE PARIS.
Nous avons vtt mercredi quelques uns des actes
de vertu qui donnent bou droit la morale et
religieuse Angleterre de se scandaliser de la
choquante dépravation des pays papistes du
continent. Le puritanisme de nos Saints d'Outre
mer rougit au nom seul de Paris, celle prostituée
superstitieuse qui renie Christ et adore son
image en bois peint celte senline de corruption,
où se vautrent dans la fange l'idolâtrie et
rinfidélité.Woilà ce que j'ai entendu, de mes deux
oreilles, lire avec l'accentation la plus genllema-
ney irréprochable, dans la chaire de S' Martin's le
grand, Trafalgar place, h Londres. Qu'on se le
dise. Après cela, aurons-nous l'audace grande de
fouiller dans cette fange pour exposer aux regards
du public la vie idolatrique d'une adoratrice du
crucifix? Dût le canl s'en formaliser, nous allons
faire connue tout Paris qui se pressait l'autre jour,
sommités, bourgeois et peuple, aux obsèques de
sœur Rosalie j nous nous entretiendrons de ce que
prétentions bureaucratiques. Nous savons trop par
combien de milliers de liens Liliputiens il se trouve
lui-même empêché, pour lui reprocher durement
de n'avoir pas donné cette liberté plus d'air et
plus d'espace. Ce devrait être aux Chambres elles-
mêmes lui élargir la place, pour qu'elle puisse
fructifier. Les assemblées qui font les lois ont
naturellement plus de ressort pour se mettre h
l'aise avec la légalité léguée par le passé, que le
pouvoir exécutif chargé de la maintenir.
Daos ce moment donc où les membres de la
représentation nationale sont appelés étudier
avec toute l'attention désirable, cette haute ques
tion de la Liberté dans la pratique de la Charité,
le devoir de la presse (de la presse qui croit au
devoir) serait de ne point rapetisser cette question
aux mesquines proportious d'un débat entre les
partis011 d'un pari politique dans lequel le
portefeuille ministériel serait l'enjeu. Il y va pour
le présent et pour l'avenir du sort des classes
souffrantes. Le journalisme sérieux remplirait uu
noble office en venant en aide aux labeurs des
membres du Parlement par des études substan
tielles sur cette importante question d'économie
sociale, par des investigations consciencieuses, par
des citations propos. Ce serait plus utile et plus
patriotique que de reprendre avec aigreur le
gouvernement de n'avoir pas proposé un plus
grand bien pour le voir sûrement rejeté; ce serait
surtout moins grotesque et moins odieux que
d'étouffer les principes réclamés en matière de
charité par tous les esprits éminents de l'époque,
sous des vociférations contre la main-morte et les
couvents.
Quand, en Angleterre, la liberté dans la charité
n'avait aucune entrave; sous le régime des cou
vents, l'ouvrier anglais gagnait en treize jours la
valeur d'un bœuf, et une femme filant le lin
gagnait une poule pour le travail d'une seule
journée. Les documents officiels du là* siècle con
statent que le bœuf, le porc, le mouton et le veau
étaient la nourriture habituelle des classes les
plus pauvres. Où en est l'Angleterre, depuis la
suppression des institutions normales en fait
peut la charité privée d'une ègreneuse de chapelet.
Sur les soixante-neuf ans passés par la sœur
Rosalie sur la terre, cinquante-quatre ont été con
sacrés exclusivement a Dieu et aux pauvres. Elle
avait environ quinze ans, elle était d'une beauté
resplendissante lorsqu'elle entra au noviciat des
Filles de la Charité. Elle était née au pays de Gex,
appartenait une famille recommandable et était
parente a un degré assez proche du pieux et zélé
prélat qui gouverne aujourd'hui le diocèse d'An
necy. Son noviciat terminé, elle fut placée dans la
petite maison de la rue de l'Épée-de-Boisau
faubourg Saint-Marceau. La Providence avait ses
desseins Elle avait voulu préparer la partie du
peuple de Paris la plus abandonnée aux mauvaises
suggestions, livrée au plus affreux dénùment, un
cœur maternel pour compatir toutes les misères,
aidé d'un véritable génie pour inventer et em
ployer les ressources capables de les soulager. La
Sœur Rosalie aimait tous les pauvres, mais les
pauvres de son quartier d'une façon particulière.
Si on lui parlait de la grossièreté de ce peuple, de
l'ivrognerie et des autres vices qui sautent aux
d'aumône volontaire, depuis l'établissement forcé
d'une taxe des pauvres pour suppléer légalement
la charité spontanée? Cette taxe s'est élevée
successivement jusqu'à deux-cents millions; et un
septième de la population Dourri par les six
autres, s'en est constitué le créancier. En un
siècle, dit M. Pashley (1748-1848) la population
a triplé, et le paupérisme est devenu huit fois plus
nombreux. A Londres seulement, la taxe est
répartie entre 807,000 indigents mais les secours
des paroisses tombent sur le double de ce nombre
de pauvres il y a, par le fait, dans cette métropole
un pauvre sur quatre habitants. Paris n'a que
1 pauvre sur 16 habitantset l'Italiecette terre
monastique, 1 sur 25.
Uo protestant, M. Chastel, professeur Genève,
conclue ses Éludes historiques sur l'influence
de la charité... par ces mots: Loin d'étendre
l'intervention de l'État dans l'assistance des pau
vres, il faut, au contraire, travailler continuelle
ment la restreindre, et tendre sans relâche vers
un état de choses où la charité privée, livrée a
elle-même et douée de tout son ressort, pourvoira
seule aux besoins des indigents.
Rappelons - nous l'expérience des premiers
sièles. Autant les princes chrétiens échouèrent,
lorsqu'ils essayèrent par des mesures positives et
directes, de soulager où d'éteindre la misère,
autant leur action fut salutaire, lorsqu'ils se
bornèrent, dans la sphère de leurs fonctions,
réprimer l'injustice, protéger la faiblesse,
soutenir le bon droit, retrancher ou restreindre
les abus qui compromettaient la prospérité de
leurs peuples. Que les gouvernements chrétiens
travaillent aujourd'hui dans le même esprit.
Veiller la sûreté intérieure et extérieure, pro
téger les droits de tous, garantir les biens, la
liberté de vie de chaque citoyen tel est l'objet
que se propose la société civile, le but essentiel
pour lequel les gouvernements sont établis.
C'est ainsi que je comprends l'action des gou
vernements pour l'extinction graduelle de la
misère. Ne les chargeons pas de soins plus étendus.
Us feront assez pour la charité s'ils fondent soli-
yeux, la bonne Sœur se contentait de répondre
Ce sont mes enfants; si je n'étais pas soutenue
de la grâce, peut-être serais-je pire qu'eux! Une
mère peut voir les défauts de ses enfants; elle les
excuse, tout en cherchant les corriger; mais elle
n'aime pas qu'on s'ingère les lui montrer. Quand,
daos les moments d'exploision populaire, on lui
parlait des doctrines criminelles répandues parmi
son peuple, des aspirations redoutables qui s'y
enflammaient, elle excusait encore: Ils sont si
malheureux, disait-elle; et sans le dire et sans
offenser, elle faisait sentir que dans ce temps
d'égalité où nous vivons, on n'avait peut-être pas
pour les pauvres toute la charité et toute la sollici
tude que Dieu recommande.
Elle exerçait une puissance extraordinaire sur
tout ce qui l'approchait. Quand elle demandait
quelque chose, il était difficile de lui refuser mais
elle ne fatiguait pas, elle savait demander propos;
elle demandait souvent néanmoins; et quand une
fois on était entré sous sa puissance, elle menait loin
son monde. Elle aimait surtout faire soulager les
misères temporelles par les misères spirituelles,