JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT,
No 4.034.
Mercredi, 28 Mai, 1850.
30me année.
7FP.ES, 28 Mai.
prix d'abosseïest.
Ypres, 3 moisfr. 3
Far la poste. 3 5o
On s'abonne Ypres chei D. LAMBIN
MORTIER, Éditeur Propriétaire, rue
de Lille, io, près la Grand -Pla"
Le Propagateur parait le MERCREDI
et le SAMEDI, 7 heures du soir.
Les lettres et envois doivent être
affranchis.
Insertion, des annonces 17 centimes
la ligne; on traite forfait.
LE PROPAGATEUR
CHEMINS DE FER
VÉRITÉ ET JUSTICE.
d'Ypres Courtrai, 55o, 11, 5—oc,
de Poperinghe 20 minutes plus tôt.
De Courtrai Ypres et PoperÎDghe,
74°i 1055, 45o.
De Courtrai Mouscron et Lille
7—3o, 10—5o, 15o, 9—5o.
De Courtrai pour Gand 7 00
I2-5o, 4—35, 6—15.
De Courtrai pour Bruges 7—4°,93o,
1a5, 6—sa
Nous aimons les positions franches un journa
liste doit ses adversaires comme h ses amis une
nette profession de ses principes. La question
de la liberté de la presse, soulevée par l'incident
Wa'ewski, les questions d'indépendance nationale
et de solidarité inter-nationale qui sont en cause
par suite du langage de plusieurs hommes d'état au
Congrès de Paris, nous ont mis eu demeure de
rappeler dans nos derniers articles celte vérité
fondamentale déjà par nous plus d'une fois posée:
Les nations sont des personnes morales poursui
vant, chacune dans la voie qui lui est propre, le
but spécial proposé h leur activité. Les nations ne
progressent qu'en restant dans la voie de leurs
traditions. L'étude consciencieuse de l'histoire, en
mettant sous nos yeux ces traditions, nous apprend
a reconnaître quel est pour chaque peuple le but
national. Or comme les moyens, sont toujours
appropriés au but, c'est du point de vue du but que
nous jugeons des moyens, des institutions, des
évolutions d'un peuple. Mais ces buts Dationaux
sont eux-mêmes appréciés par nous du point de
vue d'un but supérieur et préexistant h toute
nation, 'a toute société :lle but providentiel auquel
doivent tendre toutes les fractions de l'humanité,
c'est-b-dire le règne de Dieu et de sa justice.
Car, notons le bien, les nations, comme les
individus dont elles sont composées, sont libres de
choisir entre le bien et le mal elles font en effet
cette option pour leur bonheur où pour leur ruine.
Il y a donc des buts nationaux boos, et des buts
nationaux mauvais. Une nation peut poursuivre
d'abord un but, puis s'en détourner pour tenter
d'en atteindre uu autre; les nations peuvent subir
des maladies sociales, niais ies nations sont guérissa
bles. Il y en a eu qui se sont suicidées, il y a eu qui
courent b leur mort. Bien, mal; vie, mort voilé des
mots qui n'ont de sens que pour celui qui a un
principe de discernement eutre ces opposés. Or
l'homme qui dit je crois est eu possession de ce
principe iuconnu de l'homme qui dit je pense. Le
croyant seul sait affirmer quel est le but provi
dentiel posé aux efforts de l'humanité lui seul
juge avec certitude si les iustitutions des divers
peuples tendent au règne de Dieu et de sa justice;
car il sait, lui, grâce b une révélation divine dont il
ne doute pas plus que de sa propre existence, ce que
c'est que la justice, ce que commande la morale.
Tout autre que luisur ces points fondamentaux,
doute, hésite, ignore. Eu politique, l'incrédule vit
donc au jour le jour, sans savoir pourquoi sod pays
vieut d'ici plutôt que de là, sans devioer où il ira,
sans se rendre compte de sa situation actuelle par
rapport aux autres nations, par rapport b son passé
et b son avenir. Comment jugerait-il de la moralité
des partis? Comment aurait-il d'affectueuses sym
pathies pour les justes opprimés et de saintes
indignations contre la tyrannie d'un despote ou
d'uoe Convention? Le sceptique, nouveau Pilate,
dit eu se lavant les mains: quest-ce que Injustice?
Or, point de milieu: un Européen en morale,
conséquemment en polique, ne peut être ni Chinois,
ni Boudhiste, ni Musolmau; Il est mauvais chré
tien ou bon chrétien. S'il est chrétien et qu'il
sache lire et penser, il ne peut être que catholique;
lo^ute dissidence est affaire de préjugé ou de paresse.
I. alternative est doue entre 11e pas savoir parce
qu on De croit pa^ et savo;r parce q„'on croit.
Sivoir quoi? Savoir tout; car c'est tout savoir en
politique que de counaître le but de l'humanité.
Le publiciste catholique a dans sa foi une boussole
pour sa raison. Navigateur embarqué sur le vaisseau
de l'Etat, il fait le point en regardant le ciel; c'est
du ciel eu effet qu'il apprend la route b suivre, les
ecuetlsa éviter.
Très-respectueux donc l'égard de la haute
mission que, malgré notre insuffisance, nous osods
assumer, nous devons b la diguité de la magistrature
du journaliste catholique de dire nettement ici
pourquoi nous repoussons pour l'Italie les libertés
modernes que la Belgique, en honneur et coDscieuce,
est tenue de conserver. Dût notre parole soulever
contre dous les injures de i'iguorance et de l'irré
flexion, nous déclarons, nous qui nous glorifions
d'être libéral et chrétien, que ces libertés ne sont
point on bien absolu; qu'en soi la plupart de ces
libertés sont un malque ce sont des concessions
temporaires b l'erreur et b l'égarement des esprits
et non de véritables libertés. L'Italie a été préservée
jusqu'ici, grâce b ses traditions nationales, du fléau
qui donne le droit b un corrupteur, parce qu'il
tient une plume, d'empoisonner une longue suite
de générations, en souillant de sa bave toutes les
fleurs du sentiment, de la décence et de la foi;
tant mieux pour l'Italie. Que quelques bourgeois,
qui se croient supérieurs parce qu'ils sont superfi
ciels, s'iudigoent que leur plume ne puisse être
un stylet pour tuer moralement leurs compatriotes;
tant pis pour ces vaniteux; ou, plutôt, tant mieux
encore, si des rigueurs salutaires leur épargnent
des remors en les sauvant de la facilité du crime.
Les libertés modernes entendues dans le sens uni
versellement adopté en Angleterre, en Belgique, en
France, sont incompatibles avec la constitution
normale d'une société fondée sur la inorale chré
tienne; car la liberté de conscience implique la
Dégalion de la distinction entre le bien et le mal;
car la liberté des cultes érigée en droit absolu
conduit b des monstruosités, dout la moindre serait
en détruisant l'unité de religion, d'auéantir l'unité
de l'humanité; carMais b quoi bon poursuivre?
ne sait-on pas qu*ces liberté prétendues sont des
servitudes imposées au parti de l'ordre affaibli par
l'insurrection triomphante! L'esprit révolution
naire, l'esprit qui nie, qu'il s'appelle protestantisme
ou philosopbistne, exploite, dans l'intérêt de ses
passions, uoe licence dont il sait bien que par
couscience, les amis de l'ordre ne pourront user.
Qui diffame un juste sait bien que le juste ne peut
se venger par un retour de calomnies; qui, d'un
seul coup, par une plaisanterie cynique, ruine la foi
et l'honnêteté dans une âme qui en demeurera
éternellement souillée, sait bien que la parole
austère de la science et du devoir n'aura plus
d'entrée dans un cœur rempli d'impures convoi lises.
Ces libertés funestes ne sont donc, pour qui les
exerce, que le privilège de l'oppression exercé par
la lâcheté. Elles sont, de plus, le monopoledu petit
nombre qui parle et qui s'impose au préjudice du
plus grand nombre qui souffre et qui se tait.
N'est-ce pas en effet au notu de la liberté de con
science revendiquée pour quelques milliers de pro
testants, mais non pas par les protestants eux-
mêmes, qu'un milliou de catholiques, b Paris, sont
privés de ces solennités de la Fête-Dieu, qui
émeuvent l'iodifférent, et comblent de joie le
fidèle? Qu'en Belgique, en France, on compte le
nombre et surtout qu'on pèse la moralité des hom
mes simples et sensés, parfaitement insoucieux ou
blessés de ces libertés. Cette multitude a une
conscience dont les droits sont bien aussi légitimes
sans doute que le scepticisme de quelques échappés
de collège; eb! bien, la conscience de la multitude
est froissée par la liberté de conscience; sa religion
gémit de la liberté des cultes; son honneur, sa
sécurité, ses intéiêtssont compromis, peuvent ê're
perdus par la liberté de la presseEt vous
voulez que cette vérité vraie, nous, journaliste
chrétien, nous ne la disions pas Notre devoir nous
force b la proclamera temps et b contretemps.
Mais si nous félicitons l'Italie de n'être pas encore
réduite a subir ces libertés, est-ce a dire que nous
en demandions l'anéaDtissement en Belgique? point
du tout. Mille fois, Don Entendez vous bien, vous,
qui chercherez peut-être travestir et fausser notre
pensée. Nous chérissons notre royauté constitution
nelle, nous préférons pour la Belgique b toute autre
forme gouvernementale le régime parlementaire
qu'elle s'est donné et qu'elle améliorera en appe
lant les électeurs b voter au cauton. Malgré des
traces révolutionnaires qui font tache dans ce
magnifique monument législatif, nous considérons
le Code qui nous régit comme le système de
législation le moins éloigné de la loi chrétienne.
Nous sommes parfaitement des hommes de notre
temps, quant b l'intérêt que nous portons b tous les
perfectionnements industriels, b toutes les décou
vertes scientifiques. Nous l'avons dit l'autre jour,
la Belgique, instituée comme nation b l'ombre des
monastères, a toujours reconnu la règle comme sa
souveraine. Le pays qui possédait au moyen-âge
le droit de joyeuse-entrée était déjà un pays con
stitutionnel. Les efforts séculaires de nos communes
ont abouti b nous rendre dignes du régime parle
mentaire. La nation belge est, malgré tant d'épreu
ves, toujours demeurée dans la voie de ses traditions
elle n'a point méconnu son but d'activité.
Le régime constitutionnel, le gouvernement du
pays par le pays, l'égalité des citoyens devant la
loi, l'accession de tocs aux fonctions publiques;
tout cela est excellent; tout cela est parfaitement
compatible avec un état social régulier. Mais les
prétendues libertés modernesla liberté absolue
des cultes, de la presse, etc., sont d'un tout autre
ordre. Eh bien cependant d'elles aussi tous
jugeons le maintien nécessaire, obligatoire, en
Belgique.
Si ces libertés, que nous avons flétries comme
des servitudesont été en France, en Espagne et
ailleurs, imposées par l'audace et la violence au
parti de l'ordre qui les a subies contre sa volonté,
il n'en a point été de même en Belgique. Par le
compromis de 1 83o, le parti de l'ordre les a volon
tairement acceptées comme une nécessité imposée
par le temps et sans doute pour longtemps. Il ne
s'est point fait illusion sur les vices de ces con
quêtes de 89; mais entre la domination des pro
vinces néerlandaises du Nord qui étouffait la
liberté religieuse des provinces catholiques du
Midi sous le joug du despotisme protestant, et line
transaction avec les idées modernes quoique
celles-ci menaçassent le priucipe d'autorité des
agressions de la licence, il n'a pas hésité b choisir
le moindre des maux. Il a préféré, au fait, alors
pesant sur lui, de l'oppression hollandaise, les
chances d'une lutte intestine, aux péripéties incer
taines, et dans laquelle, grâce au bon-sens national,
l'affirmation des véritables principes sociaux doit,
toi ou lard, l'emporter sur des négations et des
inconséquences. Les Belges catholiques ont donc
concédé b leurs compatriotes prévenus de sympathie
pour des importations étrangères le droit d'errer
et d'induire eo erreur, parce que, eux, catholiques,
ils ne pouvaient acheter b moindre prix le droit
de proclamer hautement la vérité et de rester
fidèles b la tradition nationale.
Cette transaction, qui, sauva alors la patrie,
cette transaction qui d'ici bien longtemps sans
doute encore sera le seul lien entre des opinions
malheureusement divergentes, cette transaction est
un contrat; elle en a le caractère obligatoire,
auguste, sacré. Comme tout contrat, notre Consti
tution qui émane d'un engagement mutuel, doit
être observée fidèlement et dans son intégrité
jusqu'au jour bien éloignéoù le retour des
esprits b l'Unité pourra amener une résiliation
volontaire de la part des parties contractantes. Le
parti de l'ordre se fait, et très-justement, un scru
puleux devoir d'observer la totalité de ses engage-