Aujourd'hui nous voyons revenir la tête
de notre Belgique des ministres qui ont laissé
de néfastes souvenirs, des hommes dont les
amis et les admirateurs proclament que le
MOMENT EST VENU D'ÉTOUFFER LE CATHOLICISME
meut que la Constitution nous les ouvrît pour
dissiper des préjugés seme's par les passions et pour
en appeler a cette raison droite et traditionnelle du
pars qui a fait sa force depuis 27 ans.
Mais la dissolution de la Chambre des repré
sentatifs, iinpose'e la Royauté par le ministère du
g novembre comme une nécessité de sa formation.
Dons interdit l'accès de la tribune. On fait on appel
au pays légal avant que nous ayons pu lui parler
pour justifier notre conduite calomniée et dos
intentions méconnues.
Ce silence, auquel le ministère doiis condamne,
notre droit et notre devoir sont de le rompre, en
nous adressant directement votre conscience et
votre raison.
Nous avious résolu, dès le mois de juin dernier,
de poser, b l'ouverture de la session, un acte en
rapport avec les antécédeuls de l'opinion conser
vatrice, qui a toujours su faire de patriotiques
sacrifices, quand les intérêts élevés du pays les
réclamaient.
Le Roi Léopold, dans la lettre du i3 juin,
indiquait la majorité de la Chambre la noble
position quelle avait prendre. Je lui donne
le conseil, disait le Roi, de renoncer, comme le
ministère lui en fera la proposition, b continuer
la discussion de la loi. La majorité donnera au
monde une haute idée de sa sagesse et de son
patriotisme.
Ce cooseil, donné par une bouche auguste et
toujours respectée, uous étions décidés le suivre
et le pays ne l'a pas ignoré. A la proposition
d'ajournement que le cabinet précédent aurait
faite b la majorité, la majorité aurait répondu par
la demande du retrait formel d'une loi travestie
dans son but et son caractère, mais qui était devenue
une arme aux mains de passions dangereuses et un
prétexte pour entretenir l'agitation d'une partie du
pays.
Le ministère ne nous a donc pas permis d'accep
ter la noble position qne S. M. nous conseillait de
prendre, et de poser l'acte qu'elle avait réclamé de
notre sagesse et de notre patriotisme; il conserve
l'arme et le prétexte; il ferme la tribune parlemen
taire en laissant le doute et l'erreur interpréter
notre silence forcé. Il permet ainsi quela dissolution
de la Chambre repose sur une équivoque et que
l'égarement politique préside aux élections géné
rales.
Ce n'est pas que la majorité ait une rétractation
ou un désaveu faire. Tous les hommes éclairés et
impartiaux savent que la loi a été conçue exclusi
vement en faveur des pauvres et non pour ressus
citer des privilèges impossibles dn passé.
Le Roi, qui a témoigné de la grande loyauté et
de l'entière bonne joi du ministère qui a présenté
la loi, en son nom, a déclaré qu'i/ n'aurait jamais
consenti donner place, dans notre législation,
une loi qui aurait eu les funestes effets qu'on
redoute.
A ce haut témoignage, que personne n'osera
récuser, nous a vous le dioit d'associer celui que nous
poitons sur nos propres intentions, en déclaraut,
forts des antécédents de notre vie politique, que
nous aurions repoussé une loi qui aurait eu le
caractère que les passions lui ont prêté.
Il est impossible désormais de le contester: les
principes de cette loi, conformes aux maximes
fondamentales du droit et aux traditions de
[histoire, sont admis et pratiqués par presque
tous les États civilisés de l'Europe chrétienne.
On ne peut plus le nier depuis l'arrêt de la cour
suprême le projet de loi o'était que la consécra
tion formelle du principe de la législation qui régit
la Belgique depuis un demi-siècle.
Il n'est pas permis de prétendredésormais qu'une
loi en harmonie avec les principes des législations
étrangères et avec nos traditions nationales, puisse
être en opposition avec le droit et la civilisation
modernes. L'ignorance seule peut le croire, et la
passion seule peut l'affirmer.
Nous avons donc le droit d'affirmer a notre tour
que celte loi, cause factice d'agitation et prétexte
d'opposition, n'avait rien qui justifiât la résis
tance quelle a rencontréeles orages qu elle a
soulevés, et les colères qui l'ont accueillie.
Mais nous savons aussi qu'il est des émulions
contagieuses avec lesquelles il est quelquefois
plus sage de transiger que de raisonner. En
prenant la résolution de demander le retrait de la
loi, c'est celte transaction que nous avons acceptée
et qui devient une force quiélève au lieu d'être une
faiblesse qui humilie.
Au-dessus de la loi sur les fondations charitables
qui a disparu, il y a la situation. On pouvait ne pas
s'entendre sur la loi; on aurait du s'entendre sur
celte situation, sur l'autorité des lois et des pouvoirs
a maintenir, ou plutôt relever, sur le respect des
majorités b rétablir, sur le grand échec du pouvoir
légal et de la liberté constitutionnelle a réparer,
sur la Constitution h défendre, sur notre renom de
sagesse h soutenir, sur les périls b conjurer.
Une loi votée par une majorité régulière et con
sidérable est déchirée dans la rue l'émeute poursuit
cette majorité de ses outrages, après avoir ébiaulé
la tribune parlementaire; b l'agitation de la place
publique succède l'agitation entretenue par les
adresses de quelques conseils communaux; 110
arrêté royal destiné b conserver b l'armée ses
droits et sa force et b remettre en honneur les
principes d'ordre public imprudemment contestés,
est dénoncé aux préjugés de l'opioioD. On alimente
partout les défiances, les mensonges qui irritent, la
fièvre qui égare, au moment même où le Roi,
s'adressant au pays troublé, recommande b tous le
calme, la prudeuce et la modération. Cette majo
rité menacée par la force, la dissolution la disperse,
et cette dissolution, c'est la minorité qui s'en
empare.
La majorité que l'on traduit comme un accusé
devant l'opinion, on prétend qu'elle est factice et
ne représente pas le pays. Voyons comment la
majorité conservatrice s'est formée, comment elle
a grandi et b quels moyens extrêmes l'opposition
doit recourir pour essayer de la vaincre.
Lorsque eu 1847, nos adversaires sont arrivés
au pouvoir, ils ont usé, avec une persévérante
énergie, de tous les moyens politiques qui leur
paraissaient de nature b fixer la suprématie de leur
opinion; des destitutions jusqu'alors iuusitées et
que les conservateurs n'ont pas imitées, la réforme
électorale détruisant sans compensation l'équilibre
établi par le Congrès, la réforme parlementaire, la
dissolution des Chambres et le renouvellement des
administrations et des conseils communaux au
milieu des préoccupations liées des dangers exté
rieurs, plus tard la dissolution du Sénat, la loi
décrétant d'immenses travaux publics, une vaste
organisation électorale combinant sou action avec
l'organisation administrative, une constante pres
sion exercée sur tous les ressorts du gouvernement
parlementaire...
Malgré tant et de si fortes précautions ptises
contre l'avèuement d'une majorité nouvelle, les
conservateurs revinrent au pouvoir, en quelques
années, par le seul mouvement de l'opinion publi
que, par des élections successives et régulières,
naturellement, sans secousses, sans surprises, sans
dissolution et sans violences.
Jamais majorité parlementaire n'eut une origine
plus légitime, plus constitutionnelle et ne repré
senta plus fidèlement le pays. Quaod le calme
règne dans les espritsl'opinion conservatrice
s'élève et grandit, parce qu'elle vit de calme et
s'adresse b la raison du pays. Quand l'agitation est
soulevée et que les populations sont troublées,
l'opposition naturellement triomphe, parce qu'elle
s'adresse aux passions et qu'elle en vit.
Cette majorité, constitutionnelle dans son origine
et sa formation, et modérée dans sa conduite, par
quels moyens, s'ils réussissaient, serait-elle ren
versée?
Le ministère, en imposant la dissolution immé
diate comme une condition de son avènement,
en a pris tonte la responsabilité. La dissolution,
que la gauche seule a toujours faite depuis i83t,
et doot la droite n'a jamais eu besoin, est destinée,
dans des cas extrêmes, b rétablir l'équilibre entre
les pouvoirs, et ne doit jamais servir b le rompre;
elle est une arme réservée b la Royauté, libre aux
yeux de tous, et non un instrument b l'usage d'un
parti pour vaincre l'autre.
Le cabinet du 9 novembre applique un système
électoral injuste dans des conditions plus injustes
encore; il fait un appel au pays eu ouvrant des
élections générales b une époque où l'accès de
l'urne électorale est difficile et souvent impossible
aux populations rurales. La loi électorale de i848,
c'est le privilège organisé contre les campagnes;
l'appel au pays dans de telles conditions, c'est leur
exclusion.
Uoe dissolution ainsi faite par une minorité, b
l'aide de pareils moyens, avec des chances aussi
inégales, ce n'est plus la pratique loyale et sage des
institutions constitutionnelles, c'en est l'altération
et le renversement; c'est le despotisme des mino
rités érigé en système de gouvernement.
Dans une pareille situation, qu'aucun antécédent
ne justifie, la première pensée que les circonstances
exceptionnelles légitimeraient, est l'abstention
générale et absolue; le refus d'accepter la lotte
dans des conditions auxquelles la sincérité manque,
c'est de compter sur la prompte réaction des con
sciences, qui, en Belgique, peuvent se tromper
quelquefois, mais ne s'égarent pas longtemps; c'est
de s'en remettre b l'avenir du soiD de venger les
injustices du présent.
Cette pensée n'a pas prévalu.
La retraite du parti couservatenr pourrait ame
ner une grave perturbation uationale. Son atta
chement b dos libres institutions, soc inaltérable
dévouement b la Royauté et son amour pour la
nationalité, lui imposent le devoir d'accepter la
lutte électorale, avec les armes inégales qu'on lui
laisse et sa protestation actuelle, qui résistera.
La nationalité belge repose sur trois forces con
servatrices les institutions constitutionnelles le
catholicisme et la Royauté. La Belgique est libre
par ses institutions, elle est catholique par soo
caractère, son histoire et ses mœurs, elle est monar
chique par sou attachement inviolableau souverain.
Si l'une de ces forces nationales venait b faiblir,
si l'une de ces bases de notre indépendance natio
nale venait b être ébranlée ou ruinée, si la liberté
belge perdait ce caractère chrétien qui en est le
soutien et le salut, l'œuvre de i83o serait profon
dément altérée, et le pays courrait vers les écueils
où la liberté politique de tant de peuples a échoué.
Quel que soit le sort que l'avenir réserve aux
partis en Belgique, l'opinion conservatrice main
tiendra son caractère et les traditions nationales.
Elle restera au service de la cause belge, de la cause
de la Constitution de la ReligioD et de la Royauté.
Adopté b la réunioD du i3 novembre 1857.
Les délégués Comte de Theux.
Comte de Muelenaere.
A. Dechamps.
J. Malou.
De Naeyer.
Comte de Liedbkerke.