FRANCE. Paris, 18 janvier.
Ouverture de la session du Sénat et du Corps
législatif de France.
L'ouverture de la sessioo législative a eu lieu
aujourd'hui, i heure,aox Tuileries. Voici le texte
du discours prononcé par S. M. l'empereur
Messieurs l« .séualeurs, messieurs les députés,
a Tous les ans, b l'époque de la réunion des
Chambres, je vous rends compte de ce qui s'est
s'est fait pendant votre absence, et je demande
votre concours pour les mesures b prendre.
Depuis l'année dernière, le gouvernement a
suivi sa marche progressive et régulière, exempte
de toute vaine ostentation. On a souvent prétendu
que, pour gouverner la France, il fallait sans cesse
donner comme aliment l'esprit public quelque
grand incident théâtral. Je crois, au contraire, qu'il
suffit de chercher exclusivement h faire le bien
pour mériter la confiaoce du pays.
L'action du gouvernement s'est donc simple
ment bornée b faire ce qu'il y avait de plus utile,
suivant les circonstances, dans les branches diverses
de l'administration.
Dans l'intérêt de l'agriculture, l'exportation et
la distillation des grains ont été autorisées de nou
veau, et l'appui de la Banque est venu donner de la
force au crédit foncier. Les landes commencent h se
défricher.
Dans les travaux publics, les résultats les plus
importants sont
i,53o kilomètres de chemins de fer livrés, en
1857, b la circulation; 2,600 kilomètres nouveaux
concédés; des routes nouvelles créées; le bassin b
flot de Saint-Nazaire et le canal de Caen b la mer
ouvertsa la navigation des études sérieuses termi
nées pour prévenir le fléau des inondations;
l'amélioration de nos ports; et, entre antres, du
Havre, de Marseille, de Toulon, de Bayonne; au
nord et b l'est de la France, l'exploitation de nou
velles richesses houillères; b Paris, l'inauguration
du Louvre et de l'asile de Viocennes; enfin dans
la capitale comme b Lyon, des quartiers ouverts,
pour la première fois, depois des siècles, b l'air et b
la lumière, et sur toute la France, les édifices
religieux se construisant b nouveau ou se relevant
de leurs ruines.
L'instruction doonée par l'État se développe
b côté de l'enseignement libre, loyalement protégé.
En 1857, le nombre des élèves des lycées s'est
accru de i,5oo. L'enseignement, redevenu plus
religieux et plus moral, se relève avec une tendance
vers les saines humanités et les sciences utiles. Le
collège de France a été réorganisé; l'instruction
primaire se répand avec succès. La volonté du
gouvernement est que le principe de la liberté des
cultes soit siocèrement appliqué, sans oublier que
la religion catholique est celle de la grande majorité
des Français. Aussi cette religion n'a jamais été ni
plus respectée ni plus libre. Les conciles provin
ciaux s'assemblent sans entraves, et les évêques
jouissent en toute plénitude de l'exercice de leur
saint ministère. Les cultes luthérien et réformé,
ainsi que les israélites, participent dans une juste
proportion aux subventions de l'État et en sont
également protégés.
L'accroissement de valeur de toutes choses
nous a obligés, dès l'année dernière, b augmenter
les appointements attachés aux fonctions les moins
rétribuées. L'ordinaire du soldat a été amélioré, et
la solde des officiers de grades inférieurs augmentée.
Le budget de i85g élève le traitement des desser
vants, celui des professeurs et des instituteurs,
enfin, celui des juges de paix.
Parmi les mesures d'assistance, je signalerai la
propagation des Sociétés de secours mutuels daDS
les campagnes, celle des médecins cantonaux; dans
les villes, l'établissement des fourneaux économi
ques.
a Un million a été distribué pour venir en aide
aox populations le plus gravement atteintes par
l'interrnption accidentelle du travail.
Le budget de 185g, qui vous sera présenté, se
soldera par un excédaut de recettes, et i action de
l'amortissement pourra être rétablie, le grand livre
fermé, la réduction de la dette flottante assure'e.
Le commerce a éprouvé en dernier lieu des
souffrances et un temps d'arrêt mais la fermeté de
son attitude au milieu d'une crise, pour ainsi dire
universelle, est aux yeux de tous un honneur pour
la France, et justifie les principes économiques
conseillés par le gouvernement en matière de com
merce, de fioance et de crédit.
L'accroissement des revenus directs et indirects
pendant l'année qui vient de finir a été de trente
millions.
Parmi les divers projets de loi d'intérêt général
qui vous seront soumis, j'indiquerai une loi sur
les patentes, qui dégrève les petits contribuables;
un nouveau Code militaire de la marine; une
proposition d'affecter les vingt millions qui restent
des emprunts b l'achèvement des travaux destinés
b mettre des villes b l'abri des inondations.
L'Algérie, reliée b la France par le fil électri
que, a vu nos troupes se couvrir d'une nouvelle
gloire par la soumission de la Kabylie. Cette
expédition, habilement conduite et vigoureusement
exécutée, a complété notre domination.
L'armée, qui n'a plus d'ennemis b combattre,
aura b lutter contre des difficultés nouvelles, eu
ouvrant des voies ferrées, si nécessaires au déve
loppement de la prospérité de notre colonie. En
France, l'armée trouvera dans le camp de Cbâlons
une grande école qui maintiendra, b la hauteur où
ils sont élevés, l'espiit et l'instruction militaires.
L'empereur Napoléon avait légué b ses anciens
compagnons de gloire son domaine privé et son
domaine extraordinaire. L'État les a absorbés sous
la Restauration. C'est pour exécuter en quelque
sorte ce legs pieux que vous avez voté, d'une part
une somme de 8 millions, et de l'autre, près de 3
millions de secours annuels pour les anciens mili
taires. Néanmoins, j'ai voulu qu'une médaille vînt
rappeler, b tous ceux qui avaient servi dans nos
armées, la dernière pensée de leur ancien chef.
Plus de trois cent raille hommes, en France et b
l'étranger, ont demandé celte médaille, souvenir de
l'époque impériale, et, en la recevant, ils ont pu se
dire avec fierté Et moi aussi, je faisais partie
de la grande armée paroles que l'empereur b
Austeditz avait raison de leur montrer dans l'avenir
comme un titre de noblesse.
Notre marine, dont les arsenaux sont occupés
aux transformations si nécessaires de la flotte,
maintient sur toutes les mers l'honneur de notre
drapeau. En Chine, elle lotte de concert avec la
flotte auglaise pour obtenir le redressement de
griefs communs et pour venger le sang de nos
missionnaires cruellement massacrés.
Les relations de la Fraoce avec les puissances
étrangères n'ont jamais été meilleures; nos anciens
alliés, fidèles aux sentiments nés d'une cause
commune, nous témoignent la même confiance, et
les nouveaux, par leurs bons procédés, par leur
concours loyal dans toutes les grandes questions,
nous feraient presque regretter de les avoir com
battus. J'ai pu me convaincre, b Osborne comme b
Sîuttgardt, que mon désir de conserver l'intimité
des anciens liens comme celui d'en former de
nouveaux, est partagé également par les chefs de
deux grands empires.
Si la politique de la France est appréciée
comme elle le mérite eu Europe, c'est que nous
avons le bon esprit de ne nous mêler que des ques
tions qui nous intéressent directement, soit comme
nation, soit comme grande puissance européenne;
aussi me suis je gardé de m'immiscer dans la
question des duchés, qui agite aujourd'hui l'Alle
magne, car cette question, purement allemande'
restera telle tant que l'intégrité du Daneinarck ne
sera pas menacée.
Si je me suis occupé, au contraire, de l'affaire
de Neuchàtel, c'est que le roi de Prusse avait
réclamé mes bons offices, et j'ai été heureux, dans
cette occasion, de contribuer b la conclusion défi
nitive d'un différend qui aurait pu devenir dange
reux pour le repos de l'Europe.
A l'égard des Principautés, on s'est étonné de
notre désaccord avec plusieurs de nos alliés; c'est
que la France, dans sa politique désintéressée, a
toujours protégé, autant que les traités le permet
taient, les vœux des populations qui avaient tourné
leurs regards vers elle.
Néanmoins, les conférences qui vont s'ouvrir
b Paris nous verrout apporter un esprit de concilia
tion de nature b atténuer les difficultés inséparables
de la divergence des opinions.
Telle est, messieurs, en résumé, notre situation.
Je pourrais donc terminer ici mon discours; mais je
crois utile, au commencement d'une nouvelle
législature, d'examiner avec vous ce que nous
sommes et ce que nous voulons. Il n'y a que les
causes bien définies, nettement formulées qui créent
des convictions profondes; il n'y a que les drapeaux
hautement déployés qui inspirent des dévouements
sincères.
Qu'est-ce que l'Empire? Est-ce un gouver
nement rétrograde, ennemi des lumières, désireux
de comprimer les élans généreux et d'empêcher
dans le monde le rayonnement pacifique de tout ce
que les grands principes de 8g ont de bon et de
civilisateur?
Non l'Empire a inscrit ces principes en tète
de sa Constitution; il adopte franchement tout ce
qui peut ennoblir les cœurs et exalter les esprits
pour le bien; mais aussi, ennemi de toute théorie
abstraite, il veut un pouvoir fort, capable de
vaincre les obstacles qui arrêteraient sa marche,
car, ne l'oublions pas, la marche de tout pouvoir
nouveau est longtemps une lutte.
i, D'ailleurs, il est une vérité écritebchaque page
de l'histoire de la France et de l'Angleterre, c'est
qu'une liberté sans entraves est impossible tant
qu'il existe dans un pays une fraction obstinée
b méconnaître les bases fondamentales du gouver
nement. Car, alors, la liberté, au lieu d'éclairer, de
contrôler, d'améliorer, n'est plus, dans la main des
partis, qu'une arme pour renverser.
a Aussi, comme je n'ai pas accepté le pouvoir de
la nation dans le but d'acquérir celle popularité
éphémère, prix trompeur de concessions arrachées
b la faiblesse, mais enfin de mériter un jour l'appro
bation de la postérité en fondant en France quelque
chose de durable, je ne crains pas de vous le
déclarer aujourd'hui le danger, quoi qu'on dise,
n'est pas dans les prérogatives excessives du pou
voir, mais plutôt dans 1 absence de lois répressives.
Ainsi, les dernieres élections, malgré leur résultat
satisfaisant, ont ofTert en certains lieux un affligeant
spectacle; les partis hostiles en ont profité pour
agiter le pays, et on a vu quelques hommes,
s avouant hautement ennemis des institutions na
tionales, tromper les électeurs par de fausses pro
messes, et, après avoir brigué leurs suffrages, les
rejeter ensuite avec dédain. Vous ne permettrez pas
qu'un tel scandale se renouvelle, et vous obligerez
tout éligible b prêter serment b la Constitution
avant de se porter candidat.
La pacification des esprits devant être le bot
constant de nos efforts, vous m'aiderez b rechercher
les moyens de réduire au silence les oppositions
extrêmes et factieuses.
En effet, n'est-il pas pénible, dans un pays
calme, prospère, respecté en Europe, de voir, d'un
côté, des personnes décrier un gouvernement auquel
elles doivent la sécurité dont elles jouissent, tandis
que d autres ne profitent du libre exercice de leurs