41 me Année.
Mercredi 24 Mars 1858.
7 P B. 33 S 24 MARS.
LE PROPAGATEUR
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN,
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR
TROIS MOIS.
FOI CATIIOLIQUE.
CONSTITUTION BELGE.
POUR LE DEHORS FR. 7-50 PAU
AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
POUR 5 MOIS.
REVUE POLITIQUE.
Quelque soit la courtoisie qui préside aux
relations diplomatiques et gouvernementales
de VAngleterre et de la France, l'irritation des
esprits des deux cotés du détroit ne promet rien
de bon pour le maintien de l'alliance. La presse
britannique, celle au moins qui se fait l'écho
des passions en effervescence, affiche envers la
France et son gouvernement un langage inju
rieux et agressiftandis que les coups de
langue de la presse française Vadresse d'une
rivale abhorrée, joints ces airs de supériorité
qu'on affectionne tant de ce coté du détroit,
enveniment encore les susceptibilités orgueil-
leuses de la vieille Angleterre. Qu'une compli
cation nouvelle vienne provoquer l'irascibilité
britannique, et le ministère Derby, malgré ses
bonnes intentionsne sera de force, non plus
qu'aucune autre administration, réprimer
le déchaînement de l'opinion publique. D'autre
part, le chef du gouvernement français a trop
bien conscience de ce besoin d'agitation quand
même, de cette soif de combats et de gloire
inhérente au caractère français, pour ne point
accepter la lutte une fois que l'honneur national,
le cri de l'opinion, les intérêts et le prestige de
la dynastie lui en feraient un devoir.
Dans le Piémont, les justes réclamations de
la France, malgré l'appui du cabinet Cavour,
rencontrent des répugnances moins avouables
encore. Là il s'agit d'obtenir de la révolution
qui domine la Chambre le sacrifice des enfants
perdus qui la compromettent au dehors; il faut
qu'après avoir laissé glorifier l'assassinat
tenté contre le roi de Naples, M. de Cavour le
fasse condamner quand il est dirigé contre
SOUVENIRS INTIMES DU TEMPS D'ABD-EL-KADER.
I.
La comédie «ans pain.
J'ai souvent entendu des personnes qui lisaient
l'histoire des campagnes d'Afrique s'écrier de la
meilleure fol du monde
Allons, nos soldats ne sont pas trop malheu
reux; ils jouent la comédie.
Et ces dignes lecteurs ne songeaient pas aux
souffrances des acteurs, forcés parfois de remplir
des rôles de gastronomes sans savoir s'ils trouve
raient après la représentation de quoi vivre jus
qu'au leodemaio. Et cependant rien n'est plus vrai.
La première garnison de Tlemceu, la ville aux
frais ombrages, la ville des eaux pures et bienfai
santes, cette première garnison, commandée par le
capitaine Cavaignac, n'avait plus rien manger;
mais elle avait une troupe d'artistes qui ne fit
jamais relâche, au plus fort de la disette et du
danger. C est que le chef des cinq cents hommes
laissés en 1856 par le maréchal Clausel pour
garder la nouvelle et riche conquête de la France
comprenait bien toute la force de la puissance
morale sur le soldat français; aussi fut-il le pre
mier encourager les essais dramatiques de ses
artistes amateurs, qui eurent l'honneur de donner
nne représentation solennelle devant le général
l'empereur des Français. Ces contradictions
flagrantesobserve avec raison une correspon
dance, rendent sa position très-difficile. La
conscience publique et la perversité révolution
naire se rencontrent ici pour ne pas reconnaître
ces distinctions sophistiques entre deux faits
de même nature. La conscience publique ré
prouve indistinctement tous les assassinats, et
la révolution les approuve en bloc. Le seul
sentiment sur lequel M. de Cavour puisse
compter pour faire voter la loi, c'est la peur
qu'inspire la puissance de la France. Si la lui
est votée, ce sera par la peur et l'hypocrisie.
Quoiqu'il en soit la cour de Gênes vient de
porter un verdict contre les émeutiers du mois
de juin dernier; elle a prononcé vingt-huit
condamnations aux travaux forcés pour un
terme variant de 7 20 années. Mazzini et
cinq autres contumaces ont été condamnés la
peine de mort.
Une dépêche télégraphique annonce que
Wait, l'un des mécaniciens anglais du Cagliari,
vient d'être relâché par la justice napolitaine.
Une autre dépêche promet la libération très-
prochaine de Partes, le second mécanicien.
Ainsi le gouvernement anglais ne tardera pas
se trouver désintéressé dans la question du
Cagliari.
Les dernières nouvelles de l'Inde ne rap
portent aucun fait bien intéressant ou décisif.
Dans la séance des Communes du 18, il a
été reconnu que les cruautés, mises la charge
des cipayes n'avaient pas été prouvées; de
l'autre, on a plaidé pour les soldats européens
les circonstances atténuantes de l'état dans
lequel se trouvait le pays,
Le remplacement de M. Piélri la préfec
ture de police par M. Boitellepréfet de
V Yonne et personnage peu près inconnu chez
Bugeaud, alors général de brigade, et le vénérable
Mustapha-Ben-Ismael, le plus fidèle allié de la
France, le plus redoutable ennemi d'Abd-el-
Kader, après nos soldats.
Mais avant d'arriver cette merveilleuse repré
sentation donnée devant quatre mille spectateurs
dans la salle la plus splendide du monde, car elle
avait le ciel pour plafond, pour lustre le disque
brillant de la lune, et pour girandoles des millions
d'étoiles, je vais de mon mieux remplir pour un
instant le rôle d'historien, ne fût-ce que pour
prouver aux anciens d'Afrique que mes récits sont
des histoires réelles, dont il reste, hélas! peut être
bien peu de témoins.
Que le lecteur ne s'effraie pas; je ne veux faire
ni stratégieni statistique; je dois seulement
la mise en scène histoiique de mes souvenirs.
Lorsque l'armée, commandée par le maréchal
Clausel, dut quitter, au mois de janvier 1836, la
ville de TIemcen, nouvellement occupée, comme
je l'ai dit tout l'heure, un appel fut fait aux
hommes de bonne volonté pour composer une
garuisoo capable de tenir tête toutes les forces
d'Abd-el-Kader, qui ne manquerait pas de vouloir
repreudre l'importante cité ravie a son ambition,
aussitôt que la colonne expéditionnaire serait
rentrée dans ses différentes garnisons.
nos voisins, ainsi que la démission offerte par
M. de Persignyambassadeur Londres
donnent lieu bien des hypothèses. On nous
dispensera de descendre sur le terrain mouvant
de ces divagations souvent sans portée. Déjà
l'on parle de la retraite de M. IValewski du
ministère des affaires étrangères, et même de
Ventrée plus ou moins prochaine de M. de
Persigny au département de l'intérieur.
Aux termes des nouvelles instructions éma
nées du gouvernement moscovite, la grande
œuvre de l'émancipation des serfs doit rejwser
sur des principes, qui garantissent en même
temps la propriété foncière du seigneur et les
moyens d'existence du paysan. En ce qui con
cerne l'indemnité payer par le paysan pour
le rachat de sa ferme et de son jardin, la durée
de la période de transition ne doit dépasser en
aucun cas l'espace de douze ans. Les paysans
pourront rester grevés d'obligations pécuniaires
comme des débiteurs ordinaires, même après
avoir acquis tous les droits personnels mais
ils ne pourront devenir propriétaires complets
de leur ferme qu'après avoir payé toute la
somme du rachat.
Tandis que la Porte expédie de nouvelles
troupes dans la Bosnie et l'Herzégovine et
prépare une attaque contre le Monténégro, les
puissances signataires du traité de Paris lui
rappellent énergiquement les engagements
qu elle a pris d'améliorer le sort des popula
tions ehrétienneset qui jusqu'à présent sont
restés lettre morte. Il est également probable
que L'Autriche et la France interviendront
diplomatiquement entre la Turquie et le
Monténégro.
Les hommes qui sout remontés au pouvoir,
travers l'émeute, subissent immédiatement la peine
Le maréchal Clausel demandait cinq cents
hommes; il lui fallut les choisir au milieu de deux
mille. Le capitaine Cavaignac s'offrit pour com
mander ces cinq cents braves qui s'installèrent au
Méchouar, enceinte fortifiée placée l'extrémité
orientale de la ville, de façon la maîtriser et la
défendre.
Les silos et les matamores (magasins de grains)
découverts autour de TIemcen furent vidés pour
former l'approvisionnement de la garnison et
l'armée reprit la route d'Oran, croyant laisser
pour longtemps l'abri du besoin de la petite
tronpe, qui dut bientôt, afin de pourvoir sa
subsistance déployer toutes les ruses de l'Indien
affamé.
Comme l'avait si bien préjugé le maréchal
Clausel, k peine l'armée s'était-elle éloignée d'une
journée de marche de TIemcen, que le doute ne
fut plus permis sur les intentions des Arabes. Peu
a peu la garnison se vit resserrée dans la place, et
deux mois ne s'étaient pas écoulés, que le com
mandant s'aperçut d'un déficit considérable dans
les vivres laissés pour la subsistance de ses cinq
cents enfants perdus. Un convoi devait bien partir
d'Oran pour venir prochainement ravitailler la
garnison; mais nne partie des troupes expédition
naires, composés de détachements pris dans les