41me Année.
Mercredi SI Mars 1858.
No 4,226.
PROPAGAT
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AI*,
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR
TROIS MOIS.
FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE.
POUR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
POUR 5 MOIS.
7PF.3S, 31 MARS.
REVUE POLITIQUE.
Il est fort difficile, en pre'seoce des appréciations
contradictoires qui ont conrs, de se faire une idée
bien nette des dispositions présumées de l'opinion
publique en Angleterre, au sujet de la nomination
du maréchal Pélissier au poste d'ambassadeur de
France. La nation britannique verra-t-elle une
gracieusité son adresse, et noo pas une menace,
dans ce choix d'un homme en qui s'identifie pour
ainsi dire la gloire des armes françaises en Crimée,
souvenir toujours importun b l'orgueilleuse Angle
terre qui durant tout le cours de la guerre remplit
un rôle subalterne et se trouva reléguée au second
plan? Accueillera-t-clle donc le vainqueur de
Malakoff, sansarrière-pensée d'aucune sorte,comme
un frère d'armes; ou ne verra-t-elle en lui qu'un
émule du piince Mentschikoff, chargé de l'aplatir
dans ses velléités d'indépendance?
Sans doute UDe rupture ouverte n'est aucune
ment b craindre en ce moment; mais l'alliance
u'existe plus qu'b l'état de souvenir historique.
Le bill des Indes a été présenté par M. d'Israéli
et les Communes en ont autorisé la première lecture.
Les dernières dépêches anooncent que sir Colin
Campbell et les généraux Outram et Frauks ont
pris position devant Luckuow, le 6 mars, avec une
force de 60,000 hommes et 120 canons. On ne
parait pas douter de leur succès, malgré le grand
nombre des insurgés et leurs fortifications, qui sont
très-considérables et, dit-on, bien armées. Mais si
sir Campbell échouait, il n'est pas improbable que
l'insurrection recommencerait plus sérieuse que
jamais.
La soif de vengeance est grande dans les rangs
de l'armée britannique. Du sang! du sang, écrit
un de leurs officiers, c'est le cri général. Mais, dit
l'Univers, s'ils veulent continuer lesystème d'égor-
geraen: qu'ils ont mis en œuvre dès le début, ils ne
cherchent plus b l'excuser en invoquant les atrocités
SOUVENIRS INTIMES DU TEMPS D'ABD-EL-KADER.
III
La représentation.
(Suite. Voir le u» 4.,a4 du Propagateur.)
Aprèscioq mois d'isolement complet, la garnison
de Tlemcen eut le bonheur d'apprendre la pro
chaine arrivée du général Bugeaud, débarqué b
l'embouchure de la Tafoa avec trois régiments
venus directement de Frauce sous son commande
ment pour débloquer une colonne expéditionnaire
partie d'Oran au mois d'avril 1836.
L'histoire de cette colonne, forcée d'attendre,
au milieu des plus cruelles souffrances, b cent lieues
d Alger et b quinze lieues d'Oran, des secours de
la mère-patrie, est bien triste; mais je n'ai pas b la
raconter ici et je reviens b mes artistes, dont la joie
ne reconout plus de bornes, lorsque, vers la fin de
juio, ils virent du haut de leurs remparts les tribus
arabes lever leurs tentes avec une précipitation de
bon augure en faveur de l'heureuse nouvelle.
Un corps d armée, composé de six mille hommes, i
escortant un immense convoi, s'était effectivement
commises par les vils cipayes. Ils tuent parce
qu'ils trouvent bon de tuer, et qu'ils ne peuvent
pardonner aux Indiens de pousser l'audace jusqu'b
se battre contre leurs maîtres.
Dans les lettres même où ils énumèrent com-
plaisamment le nombre de leurs victimes, ils con
statent, avec surprise et indignation, que les révoltés
oot osé mettre b mort quelques officiers ou soldats
anglais.Néanmoins quelques voix protestent,même
en Angleterre, contre ces fureurs qu'on a d'abord
données comme de légitimes représailles. Un mem
bre du Parlement, M. Rich, a démontré, pièces en
main, qu'on avait singulièrement exagéré les
violences des cipayes. Ces récits de femmes et
d'enfants massacrés, ont parcouru le pays, a-t-il
dit, avec la rapidité de l'étincelle électrique, et les
esprits les plus modérés croyaient qu'il y avait au
moins quelque chose au fond de tout cela. Et
cependaut les membres du comité chargé de distri
buer des secours aux familles anglaises éprouvées
par les malheureux événements de l'Inde ont
déclaré qu'il leur avait été impossible de constater
un seul exemple d'une femme qui aurait été
mutilée.
Quant aux représailles des troupes anglaises,
nous les avons connu par les Aoglais eux-mêmes.
Les pièces citées b leur charge sont des actes officiels,
des instructions générales, de prétendus jugements
et leur propre correspondance. Tout au contraire
nous ne connaissons rien des Indiens par une voie
sûre. Pour juger leurs actes et leur position, nous
n'avons que des renseignements de source anglaise.
«Les Anglais, observe encoreUnivers, justifient
nos reproches en essayant d'établir qu'ils n'ont pas
été plus sanguinaires que les révoltés, barbares et
païens, qui défendent contre eux leur nationalité.
Ces raisons peuvent être valables près des lecteurs
du Times et des libéraux français; mais tout esprit
droit ne verra Ib qu'une preuve nouvelle du despo
tisme dout les Aoglais ont fait preuve partout, a
Aussi les lettres qui arrivent de l'armée anglaise
révèlent-elles presque toutes un même sentiment,
mis en route d'Oran pour Tlemcenet si les cinq
cents hommes du capitaine Cavaignac attendaient
avec une vive impatience la venue de leurs libéra
teurs ceux-ci n'étaient pas moins empressés de
revoir leurs amis, qu'ils croyaient réduits b l'état
de squelettes, faute de uourriiure, et de sauvages
faute de vêlements.
Oo comptait alors cinq journées de marche
d'Oran a Tlemcen, ou, pour mieux dire, la colonne
commandée par le général Bugeaud mit cinq jours
pour franchir les trente lieues qui séparent ces
deux villes.
A mesure quel'on avançait,l'inqoiétudesemblait
augmenter. Des br uits sinistres a vaieut fréquemment
couru sur la courageuse garnison, et bien des amis
craignaient d'arriver trop tard.jEnfin on découvre la
chaitte de collines verdoyantesaux flancsdesquelles
sont groupées les maisons de la ville, dont la blan
cheur parait plus éclatante que jamais aux rayons
de l'ardent soleil qui s'était levé pour éclairer le
beau jour de la réunion.
On distiogue bientôt les minarets des mosquées,
mais on est encore trop éloigné pour apercevoir le
drapeau de la France qui doit être arboré b leur
une pensée de meurtre et de carnage. Remarque
sinistre! «depuis dix mois, dit un membre du
Parlement (sir Rawhinson), depuis dix mois, l'ar
mée anglaise a eu plus de cinquante combats contre
au moins cent mille hommes, et elle n'a pas, b
l'heure qu'il est, un seul prisonnierLes officiers
disent d'ailleurs tout haut et écrivent qu'ils ne
font nul cas des proclamations du gouverneur
général, cherchant b calmer leurs fureurs, ou de
toute autre chose analogue.
Des vexations d'une toute autre nature, quoique
non moins intolérables, pèsent toujours sur la
Pologne euchaînée. Les nouvelles de Russie
venant de diverses sources attestent toutes, depuis
plusieurs mois, la persistance que met le gouver
nement russe b vouloir détruire les restes du culte
catholique grec-uni en Pologne, pour l'assimiler
au schisme. L'œuvre de l'astuce et de la cruauté
n'est point interrompue aujourd'hui, quoique dis
simulée sous des formes plus modérées. On dit
cependant que l'empereur Alexandre n'a aucune
connaissance de ces actes de mauvaise foi et d'io-
tolérance et qu'ils s'accomplissent contrairement b
sa volonté.
Le ministère de mai - novembre est serré de près,
b l'intérieur, par la faction de l'émeute, b l'exté
rieur, par la plus haute et la plus puissante person
nification de l'ordre. La souplesse et l'hypocrisie
ne lui coûtent rien lorsqu'il s'agit de conserver
des portefeuilles; et les hommes, qui accusent
faussement les conservateurs de placer l'intérêt de
leur parti au-dessus de la diguité nationale, sauront
bien colorer de quelque fausse nuance de patrio
tisme les garanties les plus sévères que l'on
exigerait de leur suspecte modération.
Mais comment se tiieront-ils d'embarras b
l'égard de ceux qui leur ont frayé le passage au
pouvoir. Voyez-vous s'élever autour du triumvirat
Rogier-Frère-Tesch, ces nuées de dévouements
faméliques? Il n'y a pas moyen de satisfaire tous
ces appétits, d'autant plus insatiables qu'ils ont
sommet. L'armée franchit un dernier pli de terrain
et l'antique forêt d'oliviers laisse apercevoir ses
fraîches profondeurs, qui promettent un si doux
repos aux pauvres jeunes soldats affrontant pour la
première fois la température de feu dont ils sont
enveloppés.
Mais quelle est cette troupe si régulièrement
alignée qui semble placée devant les bienfaisants
ombrages comme pour en défendre l'accès?
Les coiffures, les vêtements des hommes qui la
composent sont inconnus, et si le faible souffle de
la brise ne faisait flotter au-dessus de leurs têtes les
couleurs françaises, on aurait peine b reconnaître
les braves dont le sort inspirait tant d'inquiétude.
Quelques minutes encore, et le doute ne sera
plus permis. Le capitaine Cavaignac, accompagné
des chefs indigènes de Tlemcen, vient au galop
saluer le général Bugeaud qui marche b la tête de
l'armée libératrice pour inspecter le bataillon, tout
b l'heure inconnu, où se trouve presque au complet
les cinq cents braves choisis il y a cinq mois par le
maréchal Clauzel. La cause de leur changement
d'uniforme est facile b expliquer.
A l'époque où ils prirent garnison b Tlemcen»