41 me Année.
Samedi 12 Juin 1858.
Ko 4,247.
LE PROPAGATEUR
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN,
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR
TROIS MOIS.
FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE.
POUR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
POUR 3 MOIS.
7 7 7.3 S 12 JUIN.
REVUE POLITIQUE.
L'aliénation des biens des hospices, récemment
provoquée en France par une circulaire du ministre
de l'intérieur, est venue alimenter la polémique
de la presse française. LAmi de la Religion
observe au sujet de cette mesure que la sécurité
du patrimoine des pauvres est dans la conservation
de la propriété immobilière. A l'exception d'un
petit nombre de propriétaires qui, leurs risques
et périls, convertissent en rentes la totalité de leur
fortune immobilière, les particuliers eux-mêmes
estiment toujours que leur richesse a une sauve
garde plus solide dans la possession des immeubles.
Or, ce principe de sens commun cette règle
éminemment tutélaire ne doivent-ils pas être
appliqués avant tout aux biens hospitaliers? Ce
sont en effet des institutions ayant pour caractère
essentiel la permanence, la perpétuité, parce que
telle est l'intention des donateurs et que toujours il
y aura dans les sociétés humaines de nombreuses
misères soulager. Or, s'il est un ordre de pro
priété sanctionné par toutes les lois divines et
humaines, s'il en est un dont les produits soient
l'abri des plus inévitables fluctuations c'est celui
de la propriété territoriale, immobilière; et par
conséquent c'est celui-là qui convient essentielle
ment aux établissements de bienfaisance.
Au reste, que peuvent pour soulager efficace
ment l'iudigence et l'infirmité, que peuvent quel
ques combinaisons plus ou moins beureuses?
Qu'on travaille plutôt tarir, par des moyens
intelligents et efficaces les nombreuses sources du
désordre moral qui produisent les maladies et la
misère.
UNE FANTAISIE DE MARÉCHAL DE FRANCE.
II. - f.e repa* de eorp».
(Suite. Voir le nw du Propagateur
Mais le vieux Fritz avait peine fait quelques
pas que la porte du salon s'ouvrit, et que le duc et
la duchesse parurent, bras-dessus bras-dessous,
dans un équipage qui fit une profonde impression
sur les deux officiers du régiment des gardes.
Le maréchal était en grand uniforme de sergent
des gardes-françaises habit bleu de roi avec bran
debourgs blancs retroussés et parements de la
niême couleur; la veste et la culotte de drap blanc;
'es guêtres blanches jusqu'aux genoux, et les sou-
l'ers petites boucles d'argent.
11 portail galamment son chapeau trois cornes
galonné d'argent la main; au ceinturon d'ordon
nance était attachée son épée, et sur sa poitrine se
balançait la croix de Saint-Louis, bellicœ virtutis
prœmium. La main droite du maréchal, appuyée
glorieusement sur la hanche, était armée de la
canne de jonc, marque distinctive du grade de
5ergeot dans le régiment des gardes-françaises.
La maréchale portait une belle robe de soie
gorge de pigeon, la mode de 1787, et tant soit
Pen Lanée et fripée par son séjour dans une com
mode depuis vingt-neuf ans. Un chapeau qu'on
aPpe!ait, toujours en 1787, un pouf, était placé
L'avènement de l'empereur Alexaudre II n'a
point réalisé les espérances des catholiques russes.
Le correspondant de Saint-Pétersbourg du Jour
nal de Bruxelles dit que si la liberté du mal a
fait des progrès en Russie, la liberté du bien reste
toujours également garrotée. On empêche toujours
avec la même sévérité que les Évêques catholiques
correspondent avec le chef de l'Église, et, tandis
qu'on permet aux révolutionnaires de se concerter,
il n'y a pas dans tout l'empire de coin assez libre
pour que les catholiques pussent s'y réunir impu
nément en simple conférence ecclésiastique. On
entend dire de toutes parts que les anciennes
sociétés secrètes se reconstituent et que de nouvelles
se forment. Tout cela se tolère, on laisse faire.
Mais qu'il s'agisse par exemple de se réunir en
association pieuse pour prier, faire des œuvres de
charité, travailler pour les églises pauvres, l'in
stant les mille et un agents du gouvernement sont
là pour tout empêcher. A plus forte raison les
portes des couvents catholiques continuent être
moralement murées. On a parlé de donner la liberté
aux (raskoluiks assemblage d'hommes qui sont
capables de tout. Le parti libéral a poussé forte
ment en ce sens; mais personne n'a parlé de donner
quelque liberté aux catholiques. Au surplus aucune
loi de Nicolas n'a été rapportée; toutes ont autant
devigueurqu'anx plus mauvais joursde la tyrannie.
La grosse affaire de l'Angleterre aujourd'hui est
la question soulevée par les visites que les croiseurs
anglais ont exercées bord de navires américains
dans le golfe du Mexique. On est d'ailleurs très-
disposé, de l'autre côté de la Manche, arranger
l'affaire l'amiable. Les hommes d'État de l'Angle
terre ne défendent que très mollement les officiers
des croisières et semblent ne chercher qu'un pré
texte de les abandonner, tandis que les journaux, le
coquettement sur un chignon poudré. Le cotillon
bleu d'uniforme pour les cantinières et les blan
chisseuses des gardes-françaises, se laissait aper
cevoir par le retroussis de la robe. Un soulier de
peau de chèvre boucles d'argent s'harmoniait
merveilleusement avec cette toilette piquante de
guinguette et de caserne. Au cou de la duchesse
était suspendue une croix d'or attachée par un
large velours noir, et maintenue près du cou par
un cœur d'argeut. La maréchale, sons ce costume
de ses jeunes années, semblait avoir rajeuni de
trente ans; elle était leste, pimpante, rieuse; et le
petit bouquet flétri de muguet, de roses et de
romarin qu'elle tenait la main, bouquet qui,
comme tout le reste, datait de son mariage, donnait
son maintien beaucoup de cette grâce populaire
qui caractérise les délicieux dessins de Wilkie et de
Watteau.
Les deux officiers s'inclinèrent respectueusement,
et Freluquet quitta sou coussin en jappant comme
pour prendre sa part de cette fête de famille.
Mon capitaine, et vous, mon lieutenant, dit
le maréchal, j'ai voulu reculer notre vie tous de
trente ans, et j'ai cherché pour cela l'anniversaire
de mou mariage. Catherine, comme vous voyez,
mes officiers, a les atours du jour de nos noces; mon
capitaine, voilà la belle robe que vous lui avez
donnée; mon lieutenant, reconnaissez-vous cette
croix d'or dont vous lui avez fait don au sortir de
la chapelle de la caserne.
Morning-Post nommément et le Times dont on
connaît les formes altières et les allures agressives,
font l'envi bon marché du droit de visite. Mais
autant l'attitude de l'Angleterre est contenue,
humiliée, autant celle des Etats-Unis est rogue et
menaçante. Un bill présenté au Sénat autorise le
président employer toutes les forces qu'il croira
nécessaires pour prévenir le retour de semblables
outrages et pour obtenir le redressement et la
satisfaction qu'exigent les méfaits déjà accomplis.
Déjà le ministre de la marine a dirigé sur le golfe
du Mexique tous les vaisseaux disponibles.
Rien n'est venu confirmer jusqu'aujourd'hui les
détails sur l'origine des troubles de Candie, que
nous avons dernièrement rapportés quoique sous
toutes réserves. Ou rapporte avec pins d'apparence
de raison la cause de l'insurrection aux impôts
vexatoires prélevés par les fonctionnaires Ottomans
et au despotisme brutal qu'ils font peser sur les
Chrétiens.
A la suite des grands bouleversements de la fin
du siècle dernier, le gouvernement français s'est
chargé de la liquidation des dettes qui étaient dues
par une foule de corporations, d'administrations
provinciales, subalternes ou autres qui se trouvaient
supprimées.
Cette liquidation prescrite par les lois a traîné en
longueur. Un décret de 1808 a déclaré éteiotes
toutes les créances qui n'avaient pas été liquidées
celte époque. Cette disposition du décret de 1808
a été confirmée par la loi budgétaire du i5 février
1810.
Mais la France a été obligée par les traités avec
les puissances alliées de payer uue somme déter
minée pour liquider les créances, les prétentions
Le marquis de Sivry et le comte de Senneterre
étaient confus de ces détails rétrospectifs, que le
maréchal et la ducbesse débitaient avec une fran
chise militaire et un affectueux abandon.
De grâce, monsieur le maréchal, fit le marquis
de Sivry, je vous supplie de vouloir bien...
Mon capitaine, interrompit le vieux guerrier,
je ne suis aujourd'hui ni maréchal ni duc; je ne suis
et ne veux être que le sergent aux gardes, et je ne
souffrirai pas de votre part ni de celle du lieutenant
une autre qualification. Laissez-nous, mes officiers,
ma femme et moi, le plaisir d'être encore
aujourd'hui ce que nous avons été jadis; permettez-
nous, par une heureuse fiction de quelques heures,
de nous reporter l'époque si heureuse de notre
jeunesse, de notre obéissance et de nos plaisirs.
Après une semblable déclaration, il n'y avait
plus matière objections. Les deux gentilshommes
se soumirent et se prêtèrent de la meilleure grâce
du monde cette humble fantaisie de leur amphi
tryon, et le capitaine, marquis de Sivry, donnant la
main la duchesse, le comte de Senneterre tenant
le bras du maréchal, on passa dans la salle manger,
où le vieux Fritz, en uniforme de fifre des gardes-
françaises, fut exclusivement chargé du service de
la table. Freluquet s'était tri.îué aussi de son
coussin du salou sa niche officielle de la salle
manger, et sembla s'associer la joie et au bon
heur de ses maîtres.