42me Année. Samedi 7 Août 1858. l\os 4,262 et 4,263.
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN, P0UR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE. AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
TROIS MOIS. POUR 5 MOIS.
TrP.SS, 7 AOÛT.
REVUE POLITIQUE.
Toutes les correspondances qui arrivent
TOrient sont d'accord pour représenter les
populations musulmanes comme étant dans un
étal d'exaltation fanatique très menaçant
pour les chrétiens. Ceux-ci s'arment de tout
côté, pour repousser une agression annoncée
sur trop de points pour qu'on ne voie dans
ces bruits que les fantômes d'imaginations
effrayées. Le fanatisme turc ne compte plus sur
le divan. Plus le Sultan donne de garanties
la diplomatie européenne, plus il se rapproche
de notre civilisation, moins il a la confiance de
ses sujets musulmans. Ils songent défendre la
supériorité de la race conquérante et donner
satisfaction aux principes sauvages de l'islam,
sans lui, malgré lui, et, s'il le faut, contre lui.
Chaque jour une correspondance nous apporte
la nouvelle d un meurtre ou d'un acte de
violence. A Candie, c'est une bande de 3oo
Turcs qui veulent se précipiter sur les chrétiens,
lorsque l'arrivée du ministre de la police les
arrêtece sont les chrétiens qui demandent
rester sous les armes, comprenant bien que leur
sécurité est attachée h la pointe de leurs bayon-
nettes. Dans la Servie, c'est un Turc qui, dans
la nuit du Kusbarn Baïram s'élance, le sabre
en main, dans une auberge, et tue deux chré
tiens pour sanctifier celte nuit sainte par une
action agréable Mahomet.
Les Monténégrins viennent d'avoir repous -
ser une nouvelle attaque et n'ont pas manqué
d'user de représailles. A Gaza, dans la Pales
tine, les Musulmans s'apprêtaient au massacre
et au pillage, et le pacha de Jérusalem a dû se
porter en toute haie sur cette ville.
On conçoit que la politique s'émeuve d'un
état de choses aussi dangereux pour la sécurité
générale du monde. Trop d'intérêts contradic
toires, trop de puissantes ambitions se trouvent
directement engagés dans la question ottomane
pour qu il n'y ait lieu de redouter que le feu
qui couve au sein de ces populations naturelle
ment inflammables, n'allume une conflagration
européenne.
Au reste, ces préoccupations ne paraissent
point partagées par le Pays, feuille semi offi
cielle du gouvernement français. D'après lui,
un conflit entre les puissances occidentales est
une supposition que rien ne saurait justifier,
Te Pays déclare avoir Joi dans la sagesse et
l intelligence des gouvernements.
En s'exprimant ainsi la feuille impérialiste
o en vue le projet ministériel des fortifications
d A avers, qu il envisage \cquoiqu en termes
voilés] comme un acte de défiance injurieuse
pour la France. La majorité de la presse fran
cise n est d ailleurs guère favorable au projet
'fi cabinet Rogier, tandis que la plupart des
l'uilles britanniques Cont vivement approuvé.
T^oici encore un fait de nature prouver, s'il
en était besoin, que si le portefeuille de l'inté-
jfur est passé du général Espinasse M.
e angle, la direction des affaires n a point
angê chez nos voisins du midi, et que le
ras inflexible qui a coutume de tout diriger
"fit toujours les rênes également tendues. En
e{fet
on assure que le ministre de l'intérieur
ttnt d adresser aux préfets une circulaire par
Quelle défense est faite aux journaux de
uner des détails sur la vie privée de l'Empe
reur, de publier aucune lettre émanant des
membres des anciennes familles royales, et de
critiquer les actes des fonctionnaires publics.
COMME QUOI L'ON EST INDEPENDANT.
Dépendre de Dieu, de ses devoirs, de sa con
science, est line dépendance noble et légitime;
celle dépendance essentielle est même la base de
l'élévation de caractère, de l'indépendance réelle
et digne de l'homme de bien. Lui seul peut dire
Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point
d'autre crainte Lui seul ne connaît d'autre loi que
celle du devoir, qu'il accomplit avec conviction,
dignité et liberté. Devant cette loi du devoir les
passions se taisent et les intérêts passagers s'effa
cent. Ceux-l'a mêmes dont la bouche le raille ou le
blasphème, ne sauraient se défendre de lui porter
estime ou envie.
Tels ne sont pas nos pseudo-libéraux. Ils osent
parler d'indépendance, de liberté, de dignité; a
Ypres moins qu'ailleurs cependant et pour cause;
mais ils n'entendent rien ces nobles qualités de la
créature raisonnable; ils Investissent les notions
qui les rendent et faussent la signification des mots
qui les expriment. Leur indépendance a eux con
siste secouer le joug des lois divines et humaines.
Vous êtes indépendant chez eux, quand vous
n'adorez point un Dieu personnel, Créateur et
Providence du monde, qui commande le bien et
punit le mal; vous êtes indépendant quand vous
perdez la foi et abjurez votre religion pour travailler
dans les loges au temple du grand architecte de
l'Univers; vous êtes indépendant encore, quand
couservant la foi au fond de l'âme, vous avez le
courage de vous moquer en public des dogmes, des
préceptes et du culte catholiques, quand vous
calomniez et baffouez ses ministres, quand vous
osez crier bas les couvents, bas la calotte
vous êtes indépendant alors que vous croyez
fermentent toutes les calomnies, tous les menson
ges et toutes les niaiseries des feuilles libérales;
que vous prenez des déclamations et des phrases
creuses pour des chefs d'oeuvre de bon sens et pour
des démonstrations péremptoiies; quand b l'esta
minet vous vous faites l'écho fidèle de ces pauvretés;
vous êtes indépendant d'esprit et de cœur quand
vous vous croyez être quelque chose comme un
animal perfectionné ou une brute en progrès, qui
ne sachant d'où elle vient ni où elle va, ne
s'inquiétant en rien ni de son âine ni de sa destinée
future, accomplit ici bas les lois de sa nature en
lâchant le frein b tous les instincts dépravés du
cœur et ne connait d'autres lois que l'ambition,
l'intérêt, la passion et le mandat d'arrêt du procu
reur du Roi. C'est alors que vous devenez si libre
que vous ne songerez plus même exercer quelque
empire sur vous-même; alors vous aspirerez vers
l'époque sociale où l'humanité tout entière sera
coulée dans le même moule, et libre elle-même
souffrira que vous soyez libre.
Nos pseudo-libéraux sont encore politiquement
indépendants. Ils veulent bien que les autres
respectent les lois, la moralité politique, la Con
stitution dans sa lettre et son esprit; mais eux, ils
sont indépendants de tout cela; il leur faut le
pouvoir, l'influence, les honneurs. Pour y parvenir
ils ne respecteront rien; on les a vus b l'œuvre b
Ypres et partout ailleurs. Pour conserver l'influence
politique qu'ils ont acquise, fut-ce même en
maniant les fonds d'une administration charitable,
ils se mettront au-dessus de la loi, ils s'en moque
ront ou tout au moins ils l'éluderont pour revenir
au timon des affaires ils fouleront aux pieds le
repos public, la considération du pays, sa Consti
tution et au besoin sa nationalité; l'émeute sera un
moyeu aussi glorieux et aussi av.uable que tout
autre.
Ces indépendants de nouvelle espèce ont cepen
dant aussi leur dépendance sous un gouvernement
absolu vous les verrez lâchement se prosterner
devant un pouvoir despotique; en Belgique ces
pseudo-libéraux sont heureux d'être les plats
valets du Grand-Orient qui lui même descend de
son trépied pour baiser sur les deux joues le
candidat de la démocratie en se pardonnant b
soi même l'opposition qu'il lui avait faite la veille
tandisqrie le ministère baisse pavillon devant les
clubs et leur sacrifie un de ses membres; ces hom
mes acceptent volontiers un mandat impératif
donné par les loges ou les clubs; sans souci de la
vérité ou de la justice, souvent même de l'honneur,
ils obéissent aveuglement aux mots d'ordre; ils
sont, comme b Ypres, honteusement asservis et
réduits au rôle d'instruments lâches entre les mains
d'un chef redouté; publiquement même et en lace
de la ville et du pays, ce chef se vantera de les
dominer et les appellera orgueilleusement les siens;
[moi et les miens); ces indépendants diront le
chapeau b la main Ainsi soit-il et baiseront
humblement la main qui les mène.
Les voila les indépendants modernes! A eux
appartient l'avenir
Inclinons-nous ravis d'admiration, et laissons-
les respectueusement gouverner la ville et le pays.
DÉFAITE DU MINISTÈRE.
A. ocii'ne drt 4 août, la discussion a
continué sur le projet de loi des travaux publics.
La Chambre ayant entendu plusieurs ora
teurs a passé au vote par appel nominal sur la
proposition d.'ajournement qui a été rejetée par
52 voix contre 45; il y a eu 4 abstentions.
Le cabinet croyait encore une victoireles
mines des ministres s'épanouissaient d'aise,
quand il a été procédé au vote par appel nomi
nal sur le i" de l'art, i" du projet. toi
membres y ont pris part5g ont voté pour, 53
ont voté contre et 9 se sont abstenus.
En conséquence le 1" de l'art. 1" n'a pas
été adopté et Tembaslillemenl d'Anvers a été
rejeté.
M. le ministre de Tintérieur a annoncé que
le lendemain la Chambre sera ajournée ou que
la session sera close. (Voir plus loin.)
Le projet de loi sur les fortifications d'An
vers vient d'être rejeté, dans la Chambre des
Représentants, par 53 voix contre 39 et 9
abstentions.
A quelque point de vue qu'il se place, tout
homme sensé accordera son assentiment plein
et entier celle décision marquée au coin de la
sagesse, de l'indépendance et du patriotisme.
Nous l' avions dit, Tembaslillemenl d'Anvers
n'est pas de nature sauvegarder l'honneur
national, et en tout cas l'enceinte proposée par
le gouvernement était incomplète elle n'avait
pas obtenu l'approbation de deux hommes
spéciaux et compétents. Toutefois le ministère
actuel exerce une pression tellement violente
sur sa majorité, que Ton pouvait s'attend/ e,
sans trop de pessimismeun de ces actes de
servile abnégation dont le partipseudo libéral
a donné tant d'exemples. Mais les doctrinaires
sont peine remontés au pouvoir, qu'ils voient
déjà se reproduire les symptômes de décompo
sition qui les ont menacés la fin de leur règne
I ministériel de 184o. Les hommes sag<s et
raisonnables, les hommes qui ont encore un