42me Année.
No 4.294.
POURQUOI LE MINISTÈRE DE DECKER
S'EST-IL RETIRÉ?
La réponse celle question vient enfin
d'être donnée. Les ministres démission
naires, qui n'avaient pas jugé propos
d'éclairer au sujet de leur détermination,
la majorité devenue depuis minorité, ont
cru devoir, sur l'invitation de M. Rogier
fournir des explications la minorité
d'alors devenue aujourd'hui majorité.
Voici ces explications
M. Vilain XIV. La discussion de la
loi sur la charité dans cette Chambre avait
produit dans le pays une agitation pro
fonde qui n'est niée par personne. Cette
agitationaprès la prorogation de la
Chambre, n'avait fait que grandir.
Pour calmer cette agitation, il n'y
avait qu'un seul moyen retirer la loi de
charité qui avait été présentée par le
cabinet dont je faisais partie. Or, des
ministres constitutionnels peuvent très-
bien, en se retirant, avouer qu'ils se sont
trompés; mais jamais des ministres qui se
respectent ne peuvent rester au pouvoir
pour venir se démentir la face du pays
et retirer un projet important qu'ils ont
présenté, projet qui faisait partie de leur
programme. Cela eut été contraire nos
mœurs parlementaires; cela était impos
sible.
Eh bien! c'est celte nécessité, d'une
part, de retirer le projet, et celte impossi
bilité, d'autre part, de la retirer par le
cabinet dont je faisais partie, qui m'ont
fait offrir ma démission au Roi.
M. De Decker. Le gouvernement
pouvait la rigueur continuer rester
aux affaires, puisqu'il avait encore la ma
jorité de fait.
Mais j'ai crupour ma partque pour
gouverner honorablement et avec fruit, il
fallait que le gouvernement eût encore
devant le pays cette force morale qui lui
était surtout indispensable dans les cir
constances difficiles où il se trouvait.
Cette force morale, il devait la trou
ver dans la certitude que la majorité sur
laquelle il s'appuyait était son tour
appuyée par la majorité du pays. Cette
certitude je ne l'avais pas; or, mes yeux
c'est une des positions les plus dangereuses
que l'on puisse faire un pays constitu
tionnel, que de le gouverner avec une
majorité qui peut être accusée de ne plus
représenter fidèlement les sentiments et
les vœux de la nation.
Voilà surtout le motif qui m'a déter
miné résigner le pouvoir.
Il nous semble vraiment que ce n'était
pas la peine d'attendre une année pour
produire des raisons aussi peu plausibles.
Toutefois, il ne faut pas qu'elles passent
inaperçues, quoiqu'elles semblent avoir
été voilées si longtemps uniquement dans
ce but.
M. Vilain XIV n'allègue qu'un motif. Le
projet de loi sur la charité devait être
retiré, et le ministère qui l'avait présenté
ne pouvait pas décemment le retirer lui-
même. Nous admettons volontiers la der
nière partie de cette proposition, mais
nous repoussons formellement la pre
mière. Le projet de loi sur la charité ne
devait pas être retiré parce qu'il avait
pour lui une imposante majorité dans la
Chambre, et que cette majorité représente
légalement la majorité du pays. On retire
un projet de loi devant la majorité de
l'une ou l'autre Chambre, ou devant le
vœu du pays régulièrement exprimé, par
exemple devant un pétitionnement; mais
un ministère qui a de la fermeté ne retire
pas un projet de loi, important ou non,
devant une minorité turbulente, ou un
tapage diurne.
M. De Decker a senti la faiblesse de ce
motif, et il en a articulé un deuxième, qui
n'est pas plus beureux que le premier. Le
motif qui l'a surtout déterminé résigner
le pouvoir, c'est qu'il n'avait pas la certi
tude que la majorité sur laquelle il s'ap
puyait était son tour appuyée par la
majorité du pays.
Mais sur quoi celte incertitude reposait-
elle? Sur les criailleries de la rue. Est-ce
que l'opinion d'un pays l'égard d'une
question donnée, change d'une année
l'autre? Est-ce que la Constitution n'avait
pas levé d'avance les scrupules et les
incertitudes de M. De Decker? Elle dit que
la Chambre sera renouvelée par moitié
tous les deux ans, et que le Sénat le sera
par moitié tous les quatre ans.
Ainsi conslitutionnellement parlant
l'opinion publique ne peut changer que
tous les deux ans, sauf aux Chambres
nouvelles modifier les lois faites par les
pour la ville 6 fr. par an, p°l'r le dehors fr. 7-50 par
4 fr. pour 6 mois, 2-50 pour FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE. an, 5 fr. pour 6 mois, 2-75
trois mois. p0ur 3 mois.
T F F. S S 24 Novembre.
revue politique.
La plupart des journaux paraissent s'être donné
le mot pour faire au czar Alexandre une réputation
de tolérance. Cependant VUnivers a récemment
cité les preuves de la persécution que continue de
subir le catholicisme en Pologne. Dans la Lithuanie
encore, on inflige le supplice de la fustigation h
des centaines de paysans quelquefois jusqu'à ce
que mort s'ensuive, et cela uniquement parce que
ces infortunés ont exprimé le désir de s'affranchir
du schisme grec, qui leur a été imposé par la
violence. On dissout, par or Jre de M. Muchanow,
tout-puissant Varsovie, les Sociétés de Tempé
rance dans le royaume de Pologneet on emprisonne
les ecclésiastiques qui les avaient fondées.
Des états catholiques du midi nous arrivent
également des nouvelles fâcheuses. En Espagne le
ministère semble déterminé reprendre le désa-
mortissement des biens ecclésiastiques que les pro
gressistes réclament avec insistance. M. Rios Rosas,
ambassadeur Rome, a pour mission d'entamer 'a
ce sujet des négociations avec le S' Siège. On sait
que les biens laissés au clergé après les diverses
spoliations qu'il a subies, lui ont encore été récem
ment confirmé^ par un concordat.
Les nouvelles de Turin sont riches, depuis
l'avènement du prétendu libéralismeen faits
analogues. Aujourd'huice sont les Oblats de
Marie que l'on chasse du célèbre sanctuaire de la
Consolala et de leur couvent de Turin où des
victimes innombrables du choléra trouvèrent en
1854 un asile de la part de ces religieux charita
bles et dévoués.
Ou assure que les grandes puissances auraient
fait une démarche auprès du Souverain-Pontife,
pour obtenir que le jeune Mortara soit rendu ses
parents et au culte judaïque, et que le Pape aurait
tépoudu par un refus poli mais ferme d'admettre
cette ingérence dans les affaires intérieures de ses
Etats, celte violence diplomatique faite au pouvoir
du Souveraio temporel et la conscience du
Souverain spirituel. Notez que ce n'est pas le Pape
qui a fait conférer le baptême cet eufaot; notez
qu'il subit les conséquences d'un fait qu'on ne peut
lui attribuer, qu'il revendique moins un droit qu'il
ne remplit un devoir; notez enfin qu'il n'a pas
séquestré le jeuue enfant et qu'il a voulu qn'il
communiquât librement avec ses parents. En
face de ce fait, en voici un autre. Depuis bientôt
un au l'Angleterre couvre l'Inde de sang et de
ruines. Et comme elle n'a reculé devant aucune
violence pour s'emparer de ces immenses contrées,
elle ne recule devant aucune barbarie pour les
conserver. N'en croyons pas les accusateurs des
Anglais, mais croyons-en les Anglais eux-mèntes.
Quelqu'un dans la presse rationaliste, demande
ici un correspondant du Journal de Bruxelles
peose-1-il pousser les puissances intervenir
auprès de l'Angleterre pour l'engager mettre nn
terme aces mesures d'extermination Accuse-t-on
au moins l'Angleterre du crime de lèse-huroanilé?
Allons donc! L'Angleterre peut prendre et fusiller
autant d'Indiens qu'elle le voudra. Le seul crimi-
uel, le seul coupable de lèse-humanité en Europe,
c'est le Pape qui fait élever ses frais et cbrétieu-
nement le jeune Mortara que le baptême a rendu
chrétien. Et la presse révolutionnaire nous parlera
après cela de sa philanthropie! Taisez-vous, vous
n'êtes pas philanthropes, c'est dire amis des
hommes; vous êtes anti-chrétiens.
C'est aujourd'hui, 24, que s'ouvre le procès de
M. de Montalembert. Les services que cet homme
émiuent a rendus la religion comme orateur et
comme écrivain, l'élévation de son esprit, la no
blesse de son caractère, la sincérité de sa passiou
qui n'a jamais rien de calculé, lui assurent un grand
nombre de sympathies. Pour lui, d'après ce que
disent ses amis, il s'attend une condamnation et
se prépare la prison. Je n'ai pas d'avis donner
au pouvoir, dit une correspondance parisienne:
mais je crois que quelque soit le gouvernement qui
régisse la France, il ne sera pas de son intérêt
qu'un homme tel que M. de Montalembert, écrive
son nom sur i'écrou d'une géôle.