42me Année.
FOI CATHOLIQUE.
CONSTITUTION BELGE.
7FE.3S, 13 Janvier.
Ao 4,309
LE PROPAGATEUR
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN,
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR
TROIS MOIS.
POUR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
POUR 3 MOIS.
REVUE POLITIQUE.
La situation des choses dans la haute Italie
absorbe toujours la principale part d'intérêt entre
les nouvelles du jour. L'Autriche prend, en Italie,
toutes les précautions possibles pour prévenir un
soulèvement, ou tout au moins pour être en mesure
de l'étouffer s'il éclatait; suivant une dépêche
toutes les forteresses ont reçu des renforts et de
larges approvisionnements, et l'armée va être
portée i4o,ooo hommes. Le départ des troupes
de la garnison de Viedoe destinées !i l'Italie s'est
fait si subitenqfint que les chefs de corps n'ont reçu
l'ordre de se mettre en marche que la veille
ju départ.
On signale toutefois comme un symptôme de
bonne augure un article de la Gazelle autri
chienne, dont on connaît les relations avec le
cabinet de Vienne, article qui témoigne de la
confiance de l'Autriche dans les intentions pacifi
ques et amicales de l'Empereur Napoléon III, et
cela non seulemeot d'après les paroles adressées h
M. de Hubner le 1°' janvier aux Tuileries, mais
aussi d'après les termes du dernier démenti iuiligé
par le Moniteur aux rumeurs belliqueuses.
D'un autre côté, il est vrai, uue feuille semi-
officielle, la Patrie, de Paris, interrogée par la
Gazette de France sur la conduite que tiendrait
le gouvernement français, dans le cas d'une inter
vention armée du Piémont eu faveur des Lombards,
répond que le Piémont est l'allié de la France et
de l'Angleterre, qu'il a de plus l'amitié de la
Russie et que le jour où il s'engagerait, c'est qu'il
aurait derrière lui l'appui et la solidarité de ses
alliés. Mais d'abord, la Patrie ne s'engage que
conditionnellemeut; ensuite, sa déclaration ne
préjuge rien toncbant les dispositions de l'Empe
reur Napoléon ou les conseils qu'il croirait oppor
tun de donner son allié. D'ailleurs la Patrie a
donné elle-même ces jours-ci une suite d'articles
exclusivement pacifiques.
Quant au gouvernement piéraontais lui-même
le grand embarras d'argent où il se trouve, est sans
doute un fait de nature h calmer son humeur
entreprenante. D'après une correspondance de
Turiu, on perçoit avec rigueur les impôts très—
élevés, et le gouvernement uégocie avec les maisons
Laffitte, Rothschild et Mirés pour la cession des
chemins de fer d'Arona et de Gêues Turin. Ils
ont coûté 3oo millions de francs, et la vente n'en
produira que la moitié peine.
Au reste, la passion politique et l'esprit de
spéculatiou exagèrent, sans doute, outre mesure la
valeur des bruits de guerre qui ont cours. V Ar-
monia de Turin, après avoir établi ce point,
examine également les suites inévitables qu'en
traînerait uue rupture entre l'Autriche et la France.
Cette guerre, dit l'organe du parti conservateur
en Piémont, aurait pour suite inévitable la ruine de
l'Autriche, la ruine de la France et la ruine de
l'Europe entiere; la révolution seule y gagnerait
quelque chose.
Les feuilles libérales de province se taisent
comme des carpes sur l'éminent ouvrage de M.
Ducpétioux, qui continue toujours jeter de vives
lumièies sur la grande question de la charité
publique, et h dissiper les préjugés chez les hom
mes de bonne foi. Il suffit ces journaux pour
se justifier leurs propres yeux et prendre devaot
le public les grands airs d'impartialité et de pro
grès de lancer celte phrase ronflante mais sau
grenue Ce n'est pas après une expérience
aussi solennelle que celle de l'année passée
(c'est-ë-dire celle des pâvés de mai et des pil-
lages de Jemmapes), qu'on peut espérer de
faire revenir lé opinion publique des erreurs
désormais condamnées.
Mais les grands bonnets de la presse, l'Indé
pendance comme YÊcho de M. Verhaegen, rnt
voulu ergoter sur l'ouvrage de M. Ducpétiaux
l'éminent écrivain a détruit de fond en comble
l'échafaudage d'argutiesde sophismes et de
contrevérités que ses adversaires avaient pénible
ment élevé. A chacune de ces feuilles M. Ducpé
tiaux a adressé une lettre décisive laquelle elles
n'ont pas su répondre un mot. Le libéralisme
aujourd'hui redoute le système des discussious
outrance ne serait-ce pas parce qu'il n'a qu'a
reculer devant la proposition si concluante de M.
Ducpétiaux? Quoi qu'il en soit, voici la lettre
adressée Y Écho .-
Bruxelles, le g janvier t85g.
Monsieur le rédacteur,
Je comprends comme vous la convenance de
clore le débat qui s'est élevé entre nous sur la
question de la liberté de la charité. Un journal
quotidien a des exigences que je ne veux pas
disputer et dont je me rends parfaitement compte.
Je ne répondrai donc pas aux observations que
vous avez jugé propos de faire au sujet de ma
dernière lettre que vous avez insérée dans votre
numéro de ce jour. Je me bornerai vous soumet
tre une proposition qui, je l'espère, rencontrera,
avec votre approbation, celle de tous les hommes
impartiaux qui recherchent la vérité et doivent
désirer qu'elle se fasse jour en matière de charité
comme en toute autre chose. Cette proposition, la
voici
Je convie l'un des adversaires de l'opinion que
je défends reprendre un on les arguments et
les faits que j'ai réunis dans mon ouvrage sur la
Question de la charité, qui ne lui paraîtraient
pas péremptoires ou qui lui sembleraient seule
ment sujets contestation qu'il me communique
ses observations et ses critiques, et j'y répondrai
point par poiut. On a cité des abus dans le régime
des établissements de charité particuliers, des faits
qui seraient de nature faire rejaillir le blâme et la
déconsidération sur les agents laïques ou religieux
chargés de leur gestion ces abus et ces faits, nous
irons, s'il le désire, les constater et les vérifier sur
les lieux, accompagué de tels témoins qu'il jugera
conveoabies. A mou tour, je me réserve la faculté
d'étendre cette investigation aux institutions pri
vées qui me paraissent de nature justifier, par
leur destination et leurs services, les éloges qile je
n'ai pas hésité leur décerner. Animés ainsi l'un et
l'autre d'une pensée commune, du seul désir de
dissiper les erreurs, de quelque part qi'elles
viennent, dégagés de toute autre préoccupation
que celle de faire prévaloir la justice, nous abouti
rons, je pense, des conclusions claires et positives
dont l'importance ne pourra être contestée.
Le gouvernement a ouvert une enquête sur tous
les points qui se rapportent au régime de l'assis-
lance publique et de la charité privée. En entre
prenant, mon adversaire et moi, le travail que je
propose, nous rentrons dans les vues qu'il a
exprimées, nous lui viendrons en aide, et nous lui
apporterons des témoignages qu'il serait difficile
de recueillir en retournant un autre procédé.
Ce travail peut exiger des recherches; je liens
tous les documents qu'il pourra désirer la dispo
sition de mon concurrent; lotsqu'il sera terminé,
je lui abandonne la facolté de décider le mode de
publicité qu'il conviendra de lui donuer, et je me
charge de tous les frais qui pourront en résulter.
Je me permets seulement de subordonner l'accep
tation de ma proposition une condition essen
tielle c'est que l'adversaire qni se présentera soit
un homme sérieux, initié aux questions qu'il s'agit
de discuter et de résoudre, possédant une connais
sance pratique des institutions de bienfaisance, de
la situation des classes souffrantes et de leurs be
soins, décidé dépouiller comme moi tout esprit de
parti, et ne pas dévier des règles de loyauté, de
modération et de courtoisie qui ont été malheu
reusement trop souvent méconnues dans le grand
débat auquel la question de la charité a donné lieu
en Belgique depuis quelques années. Si cette con
dition n'existait pas, on comprend que je devrais
m'abstenir pour ne pas me rencontrer de nouveau
devant l'écueil que je ne me suis pas fait faute de
signaler diverses reprises.
Qu'on ue se méprenne pas d'ailleurs sur le but
de ma proposition ce n'est pas un orgueillenx
défi que je lance mes antagonistes c'est un appel
sérieux et sincère que j'adresse leur équité. Je
crois leur bonne foi comme je les prie de croire
la mienne; ils uient ce que j'affirme qui de nous a
tort ou raison Un fait existe ou il n'existe pas, un
abîme sépare/ce qui est vrai de ce qui est faux qui
sera juge entre nous? Le bou sens du public devant
lequel nous porterons la cause, après l'avoir con
sciencieusement instrniie et débattue entre nous.
Le préjugé et la passion ont, selon moi, voilé la
vérité; j'essaie de la dégager de ce nuage impur
pour la faire briller de tout son éclat aux yeux de
mes concitoyens. On peut avoir recours, cet effet,
d'autres moyens; en invoquant pour ma part un
débat contradictoire, restreint dans des limites pré
cises et bien définies, d'où la mauvaise foi soit
exclue, je n'ai d'autre désir que de rendre un ser
vice réel mon pays en mettant chacun même de
juger l'aide des simples lumières de sa raison.
C'est la stricte application de la doctrine de la
libre recherche et du libre examen l'une des
questions sociales les plus importantes qui aient
surgi dans ces derniers temps.
Mon appel sera-1-il entendu? Je l'espère et
j'attends.
Je compte, monsieur, sur la complaisance de
vos confrères de la presse libérale pour reproduire
cette lettre, que je vous prie d'insérer dans votre
prochain numéro.
Veuillez agréer, etc. Ed. Ducpétiaux.