l'égard des élèves et des professeurs du II
Collège de S'-Louis des actes regrettables,
qui ont soulevé partout une juste indigna-
lion. Mous n'avons pas jusqu'ici voulu
entretenir nos lecteurs de cette affaire.
Mais le Progrès d'Ypres vient de publier,
ce sujet, un extrait du Journal de Bruges et
la fin de la lettre que le Conseil d'adminis
tration de l'Athénée a adressée M"
l'Ëvéque en réponse la missive que celui-
ci avait envoyée M. le Bourgmestre pour
le conjurer de prendre des mesures afin
d'empêcher le retour des scènes qui
avaient eu lieu.
Comme la feuille libérale cherche
déverser le ridicule sur la personne de
l'Évèque, et attribuer, d'après ses con
frères de Bruges, tous les torts sur les
élèves de l'établissement librenous
croyons de notre devoir de présenter aux
yeux du public une pièce qui le mette
même de juger de quelle part se trouvent
la vérité, la bonne foi et la modération.
C'est la lettre que M" l'Évèque de Bruges
vient d'adresser M. le Bourgmestre
Boyaval en réponse sa missive du 14
février courant
Bruges, le 17 février i85g.
Monsieur le Bourgmestre,
Ma lettre du 8 de ce mois avait pour but de tous
signaler les scènes de désordre qui ont eu lieule
vendredi 4 et le samedi 5 février, devant le collège
de S1-Louis, et de vous demander, comme je m'y
croyais obligé, Monsieur le Bourgmestre, aide et
protectioo contre le renouvellement de ces aggres-
sions.
Lorsque je vous écrivis, je ne pensais pas que le
moindre doute pût être élevé contre des faits
publics, ootoires, éclatants, que des centaines de
téracius attesteraient au besoin, qui ont troublé
tout un quartier de la ville, qui ont obligé la police
h mettre sur pied tout soo personnel, qui sont
consignés dans le rapport simple, fidèle, véridique
de M. le principal du collège de S'-Louis et dont
j'ai constaté moi-même la triste réalité!
En vous envoyant ma lettre, quatre jours après
l'événement, je devais vous croire parfaitement
informé de toute l'affaire, et j'espérais, M. le
Bourgmestrequ'appréciant les choses k leur
véritable point de vue, vous en reconnaîtriez
Je me mis aussitôt k l'ouvrage. Lauretle vint
mais inutilement. Elle se moqua de moi, je laissai
dire; elle voulut jeter mon ouvrage, me coiffer,
m'emraener de force, je résistai; et, de guerre
lasse, elle partit... Je travaillai une grande partie
de la ooit; et le lendemain, k onze heures, mes
garnitures étaient brodées, découpées, et atten
daient la jolie demoiselle. Elle frappait k la porte
quand midi sonnait. Je fns toute charmée de la
revoir. Elle me paya sur-le-cbamp, me remercia
bien, et me dit, en me donnant soo adresse, qu'elle
aurait uu nouveau travail k me commander.
La bonne demoiselle se nommait Christine
d'Erlanges; elle habitait la même maison que moi.
J'allai le lendemain prendre ses ordres. Elle occu
pait, avec soo père et sa mère, le bel appartement
du premier; on me fit entrer dans un petit salon où
il y avait des livres, des curiosités, des tableaux, et,
parmi ces tableaux, ce portrait que vous voyez Ik,
mes enfants... Il occupait la bonne place, il était
frais et jeune comme la personne qu'il représentait:
et le père et la mère le regardaient avec tant de
plaisir C'était le reflet du petit soleil de la maison,
car M11' Christine était cela bonne, affectueuse,
prévenante, tons oe se trouvaient bien qu'auprès
d'elle... Je la revis souvent; je paraissais l'inléres-
l'exnêiiie gravité et vous vous empresseriez de me
rassurer pour l'avenir, en blâmant les fautes com
mises et en les réprimant d'une manière efficace.
Au lieu de suivre cette marche qui était sans
contredit la plus naturelle, je dirai même la plus
apte k sauver l'honneur de l'atbénée et de ses
élèves, vous avez ordonué une enquête sur ces faits
publics, connus de tout le moude. Pendant trois
jours, MM. les commissaires de police, fidèles k vos
ordres, ont interrogé uue foule d'élèves de l'athé
née et du collège de S'-Louis; et, sans le vouloir,
ils ont mis toute la ville eu émoi. Eufin, cette
agitation a été couronnée par une séance du conseil
communal, où quelques magistrats ont cru pouvoir
applaudir aux actes blâmables que je vous avais
signalés.
Au moment où cette séance commençait, après
huit jours pleins d'inquiétude et d'attente j'ai
reçu, Monsieur le Bourgmestre, la lettre dans
laquelle vous expliquez votre manière de voir sur
ces tristes événements.
Au lien d'y trouver les apaisements anxqoels je
croyais avoir droit, j'y ai rencontré une apologie des
élèves de l'athénée et une accusation en forme
contre M. le principal et contre les élèves du
collège de Saint-Louis, qui ont été l'objet ou les
victimes de ces violences.
Quoique cette altitude de votre part, Monsieur
le Bourgmestre, m'ait beaucoup surpris et profon
dément affligé, k raison de la graode confiance que
j'avais dans votre impartialité et dans votre justice,
elle n'a pu en rien modifier mes convictious,
ni améliorer, je pense, aux yeux du public, la
cause que vous avez prétendu défendre. Au con
traire, je craiusque votre extrême iudulgence pour
les coupables ne vienne un jour k leur nuire; car
enfin la vérité finit toujours par percer et par pré
valoir, et lorsque les pères de famille sauront k
quels tristes méfaits vous avez prodigué les excuses,
ils se demanderont avec étonnement k quel geure
de fautes ou réserve, dans l'athénée, le blâme* les
réprimandes et les punitions.
Pour ma part, je ne puis accepter, Monsieur le
Bourgmestre, ni le plaidoyer que vous me présen
tez en faveur des élèves de l'athénée, ni l'acte
d'accusation que vous dressez contre les élèves du
collège de S1-Louis. Votre lettre tend k atténuer
les torts des premiers, k charger les secouds de torts
imaginaires, et k conclure, en fin de cause, que
toute l'affaire se réduit k une dispute d'écoliers.
En présence des faits qui ont eu lieu et des
documents que nous avons sous les yeux, c'est Ik,
ser, elle m'occupait et me faisait causer; et quoi
qu'elle ne me dit pas grand'chose, je sentais que sa
présence me faisait du bien;... j'aurais eu hoote
qu'elle me vit avec Lauretle, qui avait l'air si
évaporée; et, sans me brooiller, peu k peu je
dénouai avec elle... Je n'entendais pas grand'chose
au ménage, et ma chambre était souvent très-mal
rangée... M11' Christine n'avait pas l'air de s'en
apercevoir; mais, un jour qu'elle était venue
m'apporter de l'ouvrage, elle parut examiner ma
demeure avec intérêt; puis elle me conseilla quel
ques petits changements, en ajoutant toujours
Ne serait-ce pas mieux de celte manière?
Je sentis ce qu'elle voulait dire; le lendemain,
k la première heure, la mansarde était balayée, la
fenêtre nettoyée et brillante, le lit fait et les meu
bles mis en ordre... M11" Christine, qui semblait
contente,me fit présent d'une petite commode et de
quelques aunes de calicot pour faire des rideaux k
mon lit et k ma fenêtre... Mes enfants, je me crus
alors daus le palais d'une reine, et ma chambre,
propre et bien arrangée, me deviut si agréable,
que j'avais peine k la quitter. Je ne sortais plus,
même le dimanche, sinon pour aller k la messe
mais M11' Christine n'entendait pas cela. Elle me
fil aller k la promenade avec la femme de chambre
M. le bourgmestre, permettez-moi de le dire, no
système désespéré, impossible.
Ici deux séries de faits se présentent: on a,
d'abord, les scènes du 4 et du 5 février, dont la
gravité est incontestable; ensuite vient cette série
de provocations, de tracasseries, d'attaques et de
coups que M. le principal du collège a signalés dans
sou rapport, et que MM. les commissaires de police
ont constatés, au moins en partie, dans leur
enquête.
Vous avez confoodu, Monsieur le bourgmestre,
ces deux ordres de faits, qui, malgré quelques
relatioos accidentelles, sont tout-k-fait différents
et qu'il importe de distinguer pour rester dans le
vrai. C'est dans l'intérêt de la vérité seule que je
les distingue, car je vous ferai voir, Monsieur
le bourgmestre, que, dans l'on ordre de faits
comme dans l'autre, les torts ne sont pas du côté
des élèves du collège de S'-Louis.
Commençons par les scènes du 4 et du 5 février.
Les aveux timides et incomplets de votre lettre,
mis en rapport avec les déclarations de MM. les
commissaires de police et avec le témoignage irré
cusable de M. Minne, suffisent, Monsieur le bourg
mestre, pour établir cette vérité que les élèves de
l'athénée, dans les journées du 4 et du 5 février,
se sont reodus coupables de désordres graves et
qu'ils se soot livrés k des actes d'impiété et
d'insubordination qui appelaient sur eux toute
votre sévérité.
Voici d'abord vos aveux; vous dites:
Il est vrai, Monsieur, qu'un certain nombre
d'élèves de l'atbénée se sont rendus le vendredi
soir devant le collège de S'-Louis; nous recon-
naissons même que des cris ont été poussés.
Plus loin, Monsieur le bourgmestre, vous parlez de
rassemblements, de cris reprèhensibles, de faits
regrettables.
MM. les commissaires de police indiquent la
nature de ces cris: Plusieurs élèves de l'atbénée,
disent-ils, se sont reodus vendredi soir devant le
collège de S'-Louis, et y ont formé quelques
groupes, au moment de la sortie des élèves de cet
établissement, en jetant les cris: A bas les
s papistes, les calottins, etc.
La police a donc constaté ces cris.
M. le principal du collège, qui a été témoin de
ces scèoes, du commencement k la fin, ccmplète le
récit en ces termes Le vendredi 4 février, j'étais
k travailler vers 7 1/2 heures du soir, lorsque
j'entendis un grand bruit s'élever dans la rue.
de sa mère c'était une personne vertueuse et pru
dente, et pourtant gaie comme on l'est k quinze
ans. Nous nous amusions fort, et je ne pensais pas,
je vous jore, k regretter mes anciennes compagnes.
Le soir, je lisais de bons livres que M11* Christine
me prêtait, et la journée s'écoulait tout doucement.
J'étais contente mon travail me rapportait am
plement de quoi vivre; mon petit ménage, mieux
tenu mieux soignéme coûtait moins que par
le passé; oe voyant qoe d'honnêtes gens, j'avais
acquis bonne réputation; je m'instruisais un peu
en lisant les livres de M11' d'Erlanges, et mieux en
copiaot des modèles d'écriture qu'elle m'avait
donnés... Une chose me manquait cependant
M11*Christine le sut plus tard, et elle y pourvut;...
ce fut le plus grand bienfait que je reçus de sa
bonté.
Nous remarquions tons, et avec une inquiétude
que nous n'osions pas nous avouer, que la santé
de MIU d'Erlanges déclinait de jour en jour. Elle
maigrissait beaucoup; ses yeux avaient uo éclat de
mauvais aloi et qui me faisait peur et peine; elle
toussait souventet elle répondait lorsqu'on
l'interrogeait
Oh! ce n'est rien, cela se passera!
(Pour être continué