42me Année
Samedi 23 Avril 1859.
No 4,337.
LA CROIX DE SAINT-JEAN.
7PRBJS, 23 AVRIL.
LA GUERRE EST IMMINENTE.
Dépêches télégraphiques.
Le Moniteur universel, qui vient de pa-
raîtreannonce que l'Autriche refuse
d'adhérer aux propositions de l'Angleterre,
que la France, la Russie et la Prusse
avaient déjà acceptées. Il paraîtrait en
outre que le cabinet de Vienne a résolu
d'adresser une communication directe au
cabinet de Turin pour obtenir le désar
mement de la Sardaigne.
En présence de ces faits, S. M. l'Empe
reur a ordonné la concentration de plu
sieurs divisions de troupes sur la frontière
du Piémont.
Le Moniteur publie, en outre, une dépê
che de Turin dont voici le résumé
II y a en ce moment un mouvement
menaçant de troupes autrichiennes sur la
frontière. L'administration du chemin de
fer lombardo-vénitien a reçu ordre de
suspendre la circulation des convois dans
la journée de demain.
Toutes les locomotives devront être
dirigées sur Milan l'effet de transporter
les troupes. Des renforts considérables de
soldats sont attendus sur les routes de
Milan au Tessin.
Ce soir, il y aura conseil des ministres,
sous la présidence du Roi.
Les négociations diplomatiques ont,
paraît-il, fait leur temps. La guerre n'est
pas encore déclarée, il est vrai, mais les
I.
f -
notes suivantes que nous empruntons la
Pairie sont de nature dissiper les dernières
espérances dans le maintien de la paix.
Les bruits les plus graves ont circulé
aujourd'hui dans Paris.
On a parlé de l'entrée de l'armée autri
chienne sur le territoire piémontais. Jus
qu'ici rien n'est venu, officiellement du
moins, confirmer cette nouvelle.
Ce qui paraît certain, c'est que le
général de la Marmora aurait informé, par
voie télégraphique, le gouvernement fran
çais que l'armée autrichienne avait opéré
sur la ligne du Tessin un mouvement
significatif, et qu'il craignait d'être attaqué
d'un moment l'autre.
Le bruit s'est également répandu que
l'Autriche refuse d'adhérer aux proposi
tions faites par 1'ADgleterre, et qui ont été
acceptées, ainsi que le Moniteur l'annonce
aujourd'hui, par la France, la Prusse et la
Russie.
Ces propositions avaient été, dit-on,
adressées par le cabinet de Londres au
cabinet de Vienne, en demandant une
réponse dans les vingt-quatre heures.
Un conseil des ministres s'est réuni
aujourd'hui sous la présidence de l'Empe
reur. LL. AA. II. le prince Jérôme et le
prince Napoléon y assistaient
On assure que la quatrième division
d'infanterie de l'armée de Paris, sous les
ordres de M. le général Vinoy, doit partir
ce soir même, 10 heures, par le chemin
de fer de Lyon, se rendant Toulon.
La lre brigade de celte division, sous
1
les ordres du général de Martimprey, com
prend le 6e bataillon de chasseurs pied
le 82' de ligne; le 73* de ligne.
Le 85* et le 86* de ligne font partie de
la 2' brigade, commandée par le général
de la Charrière.
i
LE PROPAGATEUR
POUR LA TILLE 6 FR. PAR AN, P0BR M DEHORS FR. 7-50 PAR
4 FR. POUR 6 MOIS, 2 50 POUR FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE. AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
TROIS MOIS. P0CR «OIS.
P.ris, il avril.
Turin, ai avril.
Tu ne déroberas point.
DÉCALOGCe.
Avant qne Charles-Quint eût détruit Gand le
faoarg de Saint-Bavoo, pour asseoir là sa vieille
citadellel'espace maintenant occupé par les
solides constructions qu'on appelle encore le
Château des Espagnols, quoiqu'il soit aujour
d'hui tout déinautelé, émit eu quelque sorte une
cité part, où se dressaient, sous la juridiction de
l'abbé de Saint-Bavon, trois on quatre cents
maisonnettes qui jouissaient de plusieurs privilèges.
Des rues étroites et tortueuses amenaient un peu
d'air dans ces habitations, qui, en géoéral, n'étaient
pas riche. On remarquait pourtant, dans le bourg,
quelques hautes maisons d'hommes opulents; plus
aérées, accompagnées de petits jardioselles
étaient plus sainesplus Gèreset dominaient
orgueilleusement leur voisinage.
Telle étàit la maison de l'Ours-vert, ainsi nom
mée cause de son enseigne sculptée et peinte
au-dessus de la porte, entre les deux fenêtres
gothiques du premier étage. Cette maison appar
tenait maître Balthasar Merx, hounête négociant
gantois qui, en i535, époque du récit qui va
suivre, était âgé de âo ans.
Balthasar était de haute taille, fortement con
stitué; de larges épaules, des membres carrés, une
poitrine velue accusaient sa vigueur; sa chevelure
châtain-tendre ne grisonnait pas encore; il avait
la Ggure longue et pleine, fortement sillonnée par
les traces de la petite vérole; ses yeux verts, petits
et enfoncés, brillaient vivement sous deux épais
sourcils. Tout annonçait dans cette figure de la
ténacité, de la persévérance; aussi avait-il fait une
grande fortune. Mais, selon les physionomistes, son
nez arrondi et ses lèvres charnues indiquaient des
sentiments affectueux; et, il faut le dire, la science
qui prétend lire les indices du caractère dans les
traits des hommes, ne s'était pas tout fait trompée
avec Balthasar.
Il faisait le commerce des cuirs; il l'avait com
mencé avec un très petit avoir, que lui avait laissé
son père, honnête cordier de la rue d'Anvers. A
vingt-huit ans, dans un voyage en Normandie, il
avait épousé Catherine, fille unique d'un riche
REVUE POLITIQUE.
Ce qui rend nos yeux plus problématique la
solution 'a l'amiable du conflit actuel, ce ne sont pas
taot les projets ni les meoées du Piémont, que la
position difficile où se trouvent engagées l'Aotriche
et la Frauce.
Le rôle adopté par le gouvernement de Napo
léon III ne lui permet plus de reculer sans com
promettre soo influence l'étrangère! son prestige
l'intérieur. Le voilà rivé aox ambitieuses extra
vagances de la politique de M. de Cavour. Au
surplus, l'opinion suivante, qn'exprime one cor
respondance d'un journal belge nous semble
expliquer la conduite de Napoléon III «Je crois,
dit-elle, que le chef du gouvernement français
fera la guerre, s'il la fait, parce qu'il est dans la
destinée napoléonienne de faire de grandes choses
en Europe, parce que sa dynastie ne peut s'asseoir
qu'à ce prix, parce qu'on ne peut pas avoir
l'intérieur un immense pouvoir sans occuper les
esprits au dehors, parce qu'il a au fond du cœur un
sentiment qu'il exprimait devant la cour des pairs
quand, paraissant en accusé devant elle, il disait
Je représente une défaite, Waterloo.
D'un autre côté l'Autrichequi sans doute
n'éprouve d'autre désir que le maintien des traités
et qu'aucune pensée de conquête ne préoccupe,
l'Autriche doit chercher avaot tout sortir de la
position intolérable que lui ont faite les manœuvres
de ses ennemis, le mauvais vouloir du Piémont, les
trames secrètes de la révolution et la politique du
gouvernement des Tuileries. L'Autriche doit pré
férer une goerre outrance la guerre coups
nourrisseur. Elle lui avait donné un fils, devenu
son plus tendre amour. Une année après, Catherine
était morte d'une maladie épidémique qui pesait
sur le quartier de Saiut-Bavon; et Balthasar, pour
être tout sa tendresse paternelle, n'avait plus
voulu se marier.
En i535, le jeone Siméon Merx avait vingt
ans- C'était tout le portrait de sa mère; une figure
rose et fraîche, ronde et animée, des yeux doux,
mais qui soutenaient mal le regard défaut qu'on
attribuait la timidité et qui signalait peut-être
une tendance la dissimulation. Quoiqu'il aimât
le jeu, la dissipation et le plaisir, son père, qui
l'idolâtrait, ne voyait en lai que des perfections
et ne savait rien refuser ses goûts portés la
dépense.
Balthasar était fort riche. Toutefois, il n'y avait
dans sa maison, avec lui et soo fils, que trois autres
persounes qui semblaient composer la famille.
Nous devons mettre en première ligne la bonne
Michelle, grosse servante flamande, uu de ces êtres
dont l'extérieur peu brillaot n'indique pas les
qualités précieuses et que l'on peut comparer aux
vieilles bourses de cuir teiui qui renferment pour
tant des pièces d'or. Elle était trapue; ses pieds