L'AVEDGIE D'ARGENTEDIL. FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE. 42me Année. Samedi 21 Mai 1859. N<> 4,345. LE PROPAGATEUR POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN, 4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR TROIS MOIS. POUR LE DEHORS FR. 7-50 PAR AN5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75 POUR 5 MOIS. 7PE.BS, 21 MAI. La question de la charité publique, si simple et si claire en elle-même, est constamment embrouil lée et dénaturée par les libéraux. Tout ce que la méchanceté peut inventer de faux et de calomnieux a été mis en œuvre pour anéantir le projet de loi présenté en i8Ô7 par le ministre Nothomb quoiqu'il fût soutenu par une imposante majoriié, et se trouve mis en œuvre en 185g pour exalter le projet du ministre Tescb, en dépit de l'opposition qu'il doit infailliblement rencontrer au Séoat. Que ce projet ait obtenu l'accueil le plus gracieux et le plus empressé, h la Chambre de Représen tants, il oe faut pas que l'on s'en étonne la majo rité actuelle se cachait derrière les pavés qui ont renversé la majorité de i3i>7, et se distingue par une servilité et upe platitude dont notre Pays n'avait pas encore fourni d'exemple. Depuis i85o, comme sous le Roi Guillaume, comme sous l'Empire, le gouvernement avait autorisé des donations ou legs, faits a des établis sements charitables, dans un but dé'erminé, et sous certaines conditions, notamment celle de conférer la gestion des biens donnés ou légués h des administrateurs spéciaux. Or, cela gênait considérablement les libéraux, qui ont converti les institutions charitables en leviers politiques. De même qu'ils s'étaient faufilé dans les conseils communaux, de même ils se sont insinués dans les administrations des Hospices et des Bureaux de Bienfaisance: on y lient b la chaîne électorale, d'une part les fermiers (et plus y a de petites parcelles, plus ils sont nombreux), et d'autre part, les livranciers, les maîtres maçons, charpentiers, peintres, poëliers, serruriers, etc.... mine électorale féconde, que l'on exploite au grand détriment des catholiques politiques ou autres, riches ou pauvres. ANECDOTE NORMANDE DU XVIe SIÈCLE. Au fond d'un vaste et sombre hôtel de Rouen, dans le sileoce d'une immense bibliothèque ornée des portraits de quelques magistrats revêtus de robes d'écarlate, h la lueur d'une lampe, un bomme âgé, de l'extérieur le plus vénérable, paraissait livré h la méditation et h l'étude. Aux insignes dont il était revêtu, oo voyait que lui-même devait appartenir aux premiers rangs d'une cour souve raine; et en effet, ce vieillard était Laurent Bigot de Thibermesnil, premier avocat du Roi an parle ment de Normandie, homme d'un grand savoir, d'une vertu plus grande encore, l'un de ces doctes magistrats du xvi' siècle, où l'ordre judiciaire brilla d'un si vif éclat. Sa longue journée de labeur avait commencé au palais, dès cinq heures dn matin. Lb, il avait, par de lumineux réquisitoires, suggéré au parlement des arrêts destinés b devenir lois dans la province; et maintenant, l'infatigable vieillard se livrait b d'autres travaux qui lui sem blaient des loisirs; il jetait les fondements d'une Eh! bien, ce monopole si profitable, on oe veut pas le lâcher d'nn cran, cela se conçoit. Si le bien du pauvre s'arrondissait de donations ou de legs, administrés par des catholiques, ces gens-lb s'avi seraient de critiquer, d'eutraver celte exploitation du patrimoine du pauvre au profit de charlatans politiques, ils ne voudraient pas que des primes électorales fussent payées sous les appareoces d'un béoéfice mercantile. Et voila pourquoi ces fiers libéraux, si confiants dans leur cause, ne cessent de crier, de déblatérer contre la liberté de la charité. La charité, telle que l'entendent les catholiques, c'est la main-morte, prétendent nos adversaires, et ils savent très-bieo qu'il n'y a rien de vrai dans ce qu'ils avancent. Les catholiques ne demandent pas b créer la main-morte; ils demandent 'a pouvoir agrandir, avec surveillance organisée par eux, la main- morte officielle. Eu effet, la main-morte n'est ni dans le doo, ui dans le legs, elle est dans l'établissement charitable qui reçoit, lis braillent contre la main morte, les libéraux, comme si la société pouvait exister saus main-morte, et comme si eux-mêmes ne la favorisaient pas partout où ils peuvent s'en emparer L'art. 84 de la loi communale admet les admi nistrateurs spéciaux, sans distinctioo, aussi bien pour l'aveuir que pour le passé. Les termes sont clairs; l'intention du législateur a été constatée par des hommes qui avaient plupart aux débals; mais le ministre Tesch a dénaturé cette intention. Oo avait été d'accord pour maintenir le statu quo M. Tescb, qui est un habile casuiste, a distingué entre le statu quo en fait et le statu quo en droit puis il a eu recours toutes les subtilités de la scolastique pour prouver que toutes les lois de la République et de l'Empire sont restées eo vigueur. On ne les a pas exécutées, il est vrai, ce que M. Tesch trouve n'être rien d'extraordiuaire. Quel laisser aller pour un ministre de la justice! riche collection de livres et de manuscrits, qui, plus tard, devait être célèbre, dont on parle encore aujourd'hui qu'elle est dispersée, et dont le souve nir demeurera tant que, dans notre France, les lettres serout eo honneur. Appliqué, en ce moment, h examiner uo manuscrit fort ancien, que venait de lui envoyer son ami Turnèbe, il fu: interrompu subitement par le bruit que faisaient deux jeunes gens qui, assis non loio de lui, lisaient Horace, et se récriaieot, enchautés qu'ils étaient des vers du grand poëte; ces denx jeunes geos étaient Etneric Bigot, son fils, et Etienne Pasquier, condisciple d'Emeric. Élèves d'Hotomande Cujas et de Balduin, les deux amis étaient venus ii Rouen passer ensemble les vacances. Celte ode qui les électrisait ainsi, Laurent Bigot voulut la voir, et bientôt l'en thousiasme du vieillard le disputa b celui des adolescents. Et qui pourrait ne pas tressaillir b l'aspect do vrai mérite, tel que nous le montre Horace, cheminant loin des sentiers vulgaires, loin des intrigues, des cabales, des suffrages mendiés, des refus dégradants, renversaut tous les obstacless'élevant d'un vol généreux au- dessus des turpitudes de la terre, resplendissant d'une gloire sans tâche, et conquérant l'immor- talitéî Le gouvernement avait présenté un projet de loi modificalive de cet art. 84. Mais la section centrale, composée de libéraux plus rusés peut être et moins francs b coup sûr que M. Tesch, a conclu b l'adoption d'un projet de loi interprétative. Ce système a deux avantages il donne aux libéraux l'air de ne pas toucher b la loi, et il autorise b révo quer les autorisations existantes, effet qu'une loi nouvelle ne pouvait pas produire. M. Tesch s'est naturellement rallié au savantissime rapport de ses dmis de la section centrale. Nous croyons bien qoe tout cela était arrangé d'avance. Il y avait une question préalable, c'était celle de savoir s'il y avait lieu b interprétation par voie d'autorité. M. Tescb a été battu sur cette question par plusieurs orateurs Qu'importe, sa majorité lui a donné raison. L'art. 28 de la Constitution porte que l'inter- prétalion des lois par voie d'autorité n'appartient qu'au pouvoir législatif,» et l'art. a5 de la loi du 4 août i83s est conçu en ces termes lorsque 0 après une cassation, le second arrêt ou jugement est attaqué par les mêmes moyens que le premier, la cause est portée devaut les chambres léunies qui jugent eo nombre impair. Si la Cour auuuie le second arrêt ou jugemeot, il y a lieu b interprétation. Il suffit de rapprocher ces deux textes pour être convaincu que le cas d'iuierptétation par voie d'autorité n'existait point. L'autorité judiciaire n'avait pas épuisé sa mission. Quelque large que soit la disposition Constitu tionnelle, soo application est restreinte par la loi du 4 août i85a, eu ce qui concerne les questions soumises b la décision de l'ordre judiciaire. Pour tonte antre matière, M. Tesch pouvait avoir raisoo, ici il avait tort. On voudrait faire accroire que l'interprétation par voie d'autorité est devenue légitime au moins Laurent Bigot, continuant cette ode si belle, venait de lire la strophe énergique où le pnëte peint le châtiment boiteux saisissant d'une main ferme le coupable qui s'était cru sanvé lorsque tout b coup un bruit se fit entendre b la porte de la galerie, et un magistrat fut introduit du moins son costume ne permettait pas de s'y méprendre, car, en cet instant, b son exttême pâleur, b l'altération de ses traits, b son attitude humiliée, on aurait cru voir, non le lieutenant-criminel de Rouen juge intègre et révéré, mais plutôt on de ces grands coupables, qui, chaque jour, venaient trembler devant loi. J'ai failli, dit-il tout d'abord b Laurent Bigot, j'ai failli, je le confesse; mais de grâce ne me condamnez pas sans m'entendre. Alors le lieutenant - criminel commença son récit que l'avocat du Roi écouta avec calme, tandis que les deux jeunes gens prêtaient l'oreille avec l'avide curiosité de leur âge. Un citoyen de Lucques, nommé Zambelli, était allé fonderune maison de commet ce eu Angleterre, où ses affaires avaient prospéré. A cinquante ans, sa fortune étant faite, il sentit le besoiu de retour ner b Lucques finir ses jours auprès d'un ftère qu'il chérissait, il l'écrivit b sa famille, que cette nouvelle

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Le Propagateur (1818-1871) | 1859 | | pagina 1