43me Année.
Samedi 15 Octobre 1859.
No 4,386.
pour la ville 6 fr. par an, pour le dehors fr. 7-50 par
4 fr. pour 6 mois, 2-50 pour FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE. an, 5 fr. pour 6 mois, 2-75
trois mois. pour 3 mois.
??E35, 15 Octobre.
REVUE POLITIQUE.
Les ennemis de la religion catholique
n'ont rien tant cœur que de censurer le
pouvoir temporel des papes. Ne suffit-il
pas, disent-ils, que le Pape tienne le sceptre
du pouvoir religieux, pourquoi doit-il être
couronné du diadème temporel? Pourquoi
doit-il se mêler des affaires étrangères sa
mission divine? Le Saint Sauveur, dont il
se dit l'envoyé et le vicaire, n'a-t-il pas
annoncé la terre Que son royaume n'est
pas de ce monde?
Ce sont là sans doute de très-grands
mots; mais des mots creux comme la
bouche qui les prononce. Il y a peu de
textes dans toute l'Écriture Sainte, dont on
ait fait un si grand abus, que ces paroles
mémorables du Sauveur. Qu'on lise seule
ment le texte du Saint Évangilenon
détaché du chapitre qui le contient, mais
dans son ensemble, lié ce qui le précède
et le suit; et l'on comprendra clairement;
que l'explication, qu'en donnent les protes
tants et les quelques catholiques ignorants,
est foncièrement absurde. Mais ce n'est pas
ici le lieu de traiter ce sujet d'ailleurs hors
de notre compétence.
Dans les conjonctures épineuses, où se
trouve notre Saint-Père, il y a une question
non moins importante qui mérite d'être
éclairée Est-il souhaiter que le chef de
l'Église dépose sa couronne temporelle?
Est-il vrai que le pouvoir spirituel soit
tellement inhérent au pouvoir temporel,
que la papauté ne peut subsister sans cette
souveraineté temporelle?
Sans doute le pouvoir papal, considéré
en lui-même et séparé des circonstances
dont il est nécessairement entouré de nos
jours, peut subsister n'étant pas revêtu de
la souveraineté temporelle. C'est-ce qui est
arrivé au commencement de l'Église pen
dant plusieurs siècles; mais ce n'est pas là
ce qu'on désire connaître. La question est
de savoir: Si la papauté, eu égard la
place qu'elle occupe dans le monde civilisé,
et qu'elle doit y tenir nécessairement, doit
et peut être privée du pouvoir temporel.
Tout ceci se réduit donc aux questions
suivantes: Le Pape doit-il être, le jour
d'aujourd'hui, indépendant, pour être
même de remplir sa mission divine? Quel»
qu'un a-t-il le droit de dépouiller le Pape
de la souveraineté temporelle?
Ces deux questions, dans les circonstan
ces actuelles, sont de la plus haute impor
tance. Nous les traiterons d'après un
ouvrage remarquable que vient de publier
unsavantécrivain hollandais, M. le docteur
Nuyens. Nous ne traduirons que quelques
extraits de cet important écrit, puisque le
format d'une feuille ne comporte pas d'en
rapporter tout le volume.
Il est généralement reconnu de nos jours,
dit M. Nuyens, que bien des hommes désa-
prouvent la souveraineté temporelle des
papes. Parmi ceux qui s'opposent cette
souveraineté, on en trouve bien quelques-
uns, fussent-ils même de soi-disants libé
raux, qui pourraient être de bonne foi. Ils
s'imaginent faussement, leur point de
vue, que le chef de l'Église, débarrassé des
a ffai res tem porel les, nepourrai t qu'y gagner
D'autres, au contraire, en prenant les
armes pour combattre la souveraineté
temporelle du Pape, connaissent parfaite
ment le but où ils tendent, et qu'ils se
proposent d'atteindrecoûte que coûte; oui,
la haine aiguisant leur espritils ne veu
lent rien moins que l'anéantissement de la
papauté.
Nous pourrions alléguer ici que, quoi
qu'ils désaprouvent la souveraineté tempo
relle des papes, ils n'ont cependant pas le
droit de la détruire. Le Pape n'est pas le
chef spirituel de l'église des protestants, il
n'est pour eux qu'un prince temporel;
cependant le diadème, qu'il porte, lui est
aussi bien garanti par les traités et les
droits communs de l'Europe, que celui qui
ceint la tête de tout autre monarque. De
plus sa souveraineté est la plus ancienne
de l'Europe, elle est aussi légitime, pour
ne pas dire beaucoup plus légitime, que
celle des dynasties les plus légitimement
constituées.
Les non-catholiques doivent donc res
pecter cette souveraineté autant que celle
de la reine Victoria. Il se peut que le
gouvernement romain ne leur plaise pas;
mais ont-ils pour cela le droit de le
LE PROPAGATEUR
La réponse de l'Empereor Napoléon an cardinal
Donoel, archevêque de Bordeaux, est le grand
événement a l'ordre do jour. En effet elle est de
nature b mettre eo lumière la politique du gou
vernement impérial b l'égard du Souverain Pontife.
Elle est de nature h éclairer ceux-lb qui de bonne
foi avaient fondé les plus belles espérances sur le
régime impérial. De même que Napoléon III, celui
qui se faisait gloire de représenter au pouvoir tootes
les idées et tous les principes d'ordre et qui disait
tEmpire ceal la paixavait lâché le frein h
toutes les passions subversives en entreprenant la
guerre d'Italie;:de même aujourd'hui, après avoir
coopéré au moins, comme président de la Répu
blique, la restauratiou du Saint-Père, (malgré sa
lettre célèbre h Edgar Ney,) le maître absolu de la
France délaisse de plus en plus l'auguste chef de
l'Eglise et fait moralement cadse commune avec
ses ennemis. j
S. E. le cardinal Donnet avait saisi l'occasion
de la présence de la famille impériale b Bordeaux,
pour exprimer b l'Empereor les vœux des catho
liques français, leur confiance bien affaiblie et
cependant obstinéedans l'intervention de la
France eu faveur du Père commun des fidèles.
Napoléon an lien de répondre b la question posée,
au vœu exprimé, se rejette dans les régioos de
l'espérance. J'ai le ferme espoir, dit-il, qu'une
nouvelle ère de gloire se lèvera pour l'Eglisele
jour où le monde partagera ma conviction, que le
pouvoir temporel du S'-Père n'est pas opposé b la
liberté et b i'indépeodance de l'Italie. Un poli
tique de cabinet ne raisonne pas mieux qne ça.
Mais que dire du maître absolu d'un puissant
Empire qui ne trouve b faire valoir que ses espé-
raoces et ses convictions personnelles. La toute-
puissance, dit un publiciste, n'espère pas, elle
agit.
Je me borne, poursuit l'Empereur Napoléon III,
b rappeler que le gouvernement qui a ramené le
S'-Père sur son trône ne saurait lui faire entendre
que des conseils dictés par un respectueux dévoue
ment b ses intérêts. D'autres diront que le Pape
est peut-être bien aussi un juge compétent dans ses
propres affaires, c'est-b-dire dans ceux de ses
Etats comme daos ceux de l'Eglise.
Au reste la sollicitude de Napoléon III s'étend
particulièrement au jour qui ne saurait être
éloigné où Rome sera évacuée par les troupes fran
çaises. Car l'Europe ne saurait permettre que
l'occupation qui dure depuis dix ans se prolonge
indéfiniment. A ce beau scrupule du maître, une
correspondance parisienne répond Il semblera
peut-être b quelques personnes que l'on n'avait
pas demandé la permission de l'Europe pour aller
en Italie, et que, si l'on en excepte la protestante
Angleterre, peut-être on lui déplairait moins en
restant b Rome pour empêcher l'anarchie de lever
la tête, qu'on ne lui a déplu en passant le Tessin.
L'action du gouvernement fraoçais consistera
donc en deux choses les conseils doDués au Pape
et l'évacuation de Rome. Il se demandera en se
retirant s'il laisse derrière loi l'anarchie, la terreur II
ou la paix,» mais s'il s'en ira.
En substance voici ce qoe déclare le discours
impérial Le Pape doit suivre mes conseils; s'il
les suit les choses s'arrangeront; s'il ne les suit pas,
mon armée que j'ai l'intention de retirer bientôt,
laissera derrière elle la terreur et l'anarchie.
Il n'est poiot étonnant que la Patrie, le Siècle,
la Presse ne cachent pas leur joie,et qoe le Times,
le Post, le Daily-News applaudissent aux paroles
de l'Empereur.
Uo avertissement a été dooné b l'Univers pour
no article intitulé l'Europe en Asie, dans lequel
M. L. Veuillot avait dépeint de sa plume hardie,
incisive et piquante la nullité de la politique
fraoçaise en Asie et surtout les résultats insignifiants
obtenus daos l'expédition de Cochinchioe.
En même temps que l'épiscopat français, les
évêques de l'Empire autrichien protestent en
faveur des droits du Souverain-Pontife si grave
ment menacés par la révolution et par ses suppôts
de haut et bas étage. On annonce un acte identique
de la part de l'épiscopat espagool. Le mouvement
généreux de l'esprit catholique qui se déclare ne
peut manquer de s'étendre par tout l'Univers, car
l'Eglise compte partout des enfants. Et qui d'entr'-
eux pourrait rester iodifférent aux épreuves que
subit et qu'attend encore le Père commun des
fidèles?
SOUVERAINETÉ TEMPORELLE DD PAPE.