43me Année. Mercredi 28 Décembre 1859. 4,407.
4 fr. pour 6 mois, 2-50 pour FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE. an, 5 fr. pour 6 mois, 2-75
trois mois. pour 3 mois.
7PS.3S, 28 Décembre.
REVUE POLITIQUE.
LE PROPAGATEUR.
POrB la ville 6 fr. par an, pour le dehors fr. 7-50 par
L'événement du joar en Fraoee et dans le monde
politique et diplomatique c'est Ja publication de la
brochure intitulée Le Pape et le Congrès. La
brochure ne porte pas de nojn. S'il faut en croire
les journanx anglais, l'auteur sera iUI, de la Gué-
ronnière, anteur de Napoléon III et Thalit Les
mêmes journaux ajouteot que, de même que cette
dernière brochure a été le programme de 1859,
le Pape et le Congrès sera le programme du Con
grès de 1860. Quoi qu'il en soit, voici, en résumé,
le thème développé par l'auleur de la brochure.
Le pouvoir temporel du Pape doit être maiotenn,...
mais sur un territoire restreint, doté lui-même
d'institutions municipales. Il est bonconstate
l'écrivain aoouyme, que l'indépendance temporelle
vienne en aide ii l'indépendance spirituelle. Pour
que cette indépendance soit acquise an Pape, il faut
qu'il ne soit ni allemand, ni français, ni espagnol,
mais qu'il -soit maître chez lui. Mais d'un autre
côté, ajoute l'anteur de la brochure, il faut que les
sujets du Pape soieot dans un état de dépendance
et de respect filial qui exclue l'idée des libertés
politiques, et il est impossible, (c'est un grand
admirateur do régime impérialiste qui l'affirme,
c'est une plume sémi-officielle qui professe cette
opinipn,) il est impossible qu'one population con
sidérable se résigne b la non-jouissance de ces
libertés. Les Romagnes donc doivent être détachées
du patrimoine de Saint-Pierre. Le Saint-Siège
n'a pas besoin d'entretenir des armées destinées h
le protéger il l'extérieur, ce soin regardant la con
fédération ifalieone. Il y a bien a objecter que la
papauté quiest le centre de tant de grandes œuvres,
qui est la tête, le cœur et le bras du catholicisme a
besoin d'un large revenu pour pourvoir b ces dé
penses nécessaires. S'il perd les provinces rorna-
gnoles, ses finances deviendront insuffisantes pour
fournir h ces dépenses. L'auleur de la brochure
propose donc que les puissances du Congrès fassent
un budjet annuel au Pape, et ne met pas d'incon
vénient ce que les puissances hérétiques et
schisinatiques, l'Angleterre, la Russie et la Prusse
donnent leur part de ce subside alloué au Pape.
Ainsi le Pape deviendrait le salarié des grandes
puissances. Quand des cabinets seront couients de
lui, ils lui payeront son traitement; et s'il vient h
les mécoutenter, ils suspendent sa paye; c'est ainsi
qu'on eutend assurer l'indépendance du Saiut-
Siége.
Jamais, dit un correspondant français 'a propos
de cette brochure, jamais on n'avait vu une inso
lence aussi étrange entée sur une ignorance aussi
profonde, et emmiellée d'une douceur plus hypo
crite. L'écrivain anonyme dispose du patrimoine
de S1-Pierre et de quel droit?.... Quel est ce
nouveau droit public en vertu duquel des puissances
laïques, parmi lesquelles il y en a plusieurs d'héré
tiques ou schismatiques, s'établiraient juges de ce
qu'il convient, non pas de donner, mais de laisser
au Pape sur les États temporels qui sont la pro
priété légitime de l'Église, et de ce qu'il convient
de lai ôter? L'auteur allègue qu'un Congrès peut
les lui ôter, parce qu'uo Congrès les lui a donnés.
C'est une couire-vérité historique. Le Congrès de
1815 n'a pas donné au $aint-Siége les États
actuels de l'Église, il les loi a rendus, et le titre de
propriété de ces États remonte haut dans l'histoire....
Pour des catholiques, ce serait en outre
commeltreunsacrilègeque d'envahir ces possessions
parce qu'elles sont consacrées h Dieu. Un vol et
un vol sacrilège, voilb doocla solution que l'auteur
de la brochure anonyme propose au Congrès
Puis encore, pour être logique au moins, de quel
droit obligerait-on les Romains b demeurer sous le
Spuveroement papal, si les Romagools ont le droit
e^îévolte et de séparation? Si les Romains s'in
surgent, tfâelleest doocla puissance qui se chargera
de les ramener h l'obéissance, puisque le principe
d'intervention est aboli? Serait-ce, par hasard,
h la problématique Confédération Italienne, qu'in
comberait la tâche de sauvegarder les droits des
souverains, alors que daos son propre sein, et pour
ainsi dire dans sa constitution intime, le droit
d'insurrection aurait obtenu force de loi.
Aussi le Times est-il plein de joie et déclare
que jamais l'entente n'a été plus cordiale entre
l'Angleterre et la Fraoee. Les journaux révolution
naires applaudissent et ne doutent plus des bons
résultats du Congrès.
L'affaire de M. de Mootalembert s'est terminée
par une ordonnance de non lieu. Le livre de M. Ed.
About, la Question romaine, a été également
l'objet d'une ordonnance semblable. C'est ainsi que
la justice impérialiste prétend tenir nne balance
égale.
Les nouvelles d'Italie accusent les efforts de plus
en plus actifs de l'iutrigue qui a pour but l'organi
sation du royaume d'Etrurie. On sait que cette
intrigue a ses fauteurs principaux daos la Toscane.
C'est on démembrement de la faction annexioniste.
Ce paili compte, parait-il sur l'appui, au sein du
Congrès, de la France et de l'Angleterre. On est
peu près certain, écrit un correspondant d'Italie
au Journal de Bruxelles, que la France, abandon
nant l'Angleterre l'article du traité de Zurich où
le rétablissement des ducs est indirectement stipulé,
en échange de la concession faite par celle-ci, de
tout appui a accorder b la politique annexioniste
du Piémont, soutiendra d'accord avec l'Angleterre
le projet de la création d'uu royaume de l'Italie
centrale. Ce changemeut daos la politique française
et anglaise, est un peu le secret de la mission de
lord Cowley Londres. Le traité de Zurich sera
bien un embarras pour le cabinet français,
mais vous savez bien qu'il y a une phrase stéréo
typée pour le besoin de la cause les événements
sont plus forts que la volonté des hommes.,.,
L'Autriche s'opposera formellement b la
création d'un royaume de l'Italie centrale, qui
serait la déchéance irrévocable des ducs, et on
assure qu'elle subordonnera, au rétablissement des
ducs dans leurs États, son concours a la formation
d'une confédération italienne.
A l'ouverture de la Cour impériale de Justice h
Paris, M. Gouzal, premier avocat général, a pro
noncé un discours dans lequel il constate h regret
le nombre toujours croissant des ciimes. Depuis
1 trente ans, dit le jurisconsulte, les délits se sont
accrns de 220 par cent. Voilb un fait qui mérite
sans doute toute attention A quoi faut-il attribuer
ce triste résultat? Le code pénal renferme des lois
très-sages et laisse peu désirer. M. Gouzal croit
qu'il faut attribuer cette progression croissante des
crimes en grande partie au relâchement des peines,
provenant de certaines circonstances atténuantes,
qu'on fait valoir en faveur de l'accusé, échappant
par lb très-souvent b la peine méritée. On ne peut
méconnaître que les peines judiciaires n'exercent
partout nne influence salutaire, et que plus d'une
fois elles n'aient paralysé le bras do malfaiteur.
Noué sommes les premiers h approuver toutes les
mesures que l'on prend contre la malveillance.
C'est surtout nécessaire de nos jours, puisqu'il
existe une tendance très-prononcée favoriser les
crimioels au préjudice des innocents. Pour excuser
les premiers on allègue certaine disposition de
Cerveau par laquelle ils ont été comme forcés h
commettre le crime; ou bien on les fait passer
comme des victimes, afin de leur procurer la liberté
ou du moins de diminuer leur peine. On trouve
même des écrivains qui doutent que la société ait
le droit d'appliquer la peine capitalequelque
grand que puisse être le crime. Ils plaignent ordi
nairement le sort du condamné, et si parfois il est
nécessaire de l'emprisonner, alors, disent-ils, la
peine qu'on lui inflige pour son bien, devrait être
aussi légère que possible.
Ces écrivains ne protègent aucunement les
intérêts de la société. Ils se soucient fort peu du
tort qu'on fait aux innocents et des terribles mal
heurs que leur doctrine subversive doit nécessaire
ment produire dans le monde.
Nous ne nous proposons pas de démontrer les
absurdités de celte doctrine, condamoée, comme
une chimère, par l'expérience de tous les siècles et
par l'opinion des véritables savants. Il faut que la
puissance temporelle prenne des mesures très-
fortes pour prévenir et châtier les crimes; il faut
que cela se fasse avec une certaine sévérité, eu
égard h l'importance du mal, et en proportion du
crime perpétré. C'est favoriser la malice des hom
mes, que d'user de trop de condescendance, surfont
quand il n'y a pas de motifs de légitimer cette
condescendance; une telle manière d'agir ne peut
être que très-funeste b la société.
Mais ce qui est déplorable c'est que M. Gouzal,
qui connaît parfaitement bien, par expérience, la
force des passions des hommes, croit pouvoir les
dompter, rien qu'à l'aide de quelques lois tempo
relles plus ou moins opportunes, plus ou moins
sévères. Cela n'est sans doute pas b dédaigner mais
ne suffit pas. Les mesures coërcitives des hommes
n'attaquent pas la racine do mal; elles n'ont aucun
pouvoir sur le for intérieur, et la plupart des faits
exlérieurssonthors de leur portée. Aussi toutes ces
mesures, prises en elles-mêmes, sont-elles absolu
ment impuissantes b mettre de fortes barrières au
mal qui s'étend toujours davantage.
Si l'on veut avec vigueur combattre le mal, il
faut uuir les peines corporelles et pécuniaires b
l'action permanente sur les cœurs et les consciences.
Le cœur est le siège de la malice, et les peines
corporelles seules, loin d'améliorer le cœnr, ne
font le plus souvent que l'aigrir davantage, et le
pousser b une haiue implacable contre la société.