Les mémorables discussions, qui vien
nent d'avoir lieu dans notre Chambre des
Représentants la suite de l'enquête sur
les élections de Louvain, ont eu du reten
tissement l'étranger. Nous voudrions
pouvoir citer en son entier le jugement
qu'en porte un publiciste français, partisan
des libertés constitutionnelles. Le cadre de
notre journal ne nous permet d'en extraire
que quelques fragments.
Une des lois, dit-il, les plus essentielles
du gouvernement représentatif, c'est le
respect des droits des minorités. Pour que
ce gouvernement dure, il faut que les
minorités soient profondément convain
cues que par le jeu régulier des institu
tions représentatives, elles peuvent recon
quérir le pouvoir perdu. Cela est encore
plus nécessaire dans un pays où, comme
en Belgique, l'établissement du gouverne
ment représentatif remonte l'accord de
deux grands partis qui se sont donnés
celte mutuelle garantie, contre les craintes
réciproques qu'ils pouvaient s'inspirer.
Certes, le parti catholique et le parti libé
rai, pour lui donner le nom qu'il s'est
décerné lui-même et qu'il ne s'occupe
guère de mériter, ne peuvent coexister en
Belgique qu'à ce prix. Quand l'un est au
pouvoir, il faut que l'autre jouisse de
toutes les garanties du gouvernement par
lementaire loyalement et sincèrement
exécuté. Quand l'un lient l'épée, il faut
que l'autre soit couvert par le bouclier.
Or, parmi toutes les institutions repré
sentatives, s'il en est une qui doive être
particulièrement respectée, c'est la souve
raineté du droit électoral. Là est, on peut
le dire, la racine du gouvernement repré
sentatif....
Je sais que les assemblées ont le droit
de juger les élections. Mais alors il ne doit
plus y avoir dans les assemblées ni majo
rité, ni minorité, il doit y avoir des juges.
La passion politique doit se taireles
calculs parlementaires s'arrêter....
J'avoue qu'en lisant les discours des
orateurs ministériels, et le travail du rap
porteur, M. Defré, j'ai été profondément
surpris. Est-ce bien là le langage d'un
juge qui a cherché la vérité, décidé la
dire quelle qu'elle fut? Non c'est la parole
ardente d'un plaideur passionné. M. Defré
s'occupe surtout et avant tout défaire le
procès au catholicisme. Les jésuites, les
lettres provinciales, Escobard défilent dans
son rapport comme des témoins charge
contre le clergé catholique. Je le dis
regret, mais j'ai cru lire une page déta
chée des élucubralions irréligieuses du
romancier Pigault-Lebrun ou du Juif
errant d'Eugène Sue. Quoi! vous êtes rail
leur, agressif, injurieux et vous prétendez
être juge! Vous prêtez tous les prêlres
catholiques des maximes formellement
condamnées par le Pape Innocent 111; vous
dites en parlant des électeurs catholiques,
ils ont dû agir ainsi; ils ont dû mentir en
répondant dans l'enquête, comme ce per
sonnage de la comédie des saltimbanques
disait en voyant une malle qu'il voulait
s'approprier elle doit être nous, et vous
prétendez encore être juge!
Je comprends que l'honorable M.
Dechamps ait pu dire, après avoir montré
le rapporteur admettant et amplifiant les
témoignages favorables sa thèse, repous
sant comme invraisemblables et suspects
ceux qui démentent son accusation: Vous
osez dire que vous êtes des magistrats
intègres, impartiaux? Non, pendant, après
l'enquête vous resterez des hommes poli
tiques.
Abordant ensuite le fond de la question,
l'écrivain que nous citons, se demande.
Qu'est-on parvenu établir l'appui de
cette enquête? Un seul point, c'est que de
l'argent a été distribué un certain nombre
d'électeurs ruraux pour frais de route et
de munitionsetà quellesonime les orateurs
de la gauche évaluent ils par tête cet argent
distribué? A cinq francs.... Maintenant
quelle différence trouve-f-on entre dépen
ser cinq francs pour le transport et la
nourriture de chaque électeur et lui remet
tre ces cinq francs pour qu'il les emploie
ce double usage? Il est vrai qu'un des
orateurs libéraux de la Chambre, M. De-
vaux, estime que les électeurs ruraux ont
tous dû prendre les troisièmes waggons;
ils ont tous dû dîner 1 fr. 25 c. par tête,
de sorte qu'i/ doit leur rester 5 francs....
C'est donc trois francs qu'un député de
Belgique estime la conscience d'un électeur
belge! Et il ne craint pas de calomnier son
pays et les institutions de son pays! Que
serait-ce en effet que le gouvernement
représentatif dans une contrée où les con
sciences électorales seraient tarifées un
petit écu? Chez une nation si bassement
vénale, que pourrait-on attendre des élec
tions?
La corruption ne consiste pas aider
un électeur éloigné de l'urne électorale
venir voter dans le sens de son opinion, en
rétablissant l'égalité entre l'électeur rural
et l'électeur urbain, mais le faire voter
contre son opinion, en mettant la con
science prix, et c'est-ce qui n'a pas eu
lieu dans l'élection de Louvain.
La religion seule agit sur le cceor. Il n'y a pas de
cbaogemeot possible aussi longtemps qu'oD la
me'eoonatlra et qu'on s'éloignera d'elle. Un peuple
sans religion est un peuple ingouvernable. Les
crimes se multiplient a mesure qu'un peuple
s'éloigne de la religion. Qu'on ne se contente donc
pas de concerter des peines judiciaires; mais qu'on
rende avant tout b la religion et b ses prescriptions,
le respect qu'on leur doit et bientôt la société se
trouvera changée comme par enchantement.
Une des plus grandes sources du mal est sans
contredit la presse licencieuse mauvais livres,
revues mensuelles, feuilles hebdomadaires et quo
tidiennes. C'est elle qui verse b pleines mains la
corruption des mœurs dans les cœurs, c'est elle qui
excite une haine implacable contre tout ce qui est
honnête; c'est elle enfin qui calomniant la vertu et
les booues œuvres, détruit le respect et l'estime qui
leur sout dus dans le cœur des hommes. Ou est
tout étonné que tant de délits soient commis contre la
propriété; mais comment en peut-il être autrement,
lorsqu'on enseigne publiquement que la propriété
est un vol; que le droit de succession n'est pas un
titre légitime pour conserver ses bieus; que ceux
qui n'ont rien ont le droit de prétendre aux biens
d'autrui? De telles doctrines, proposées impuné
ment, doivent plaire aux pauvres qui ne manque
ront- pas de les approuver. On est surpris que la
corruption des mœurs s'accroise de jour en jour,
que les lois conjugales sont violées; mais qu'on lise
les feuilletons immoraux, les brochures de tout
format, et que l'on trouve aussi bien dans les mai
sons somptueuses des grands, que dans les tristes
réduits des pauvres; on y dépeint la luxure, l'adul
tère comme choses très-innocentes, dignes même
de louange et qu'on peut suivre librement sans
forfaire a sa conscience. La s'enseignent les cri
mes les plus abominables, odieusement travestis en
actes héroïques. Est-il possible que de telles leçons,
si flatteuses b la dépravation da cœur, répétées sur
tous les tons, représentées avec toute leur volupté,
ne soient pas enfin admises de bien des personnes?
Ajoutez b cela, les pièces scandaleuses des théâtres,
où l'adultère, la lubricité ne sont non-seulement
louées et exaitées, mais exposées aux yeux d'une
manière frappante; où l'on se moque de la vertu,
où l'on met en scène sans retenue aucune les scènes
les plus honteuses. Et cette foule de personnes de
tout âge, de tout sexe et de toute condition qui
accourt au théâtre avec une avidité tenant de la
fureur, pourrait-elle rester insensible b tous ces
attraits? Non il faut absolument que ces repré
sentations fassent une mauvaise impression et
excitent des désirs coupables, tôt on lard les images
qu'on y a reçues deviendront une réalité. Jules
Janin, feuilletonniste immoral, en a fait le triste
aveu. Je me trouvais un jour, dit-il, auprès do
directeur d'une prison qui me raconta ce qui suit
Chaque fois qu'on m'envoie un grand nombre
de piisonniers, l'idée me vient qu'on a représenté
une nouvelle pièce de théâtre; et chaque fois le
résultat justifie ma prévision. Dès ce momeot, dit
cet écrivain, j'ai pris la résolution de briser plutôt
ma plume que de coopérer encore a de semblables
pièces de théâtre. Les débats qui se sont déroulés
devant la cour d'assises b Paris dans l'affaire de
Léonie Chevreau, accusée de vol d'enfant; l'affaire
de M"1' Lemoiue, dont les mains incendiaires ont
donné pour premier berceau b soo petit-fils nou
veau-né un foyer embrasé; l'affaire, jadis, de Mm'
Lafarge qui n'a pas reculé devant l'horreur de
l'empoisonnement de son mari, tous ces faits vien
nent établir la vérité de notre dire d'une manière
péremptoire. Ou a pu constater que tous ces êtres
dénaturés avaient puisé leurs détestables maximes
dans les grands dramaturges et les grands roman
ciers de l'époque.
Nous concluons que si l'on veut combattre
vigoureusement le mal, on doit avant tout s'appli
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quer b faire revivre dans les cœurs la religion, la
modestie et la vertu; car toutes les autres mesures
sans celles-ci resteront éternellement impuissantes
devant la fougue des passions des hommes.
DÉMISSION DES SÉNATEURS DE LOUVAIN.
Par lettres datées du 24 et insérées le 25
dans le Moniteur, MM. de la Cosie et d'0»erschie
de Neeryssebe, déclarent donner leur démission de
sénateur, ne voulant pas se séparer des représen
tants élus Louvain.
ACTES OFFICIELS.
Par arrêté royal du 23 décembre, M. Vrambout
est nommé gouverneur de la Flandre occidentale.
ORDRE DE LEOPOLD. NOMINATIONS.
Des arrêtés royaux en date du 16 décembre,
portent
Voulant reconnaîtrepar un témoignage de
notre bienveillance, les services rendus par M. le
chevalier Emile-Charles-Joseph-Marie-Ghislaiu
Hynderick, avocat général près la Coor d'appel de
Bruxelles, ancien substitut du procureur général
près la même Cour, ancien substitut dn procureur
du roi près le tribunal de première instance b
Mons, le chevalier Hyuderick, avocat général b la
Conr d'appel de Bruxelles, est nommé chevalier
de l'Ordre de Léopold.
Voulant reconnaître, par nn témoignage de
notre bienveillance, les services rendus par M.
H.-J.-F.-P.-M. De Bouck, substitut du procureur
général près la Cour d'appel de Gand, ancien
procureur du Roi près le tribunal de première
instance b Furnes, ancien substitut du procureur
du Roi près le tribunal de première instance b
Courtrai, le sieur De Bouck, substitut du procureur
général près la Cour d'appel de Gand, est nommé
chevalier de l'Ordre de Léopold.
Par arrêté royal du 22 décembre, un subside de
2,5oo fr. est alloué a l'administration communale
de Courtrai, pour l'aider b faire restaurer son
hôtel-de-ville.
NOMINATION ECCLÉSIASTIQUE.
M. J. Arenîs, vicaire de Sulsicque, passe en la
même qualité a Calcken.