COMBATS DE L'ÉGLISE.
ce Saiot-Sie'ge et les sentiments semblables des
fidèles adoucissaient Notre douleurune nouvelle
cause de tristesse Nous est snrvenue d'ailleurs.
C'est pourquoi Nous vous écrivons ces lettres pour
que, dans une chose de si grande importance, les
sentiments de Notre cœur vous soient de nouveau
très-clairement couous. Récemment, comme pin-
sieurs de vous l'ont déjà appris, le journal parisien
intitulé le Moniteur, a publié une lettre de l'Em
pereur des Français par laquelle il a répondu une
lettre de nous, où Nous avious prié instamment Sa
Majesté Impériale qu'Elle voulût protéger ne soo
très-puissant patronage, dans le Congrès de Paris,
l'intégrité et l'inviolabilité de la domination tem
porelle de ce Saint-Siège et l'affranchir d'une
rébellion criminelle. Dans sa lettre, rappelant on
certain conseil qu'il nous avait peu auparavant
proposé au sujet des provinces rebelles de Notre
doruioatioo pontificale, le très-haut Empereur
Nous conseille de renoncer b la possession de ces
mêmes provinces voyant dans celte renonciation
le seul remède au trouble présent des affaires.
Chacun de vous, Vénérables Frères, comprend
parfaitement que le souvenir du devoir de Notre
haute charge ne Nous a pas permis de garder
le silence après avoir reçu cette lettre. Sans aucun
rela d Nous Nous sommes hâté de répondre au
même Empereur, et dans la liberté apostolique de
Notre âme, Nous lui avons déclaré clairement et
ouvertement que Nous ne pouvions en aucune
manière adhérer b son conseil, parce qu'il porte
avec lui d'insurmontables difficultés, vu Notre
dignité et celle de ce Saiot-Siége; vu Notre
sacré caractère et les droits de ce même Siège qui
n'appartiennent pas b la dynastie de quelque
famille, mais tous les catholiques. Et en
même temps Nous avons déclaré que Nous ne
pouvons pas céder ce qui n'est point b Nous, et
que Nous comprenions parfaitement que la vic-
toire qui serait accordée aux révoltés de l'Emilie
serait un stimulant b commettre les mêmes atten-
tats pour les perturbateurs iodigènes et étrangers
des autres provinces lorsqu'ils verraient l'heureux
succès des rebelles. Et entre autres choses, Nous
avons fait connaître au même Empereur que
Nous ne pouvons pas abdiquer Notre droit de
souveraineté sur les susdites provinces de Notre
domination pontificale sans violer les serments
soleonels qui Nous lient, sans exciter des plaintes
et des soulèvements dans le reste de Nos Étals,
sans faire tort a tous les catholiques, enfin sans
affaiblir les droits non-seulement des princes de
l'Italie qui ont été dépouillés injustement de
leurs domaines, mais encore de tous les princes
de l'univers chrétien; qui ne pourraient voir
avec indifférence l'introduction de certains prin
cipes très-pernicieux. Noos n'avons pas omis
d'observer que Sa majesté n'ignore pas par quels
hommes, avec quel argent et quel secours les
récents attentats de religion ont été excités et
accomplis b Bologne, a Raveune et dans d'autres
villes, taudis que la ttès-grande majorité des
peuples demeurait frappée de stupeur sous le
coup de ces soulèvements qu'elle n'attendait
aucunement et quelle ne se montre nullement
disposée b suivre. Et d'autant que le très-
sérénissime Empereur pensait que Notre droit de
souveraineté sur ces provinces devait être abdiqué
par Nous b cause des mouvements séditieux qui y
ont été excités de temps en temps, Nous lui avons
opportunément répondu que cet argument c'avait
aucune valeur parce qu'il prouvait trop, puisque
de semblables mouvements ont eu lieu très-fré
quemment et dans diverses régions de l'Europe et
ailleurs; et il n'est personne qui ne voie qu'on ne
peut de lb tirer un légitimeargument pour diminuer
les possessions d'un gouvernement civil. Nous
n'avons pas omis de rappeler au même Empereur
qu'il Nous avait adressé une lettre très-différente
de sa dernière avant la guerre d'Italie, lettre qui
Noos apporta la consolation, non l'affliction. Et
comme, d'après quelques mots de la lettre impériale
publiée par le journal précité, Nous avons cru
avoir sujet de craindre que Nos provinces rebelles
de l'Emilie ne fussent regardées comme déjà dis
traites de notre domination pontificale, Nous avons
prié Sa Majesté, au nom de l'Église, qu'en considé
ration de son propre bien et de soo utilité, Elle lit
complètement évanouir Notre appréhension. Emu
de celte paternelle charité avec laquelle Nous
devons veiller au salut éternel de tous, Nous avons
rappelé b son esprit que tous, un jour, devront
rendre un compte rigoureux devant le tribunal du
Christ et subir un jugement très-sévère, et qu'b
cause de cela chacuu doit faire énergiquement
ce qui dépend de lui pour mériter d'éprouver
plutôt l'action de la miséricorde que celle de
la justice.
Telles sont les choses, entre autres, que Nous
avons répondues au très-grand Empereur des
Français. Et Nous avons cru devoir vous en donner
communication, pour que Vous d'abord, et tout
l'univers catholique, connaissiez de plus en plus
que, moyennant l'aide de Dieu, selon le devoir de
notre très-grave ministère, Nous faisons saus peur
tout ce qui dépend de nous et n'omettons aucun
effort pour défendre courageusement la cause de la
religion et de la justice, pour conserver intègre et
inviolé le pouvoir civil de l'Eglise romaine avec
ses possessions temporelles et ses droits qui ap
partiennent b l'univers catholique tout entier;
enfin, pour garantir la cause juste des autres
princes. Appuyé du secours de Celui qui a dit
Vous serez opprimés dans le monde, mais
ayez confiance, j'ai vaincu le monde (Jean, xvi,
33, et Bienheureux ceux qui souffrent per
sécution pour la justice (Matth., v, 10), Nous
sommes prêt a suivre les traces illustres de Nos
Prédécesseurs, a mettre en pratique leurs exemples,
b souffrir les épreuves les plus dures et les plus
amères, b perdre même la vie, avant que d'aban
donner en aucune sorte la cause de Dieu, de
l'Église et de la justice. Mais vous pouvez facile
ment deviner, Vénérables Frères, de quelle amère
douleur Nous sommes accablé en voyant l'affreuse
guerre qui, au grand dommage des âmes, afflige
Notre très-sainte religion, et quelle touruieute
agite l'Église et ce Saint-Siège. Vous pouvez aussi
facilement comprendre quelle est Notre angoisse
quand Nous savons quel est le péril des âmes dans
ces provinces troublées de Notre domination, ou
des écrits pestilentiels ébranlent chaque jour plus
déplorablement la piété, la religion, la foi et
l'honuêteté des mœurs. Vous donc, Vénérables
Frères, qui avez été appelés au partage de Notre
sollicitude et qui avez témoigné avec tant d'ardeur
votre foi, votre constance et votre courage pour
protéger la cause de la religion,de l'Eglise et de ce
Siège apostolique, continuez b défendre cette cause
avec eocore plus de cœur et de zèle; enflammez
chaque jour davantage les fidèles confiés b votre
soin, afin que, sous votre conduite, ils ne cessent
jamais d'employer tous leurs efforts, leur zèle et
l'application de leur esprit b la défense de l'Eglise
catholique et de ce Saint-Siège, ainsi qu'au main
tien du pouvoir civil de ce même Siège et du
patrimoiue de Saint Pierre, dont la conservation
intéresse tous les catholiques. Nous vous demandons
principalement et avec les plus vives iustances,
Vénérables Frères, de vouloir bien, en union avec
Noos, adresser sans relâche, ainsi que les fidèles
confiés b votre soin, les prières les plus ferventes
au Dieu très-bon et très-grand, pour qu'il com
mande aux vents et b la mer, qu'il Nous assiste de
son secours le plus efficace, qu'il assiste son
Église, qu'il se lève et juge sa cause pour que, dans
sa bonté, il éclaire de sa grâce céleste tous les
ennemis de l'Eglise et de ce Siège apostolique;
enfin, que par sa vertu toute-puissante il daigne les
ramener daos les sentiers de ta vérité, de la justice
et du salut. Et afio que Dieu invoqué incline plus
facilement son oreille b Nos prières, aux vôtres et
b celles de tous les fidèles, demandons d'abord,
Vénérables Frères, les suffrages de l'Immaculée et
Très-Sainte Mère de Dieu, la Vierge Marie, qui est
la mère très-aimante de nous tous, Notre espoir le
plus fidèle, la protection efficace et la colonne de
l'Eglise, et dont le patronage est le plus puissant
auprès de Dieu. Implorons aussi les suffrages
du Bienheureux Prince des Apôtres, que le Christ,
Notre-Seigneur, a établi la pierre de son Eglise,
contre laquelle les portes de l'enfer ne pourront
jamais prévaloir implorons également les suffrages
de Paul, son frère dans l'apostolat, et enfin ceux de
tous les saints qui régnent avec le Christ dans les
cieux. Connaissant, Vénérables Frères, toute votre
religion et le zèle sacerdotal qui vous distingue
éminemment, Nous ne doutons pas que vous ne
vouliez vous conformer avec empressement b Nos
vœux et a Nos demandes. Et, en attendant, pour
gage de Notre charité très-ardente pour vous, Nous
vous accordons avec amour et du fond du cœur a
vous-mêmes, Vénérables Frères, et b tous les clercs
et fidèles laïques confiés aux soins de chacun de
vous, la bénédiction apostolique jointe an souhait
de toute vraie félicité.
Donné b Rome, près Saint-Pierre, le 19 janvier
de l'an 1860, l'an quatorze de Notre pontificat.
J™ SHTICLE.
L'Église victorieuse des Albigeois, du grand
schisme d'Occident et du protestantisme ne le
sera pas moins du quatrième grand ennemi qu'elle
a eu b combattre La philosophie anti-chrétienne.
Cent ans environ après que le protestantisme,
parvenu b l'apogée de sa puissance, vit commencer
son déclin et sa décrépitude, le philosophisme, que
devait courooner la sanglante persécution de g3,
reprit avec un redoublement de rage son œuvre
inachevée. Jusque-lb on n'avait attaqué qu'une
partie des doctrines de l'Église, la philosophie du
18° siècle trouva plus facile de rejeter tous les
dogmes; son symbole était tout négatif. Les maxi
mes impies des philosophes avaient l'entrée dans
les salons et dans les assemblées des grands de la
terre; mais b leur plus grand malheur! Des rois et
des empereurs suivaient la mode de l'impiété; mais
aussi b leur plus grand malheur! Le peuple, b leur
exemple devint impie, mais aussi b son plus grand
malheur! Et la révolution de g3 sort tout-'a-coop
du puits de l'abîme; elle frappe la société jusque
dans ses fondements, la fait trembler, la renverse;
et des nations entières sont ensevelies sous ses
ruines.
La plume se refuse de tracer les abominations
que le monde catholique eut b déplorer. Le colle
en plusieurs contrées disparut avec sa pompe et ses
richesses. Quelques prêtres achetèrent le droit de
vivre en se séparant de Rome ou en se souillant
par l'apostasie, un grand nombre furent égorgés
et le reste alla demander un asile b l'ombre d'au
tels ennemis. Les églises forent fermées ou biûlées,
les cloches muettes ou changées en monnaie, les
reliques pillées, les vases saints fondus. Eo France
on vit des bouffons en chape danser la Carmagnole
devant la Convention. Le buste de Marat détrôna
celui des martyrs; une prostituée, montée sur les
autels de Notre-Dame b Paris reçut les adorations
de la foule, qui s'écriait qu'b la fin pour la pre
mière fois, ces arceaux gothiques résonnaient des
accents de la vérité. L esprit révolutionnaire
étendit ses conquêtes partout et envahit toute
1 Europe. L Espagne devint sa vassale, l'Italie sa
sujette. Les couvents de Rome furent pillés. Le
drapeau tricolore flotta sur le château Saint-Ange.