COMBATS DE L'EGLISE.
43me Annee.
No 4,418.
LE PROPAGATEUR.
POUR LA VILLE 6 FR. PAR as,
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR
TROIS MOIS.
FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE.
POUR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
AS, 5 FR. POUR G MOIS, 2-75
POUR 5 MOIS.
T p. S S 4 Février.
REVUE POLITIQUE.
L'encyclique du Saint-Père reste l'e'véoement
capital du jour. Depuis quelque temps les faux
prophètes d'une politique sans principes et sans
dignité jugeaient expédient d'assigner au Pape
l'idée d'abandonner la Romagne, crainte de susci
ter de plus grands maux l'Église. Le Vicaire de
Jésus-Christ a prononcé son mot décisif non
possumus.
Non-seulement le Pape ne veut pas, mais il ne
peut pas céder la Romagne. Ce n'est pas sa pro
priété personnelle, c'est la propriété' du Saint-
Siège, la propriété du monde catholique, parce
que l'indépendance spirituelle du Saint-Siège, que
ses possessions temporelles servent b garantir, est
le patrimoine moral de la catholicité. Il a prêté
serment en montant dans la chaire de S'-«Pierre,
de ne rien laisser distraire de son domaine, et il
sera plutôt martyre qne parjure. Enfin le vénéra
ble et glorieux représentant de Dieu sur la terre
allègue qu'il ne peut laisser ébranler dans sa per
sonne le droit de souveraineté par la prétendue
légitimité de l'insurrection, sans que tons les trônes
chancfelent sur leurs assises.
Le Pape dénonce également les manœuvres et
les intrigues b l'aide desquelles on a suscité des
mouvements révolutionnaires dans la Romagne; il
affirme que le gouvernement français sait avec quel
argent, par quels hommes ces mouvements ont été
excités. Enfin, il ajourne ceux qui travaillent b
dépouiller l'Église, non pas devant le tribunal de
l'Europe, mais devant le tribunal du Christ, où tous
devront rendre un jour un compte rigoureux.
La publication de l'encyclique a suscité en
France, dans les régions gouvernementales, une
colère mêlée d'impuissance. Malgré la défense faite
aux journaux de la publier, VUnivers n'avait pas
reculé devant l'accomplissement de ce qu'il teuait
pour un devoir, et dès dimanche la sainte parole de
Pie IX était propagée sur tous les points de la
France. Il était impossible, dit une correspon
dance parisienne, de la supprimer ou de la réfuter,
et il fallait que quelqu'un payât l'affront fait a
l'omnipotence impériale. I.'Univers se trouvait
seul sous la main; on l'a ptis. Et c'est comme cela
qu'il est devenu victime de sa foi, et qu'il est mort
de son zèle pieux, dans la défense des intérêts si
chers de l'Église. Esl-il besoin de dire que cette
belle fin de l'Univers a été partout applaudie, par
les âmes chrétiennes, comme une confession nou
velle de la cause impérissable du catholicisme?
Les motifs sur lesquels le rapport du ministre de
l'intérieur appuie celte suppression, en aggravent
la portée; car elles contiennent pour toute la presse
catholique un blâme et une menace. Ce sout les
défenseurs du Saint-Siège que M. Billault rend
coupables des outrages dont la presse révolution
naire, lâchement appuyée sur le pouvoir, accable
le Soriverain-Ponlife. Tandis qu'on donne pleine
carrière aux insulteurs de l'Eglise, tandis qu'on
laisse au Siècle la liberté du blasphème, on dénie
aux chrétiens jusqu'au droit de se plaindre, et on
leur refuse la consolation de s'unir dans la prière.
Dernièrement il est vrai le Moniteur a cru
devoir recommander plus de modération aux
j-ornsnx anti religieux. Mais VOpinion nationale
ne semble pas supposer que ces conseils aient été
rédigés pour elle. Ce journal dirige ses violences et
ses menaces contre la liberté d'enseignement et
contre le prêtre, qu'il accuse de s'être emparé de
l'âme de la génération naissante, pour y verser
l'amour des abus détruits et la haine de la société
nouvelle.
Le laogage odieux, cynique et brutal de la presse
officielle anglaise est bien faite pour exciter le
dégoût des honnêtes gens de tons les partis. Le
Daily-News ne trouve dans la lettre pontificale
qu'un verbiage impie; le Morning-Post salue
dans la chute du gouvernement temporel du Pape
l'avant-courenr de celle du catholicisme. Le même
organe de rnylord Palmersion signale le Roi
François II de Naples comme un despote ombra
geux et cruel, gouvernant par la teneur, avec des
espions, avec l'épée el le clergé. Il dévoue le
royaume de Naples aux bouleversements révolu
tionnaires et a l'invasion piéiuontaise, et le jeune
Roi b une fuite honteuse et b l'exil.
P-ri attendant les manifestations en faveur de
l'intégrité du Saint-Siège continuent. Elles affinent
de tous les points du globe. L'Italie lie reste pas
la dernière a manifester son amour et son dévoue
ment envers le Saint-Père. On signale notamment
l'adresse de la noblesse romaine et celle du Sénat.
La population de Rome a témoigné sa part d'en
thousiasme par une illumination spontanée.
Cependant tous ces faits ont excité la fureur des
partisans de Victor-Emmanuel qui ont voulu
essayer une sorte de contre-manifestation; le soir
du ig janvier ils suivirent la musique française en
criant: Vive Napoléon 111 Vive Victor Emmanuel
Les journaux français impérialistes et révolu
tionnaires assignent une grande importance b ce
coup monté; mais une correspondance romaine,
que nous avons sous les yeux, n'y voit qu'une misé
rable équipée d'un petit nombre d'individus escor
tés, connue toujours, de beaucoup de curieux.
Les nouvelles des duchés et de la Lombardie sont
lamentables. On marche b grands pas vers l'anar
chie. Les mauvaises passions prennent partout le
dessus, et les pouvoirs constitués n'ayant aucune
force morale en eux-mêmes, Se voient dans l'im
puissance de les comprimer et de protéger l'ordre
publiç. C'est ainsi qu'b Milan au rapport des
journaux italianissimes eux mêmes, on n'y sort
plus qu armé de pistule s, pour peu qu'on ail souci
de sa vie et de sa bourse, car les voleurs el les
bandits y marchent dans les rues par escouades.
Tout semble annoncer des complications nou
velles. La révolution s'agite en Hongrie et en
énetie; le Piémont n attend qu'une occasion
propice pour s'emparer de ce qui reste b l'Autriche
en Italie; et déjh nous apprenons par le Pays que
Napoléon III a cru devoir exposer b l'empereur
F i an coi s Joseph son opinion sur la situation de la
Venéiie, tout eu lui offrant ses bons offices pour
résoudre celte question dans le double iutéiêt de
1 Autriche et de I Italie. Un prochain aveuir
nous dira ce que signifie celte intervention nou
velle.
a»» Annexe.
Nous avons vu -comment la philosophie avait
préparé la révolutiou de g3; et quelles ont été les
abominations que cette révolution a traînées après
soi Roine assaillie par une soldatesque effrénée, le
Papeenlevé,conduiten captivité et mouranten exil.
Mais pourquoi les ennemis de l'Église dirigent-
ils toujours leurs traits contre Rome et la Papauté
Les philosophes comprenaient fort bien, comme ne
le comprennent pas moins les révolntinrinaires de
nos jours, que Ib où se trouve le chef de la xeligioo,
là se trouve aussi le cœur et la vie; que, s'il y a
moyen de faire périr l'Eglise, on doit viser b ce
chef, b ce cœur pour lui porter le coup mortel. Car
une suite non interrompue de Papes, depuis plus
de i8oo ans, malgré tant de combats que l'Eglise
a eu b soutenir, est sans doute un fait qui constitue
une preuve péremploire de l'intervention divine;
et cette chaîne de Papes une fois rompue, le philo
sophisme gagnait son procès, qui était de piouver,
que l'Eglise n'avait existé qu'b l'aide de l'ignorance
et de la barbarie. La révolution de g3 est venue,
elle savait le mot d'ordre, elle a visé au chef, au
cœur, elle a traîné le Pape en exil, il y est mott!
cependant la chaîne des Papes n'a pas été rompue.
Dieu envoya du nord de l'Europe un peuple infidèle
pour soutenir la cause de sou Église; uu autre Pape
est monté sur la chaire de S'-Pierre, comme au
temps de Néron, alors que le christianisme naissant
était déchiré dans le cirque par les bêtes féroces.
Les destructeurs ont disparu comme un tourbillon,
ils dorment dans le passé b côté Je Luther l'Ency
clopédie et la République ne sont plus. Rome est
encore debout; le Pape est encore Ib, assis sur son
roc au milieu des révolutionnaires de nos jours, qui
veulent au moins cette fois-ci le détrôner coûte
qne coûte; mais qui auront le sort de tous les per
sécuteurs la honte, le dédaiu et l'exécration des
peuples. Oui, après la mort de la République,
l'Église, ornée d'un nouvel éclat, est montée en
silence sur la tombe de tous ses ennemis, pour
entonner l'hymne de victoire Nos ennemis se
sont insurgés contre uons, ils se confiaient dans leur
force el leur astuce, quant b nous, nous avons eu
recours a Dieu; et au jour du combat, eux sont
tombés sans pouvoir se relever, tandis que nous
nous sommes relevés et nous avons été reilressés!
Ce qui mérite ici toute notre attention, comme
le remarque encore uo historien protestant, que nous
citions dernièrement, Macauley, c'est qu'autour
de cette miraculeuse continuité, l'Europe a changé
trois lois de face; l'antiquité s'est éteinte, le moyeu
âge est mort; des empires se sont élevés et ont
disparu; des nations ont brillé qui ne sont pins.
Un nouveau monde découvert est échu en partage
b la puissance temporelle et b la puissance spiri
tuelle; celle-ci seule a gardé sa part. Tout a fait
son temps, idées, peuples et empires. Rome seule
est restée debout. Le Pape seul est resté, il y a dans
ce fait quelque chose qui vaut bien la peine qu'on
y réfléchisse.
Tous les ennemis de notre sainte Religion
voient bien qu'en cela consiste précisément la force
de l'Égli.e. C'est pourquoi de nos jours on redou
ble de fureur contre Rouie et le Pape; mais ce