4U3me Année. Samedi 12 Mai 1860. A0 4.446.
EDMOND ET HENRIETTE.
REVUE POLITIQUE.
LE PROPAGATEUR.
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN, P0UR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE. AN, 5JR. POUR 6 MOIS, i-15
TROIS MOIS. P0UR 3 MOIS.
TPf.SS, 12 MAI.
Une dépêche télégraphique élève k 3,ooo hom
mes le chiffre des soldats que Garibaldi emmenait
avec lui lors de son départ de Gênes. On prétend
également qu'il aurait avec luinon pas uu seul
mais trois vaisseaux.
Il n'est pas concevable que de telles choses se
passent dans un grand port de la Sardaigne, si le
gouvernement de Victor-Emmanuel met entraver
les desseins du condottiere le zèle que préleodent
le Pays, la Patrie et le Constitutionnel. Garibaldi
est évidemment désavoué d'une façon parfaitement
snffisante pour que, dans le cas où sa tentative
échoueraitle gouvernement sarde n'en soit pas
compromis. Mais s'il réussissait, la Sardaigne
n'accepterait-elle pas les bénéfices de son expé
dition? Peu importe ce que disent la Patrie le
Pays et tutti quanti lors de l'annexion des
Romagneson a vu la valeur des assertions des
journaux officieux.
L'opinion est d'ailleurs mieux fixée sur le rôle
joué par les Anglais dans cette expédition de
Sicile. La Patrie affirme que Garibaldi a dû con
sacrer son expédition des sommes tellement con
sidérables qu'elles n'ont pu provenir de souscrip
tions particulières. Tout aurait été organisé sur la
plus vaste échelle les armes, les vivres, les
munitions, et jusqu'au matériel de campement. Or,
la Palrie se demande qui a pu pourvoir h une
dépense de plusieurs millions. L'Angleterre trou
vera sans doute la Patrie fort indiscrète; car cette
feuille a soin de mettre le Piémont hors de cause,
loujours est-il que s'il faut s'en rapporter des
renseignements venus de divers côtés, le général
révolutionnaire aura recueilli les sommes qui lui
étaient indispensables par la voie de Londres, et se
serait embarqué sous les couleurs maltaises avec
l'appui du consul anglaisé Gênes.
Le bonheur, la fortune, la paix de la conscience,
sont toujours la récompense d'une conduite exem
plaire, parce qu'elle ne manque jamais d'attirer
l'attention et l'appui des gens vertueux.
Dans la ville de Compiègne existait, en 1789, un
honnête charron, qui travaillait beaucoup et faisait
vivre dans l'aisance sa femme et neuf enfants. Ce
charron, qui se nommait Farin, fut, encore dans la
force de 1 âge, atteint d'une maladie mortelle qui
dura plus de six mois. Sa femme, qui portait son
dixième enfant, désolée de voir souffrir son mari,
le veillait toutes les nuits: elle ne pouvait diriger les
travaux de l'atelier; les ouvriers se dérangèrent, les
pratiques diminuèrent, puis cessèrent tout coup.
La maladie de ce chef de famille obligea sa femme
a faire de l'argent des pièces de bois de charronnage
qui étaient dans le magasin on eut recours ensuite
la vente d une montre d'or, celle de couverts
d argent, puis enfin au meilleur linge de la maison.
Quoique le pain ne fût pas cher alors, nourrir dix
personnes par jour amenait une forte dépense, et
A propos du rôle que les Anglais jouent dans
cette affaire, le journal officieux remarque que par
uoe coïocideoce singulière, c'est le lendemain du
jour où lord John Russell déclarait k la Chambre
des Communes que le gouvernement britannique
avait employé ses bons offices pour empêcher par
des moyens amiables l'expédition du condottiere
italien, que Garibaldi a quitté Gênes pour se ren
dre en Sicile k la tête d'une expédition considéra
ble et longuement préparée.
Entre les nouvelles de la Sicile qui nous arrivent
par la voie non suspecte de Marseille, nos lecteurs
remarqueront que dans l'attaque d'un village, les
iosnrgés ont été repoussés par la population spon
tanément armée. Une autre dépêche nous annonce
un débarquement d'insurgés Trapani. Cela
donne penser sur le mouvement national.
Les bulletins télégraphiques sardes ne s'étaient
pas fait faute d'annoncer qu'on Te Deum aurait
été chanté k Bologne, par uu nombreux clergé, lors
de l'entrée de Viclor-Emmanoel. Il paraît aujour
d'hui que ce clergé si nombreux se réduit h
un seul ecclésiastique piémontais. Toujours est-il
que le cardinal-archevêque n'est pas homme
renier sa fidélité envers son légitime souverain et
ses devoirs de prince de l'Église. La mauvaise
humeur que la presse cavourienne de Bologne
exhale journellement contre le clergé local, exclue
d'ailleurs toute idée de complicité ou de coupable
faiblesse de sa part.
Une correspondance de Saint-Pétersbourg a
VAmi de la Religion apprécie avec une juste
sévérité la politique actuelle do gouvernement
moscovite. Deux voies, dit-elle, s'offraient h
notre cabinet assoupi reprendre ses traditions
conservatrices, s'identifier en Europe aux grands
principes d'ordre, de justice et de liberté en les
appliquant préalablement chez soi, ne pas indis
tinctement fraterniser avec tous les gouvernements,
et défeudre, en revanche, l'indépendance des petits
v—1
celle des médicaments pour le pauvre malade était
encore plus grande; enfin il fallut vendre jusqu'aux
lits des plus jeunes enfants, et déjà les infortunés
étaient couchés sur la paille quand leur père mou-
rat.
Peu de temps après la mort de son mari, la mal
heureuse veuve donna le jour k une jolie petite fille;
mais, épuisée par ses fatigues et par sa trop grande
douleur, elle périt quelques joursaprès. Dix enfants
sans père, saos mère! Que va deveuir toute cette
famille?.... La religion, les vertus, l'amour du tra
vail, la soutiendront, et l'ou ne verra point ces
intéressants orphelins demander leur pain dans les
rues, et risquer de prendre les vices des mendiants.
Sachant qu'elle ne pouvait payer une nourrice,
et ne se croyan: pas si près de son dernier moment,
la pauvre veuve Farin voulait nourrir l'enfant que
Dieu venait de lui donner. Heureusement une jeune
voisine, qui allait sevrer son fils, au lieu de faire
passer sou lait, résolut de se charger, par charité,
de cette petite infortunée, qui, en tétant sa mère,
aurait hâté l'instant de sa fin, et pris une trop mau
vaise nourriture. Ce trait de bienfaisance apporta,
comme vous le jugez bien, uu grand soulagement
aux maux de cette mère expirante.
Enfin sa dernière heure arriva sa raison n'était
Etats pour témoigner la loyauté de sa politique; ou
bien augmenter le trouble qui règne partout
et, libre de tout engagement, en profiter k la
première occasion pour accroître sa puissance et
abaisser celle de ses voisins.
C'est ce dernier parti que semble vouloir
prendre le général Gortschakoff; sa rage contre
l'Autriche n'est pas encore assouvie et l'enivre:
ministre du mirage, vous allez le voir lancer des
dépêches aussi finement rédigées que platement
conçues; homme d'État plus subtil que profond,
vous le verrez encore, et bientôt, dupe de ses
propres stratagèmes.
On nous écrit de Loo, 7 c4
Hier, après la Grand'Messe, a eu lieu devant
l'Hôtel-de-Ville la vente du mobilier appartenant
aux religieuses du couvent de Loo. On avait
essayé de faire accroire que ces religieuses étaient
criblées de dettes et que c'était pour donner satis
faction k leurs créanciers qu'on allait procéder k la
vente des meubles.
La Grand'Messe finie, tout le monde se dirigea
vers le lieu de la vente. Les agents do fisc se trou
vaient k leur poste quelques minutes après, la
supérieure du couveotaccompagnée de M. le
curé et de deux habitants, se présenta devant les
huissiersleur lut une protestation et leur en
demanda acte, ce qui lui fut refusée. M. le curé
allait faire quelques observations, quand il lui
fut poliment répoudu Monsieur, je parle la
supérieure, et l'un des huissiers, pour couper
court k cet entretien, demanda k la supérieure, si
elle entendait assister k la vente, oui ou non; la
supérieure, pour toute réponse, partit.
On avança donc quelques meubles, ou les offrit
en vente, mais personne ne les mettait k prix. A la
fin, on les adjugea au porteur de contraintes pour
la s'omme, devinez?...de cinq centimes. Le
restant du mobilier fut adjugé k M. le curé.
Les habitants de Loo se sont comportés digne
ment en cette circonstance.
point troublée, mais son cœur était déchiré lors
qu'elle pensait k cette famille qu'elle laissait si
dénuée de tout. Depuis longtemps elle avait perdu
ses parents; et son mari, né dans une province
très-éloignée, n'en avait aucuns qui pussent s'in
téresser au sort de ses enfants.
Le respectable curé de l'endroit, la sœur supé
rieure de la Charité, qui avait élevé ses deux filles
aînées, et de bonnes voisines, ne la quittaient plus;
toutes les consolations de la religion et de l'amitié
adoucirent ses derniers instants.
On l'entendait sans cesse soupirer et dire Que
ferez-vous sur la terre, mes chers enfants, sans
parents et sans pain? Elle répéta, pour la dernière
fois, ces paroles, mais d'une voix si affaiblie, qu'elle
annonçait l'instant fatal. Alors Henriette rassemble
tous les enfants, les fait mettre k genoux auprès du
lit de leur mère; Edmond s'écrie, avec un accent qui
partait du fond du cœur et se mêlait k des sanglots
étouffés Ma mère, je travaillerai pour eux, je ne
me marierai point, je serai leur père! Et moi
leur mère! dit en même temps Henriette.
La mourante se ranime k ces mots, et, soutenue
par la supérieure, elle se lève sur son séant, étend sa
main sur ses neuf enfants, qui fondaient en larmes,
et dit: