Jamais l'intérieur de l'antique basilique ne fut
plus resplendissant d'ornements, de luminaire, de
décorations nationales et religieuses. Le trône du
Roi, eo velours cramoisi, aux draperies parsemées
de lions brabançons, aux franges crépines d'or,
relève aussi l'aspect imposant de cette magnifique
ornementation.
Il est dressé la place d'honneur habituelle,
c'est-à-dire dans le sanctuaire, côté de l'évangile.
Après le trône, le premier rang appartient au corps
diplomatique, dans le chœur du même côté.
C'est onze heures précises que commence la
célébration des actions de grâces. Deux heures
auparavant, l'église est déjà remplie.
Pendant que se font les derniers apprêts, arrivent
successivement des divers débarcadères, MM. les
conseillers des assemblées provinciales, et ils reçoi
vent l'accueil de bienvenue le plus sympathique et
le plus touchant.
C'est Son Em. le cardinal archevêque de Malines
qui, assisté de ses vicaires-généraux et suivi du
clergé de S'°-Gudule et de toutes les paroisses, a
chanté le Te Deum laudamus, a fait les honneurs
et a présidé la réception des augustes assistants,
l'entrée et la sortie de l'église.
Le Roi en uniforme de général en chef de
l'armée belge, était revêtu, ainsi que le duc de
Brabant, des insignes du grand-cordon de l'ordre
de Léopold. S. M. avait également les insignes de
graod-Qiaitre de l'ordre. Le prince royal était en
grand uniforme de général-major.
Mra° la duchesse de Brabant avait une splendide
et brillante toilette de cérémonie, coiffure avec
ornements aux couleurs nationales du plus bel
effet.
Le maréchal du palais, comte Van der Straeten-
Pontoz,les aides de campduRoiet lesautresofficiers
de la maison de S. M. et de celle du ducde brabant,
Mesdames la comtesse de Lannoy, dame d'honneur,
la comtesse de Giùne, la baronne de Marche et la
marquise d'Yve de Bavaydames du palais,
accompagnaieot le Roi et la famille royale.
Nous ne désignerons pas nominativement tous
les personnages du monde officiel qui assistaient au
Te Deum; ce serait au-dessus de notre lâche. Le
corps diplomatique ne fut jamais plus nombreux,
bien que quelques-uns de ses membres fussent
absents de la capitale, soit en congé, soit parce que
leur mission était terminée et qu'ils ne sont pas
encore remplacés par les titulaires. Le ministre de
France, absent depuis environ deux mois, était
représenté par le secrétaire de légation, chargé
d'affaires ad- intérim.
Ce serait trop long de décrire les démarches sans
nombre qu'il fallut faire, les obstacles qu'il eut
surmonter pour subjuguer les esprits et leur faire
enfin approuver un plan, qui d'abord, cause de
cette armée de mendiants qui désolait Paris, ne leur
sembla qu'une chimère. Aidé de sa courageuse
coopératrice, il parvint réussir. Tandis que l'un
prêchait la cour, l'autre essayait d'ébranler la
fausse prudence des dames riches de la bourgeoisie;
et enfin un hôpital de quarante vieillards infirmes,
pauvresartisaris que leur vieillesseempèchait de tra
vailler,et des hommesaltaquésde plusieurs maladies
graves recueillis parmi eux, fm ce qui donna, plus
tard, le plan et le modèle de cet hôpital immense où
vinrent se réfugier toutes les douleurs la fois. Le
soin des sœurs, le talent des médecins tous choisis
parmi les plus habiles, l'abondance des secours ren
dent au malheureux qui s'y trouve les soins de sa
famille, et lui donnent une abondance qu'il De sau
rait trouver au milieu d'elle. La nuit, |e malade est
veillé par les sœurs de la charité le jour il en est
également entouré, et rien ne lui est refusé.
Mademoiselle Legras se chargea encore du soin
de présider cet établissement.
Vraiment on ne peut comprendre comment une
A l'issue du Te Deum, la multitude couvrait I
tous les abords des emplacements désignés pour la
revue, et c'est ici surtout que notre tâche devient
difficile, car il nous faudrait raconter mille épisodes
d'une manifestation sans exemple dans les fastes
glorieux de la Belgique et de la ville de Bruxelles.
A midi et demi, le Roi, accompagné du duc de
Brabaut et d'un état-major immense, dans lequel
figuraient plusieurs officiers de nations étrangères,
est sorti du palais et a d'abord passé devant
le front des blessés de Septembre qui l'ont reçu avec
les marques du plus vif enthousiasme. Sa Majesté
montait un cheval magnifique, mais quelque peu
ombrageux et sur lequel les acclamations et les cris
paraissaient produire un effet des plus vifs. Tout le
monde a remarqué l'adresse et la dextérité du Roi
qui il a suffi de quelques instants pour réduire le
fougueux animal la docilité la plus complète. S.
M. a alors lentement passé devant toute la garde
civique, dont les manifestations, déjà chaleureuses
l'excès dès le début, se sont peu peu trans
formées en un véritable délire. On ne voyait
partout que sbakos placés au bout des baïonnettes,
que fusils et carabines brandis en l'air avec une
indicible frénésie. Au cri de: Vive le Roi, vive
l'indépendance nationale, répété cent mille fois par
la garde civique, répondait le même cri poussé par
le peuple massé sur tout le passage du cortège
royal. Les mouchoirs agités par de gracieuses
mains, les bouquets jetés sur les pas du Roi,
les mouvements irrésistibles de la foule ardente se
précipiter sur le passage du souverain, tout cela
faisait de celte scène une des choses les plus
saisissantes dont on puisse être le témoin. Nous
n'en fioirioos pas si nous voulions raconter tous les
incidents de cette mémorable revue: un ou deux,
choisis au hasard, compléteront le récit que l'on
vient de lire.
Jusqu'à la porte de Schaerbeek, les deux officiers
de police qui marchaient devant le Roi, ont réussi,
ou peu près, lui frayer un chemin travers la
foule qui pénétrait sans cesse par les créneaux
séparant entre eux les bataillons. Mais, passé ce
point, la tâche est devenue impossible: le peuple,
le vrai peuple en blouse et en casquette a littérale
ment entouré S. M. et lui a fait un cortège
triomphal jusqu'à la fin de la revue. Les acclama
tions n'ont pas cessé lorsque le Roi est arrivé aux
lignes de l'armée entraînés par un exemple
vraiment irrésistible, les soldats, malgré la consigne,
se sont laissés aller saluer aussi de leuis cris
d'euthousiasme celui qui est la fois le père et le
chef de l'armée.
mmnw, rcfwint' wiwrtAtv am
1
femme a pu remplir, et remplir parfaitement tant
d'œuvres latigautes et pénibles; se charger de
toutes sortes d'emplois, assister les pauvres dans
toutes les maladies dncorps et de l'espr it, dans l'en
fance, dans la fotee de l'âge, dans la vieillesse; les
servir dans leurs maisons, dans les hôpitaux, les
prisons et les galères; se charger des fous et des épi-
leptiques, et enfin saeiifiei leur service, comme s'il
n'y avait plus de lieu pour elle sur la terre, tout ce
qui lui appartenait de fortune et de vie.
Cependant sa mission n'était pas remplie. Une
dernière infortune avait échappé auxyeux vigilants
de Vincent de Paule et aux siens, ou, pour mieux
dire, l'impossibilité d'y remédier plus tôt les avait
arrêtés jusqb'ici.
Vincent de Paule se trouvait un jour dans un des
quartiers les plus déserts de Paris. La neige tombait
et couvrait la terre; il marchait vite. Tout coup il'
s'arrête en apercevant au pied d'un vieux mur un
petit enfant couché sur un peu de paille, et couvert
de la neige qui semblait lui faire un berceau! Ses
cris s'entendaient au loin. Vincent le prend dans
ses bras, l'enveloppe dans son manteau comme un
trésor volé, et se dispose le porter la maison de
charité la plus voisine. Pour être continué.)
Plusieurspélilionsontéléremises au Roi pendant
ce long parcours, qui n'a pas duré moins d'une
heure et demie. A deux heures environ S. M. est
revenue prendre place en face de son palais et au
pied de l'arbre de la liberté; S. A. I. et R. Madame
la duchesse de Brabant, tenant dans ses bras la
jeune princesse Louise-Marie, a paru au balcon de
la colonnade, et le défilé a commencé une
heure et demie.
Il s'est terminé 3 heures et demie. Pendant ces
deux heures les cris de Vive le Roi! n'ont cessé de
retentir. Jamais on ne vit une pareille ovation. Les
corporations ouvrières, toutes les associations phi
lanthropiques de secours mutuels, se sont distin
guées au défilé par leur enthousiasme. Les décorés
de la Croix de fer, les blessés et combattants
dç Septembre, les volontaires de i83o et la garde
civique mobilisée de cette époque étaient tous
représentés dans celte solennité nationale et ont
acclamé le Roi du cœur et de la bouche.
Le défilé terminé, le Roi est rentré au palais, et
a reparu un instant après au balcon, entouré du
duc de Brabant, de la duchesse et des principaux
personnages de sa Cour. La vaste place des Palais,
que le peuple venait d'envahir avec cette irrésisti
ble rapidité que lui seul possède, était comme une
mer dont les flots se précipitaient vers le palais...
Les salves d'acclamations ont recommencé encore
une fois avec une intensité formidable; puisleRoi
est rentré dans ses appartements, et le flot popu
laire, tout l'heure si profondément agité, s'est
écoulé lentement avec cette placidité et ce calme
qui sont les caractères distinctifs de notre race.
A trois heures, S. M. a reçu, dans le grand salon
du palais, la Chambre des Représentants, le Sénat
et les Conseils provinciaux qui lui ont offert leurs
adresses.
Le Roi a reçu ces adresses avec une profonde
émotion et une grande affabilité. Puis il a prononcé
les paroles suivantes qai trouveront de sympathi
ques échos dans tous les cœurs belges, et auront un
retentissement immense en Europe.
Messieurs,
Il ne peut pas se présenter un spectacle plus
beau et plus noble que l'unanimité d'un peuple se
confondant dans sou amour pour son pays. Ce
spectacle, vous le donnez aujourd'hui et j'en suis
profondément touché. Pour qu'une nationalité soit
solidement établie, elle doit répondre, non-seule
ment aux iutérêts, mais également aux sentiments,
aux habitudes d'une nation, et lui offrir leséléments
politiques et sociaux qui avaient fait de tout temps
l'objet de ses vœux. Un examen impartial de l'état
du pays prouvera que ce qu'il avait si longtemps
désiré il l'a obtenu. Il a la liberté avec l'ordre pu
blic, la sécurité avec la plus scrupuleuse légalité; il
a fait les progrès les plus remarquables dans les
sciences, les arts et l'industrie et en même temps sa
richesse, si admirablement développée, est, pour la
première fois, exclusivement réservée ses enfants.
L'histoire nous enseigne que nos belles pro
vinces ont souvent été la cause de grandes guerres-
plus qu'aucune autre partie de l'Europe, elles ont
été arrosees du sang des nations, sans que la ques
tion de leur position politique ait été définitivement
décidée. En face de ces difficultés sans cesse renais
santes, l'Europe a cru qu'en vous confiant votre
existence vous-mêmes, ce but si souvent manqué,
pourrait être atteint. Vous avez, votre grand
honneur, résolu celte question; la lâche que l'Eu
rope vous confiait a été remplie. Vous vous trou
verez ainsi dans les meilleures relations avec toutes
les puissances et plus spécialement dans les rela
tions les plus amicales avec celles dont vous êtes
les voisins. Forts de ces résultats honorables de
notre existence indépendante, espérons que la
Providence divine nous continuera sa protection et
n'oublions jamais la devise que le pays s'est donnée
lui-même que l'Union fait la force!