44me Année. Samedi 18 Août 1860. A0 4,474.
7??.33S, 18 AOÛT.
REVUE POLITIQUE.
N
LE PROPAGATEUR.
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN,
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR
TROIS MOIS.
FOI CA.TIIOLIQUE. CONSTITUTION BELGE.
POUR LE DEHORS FR. 7*50 PAR
AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
POUR 3 MOIS.
La situation générale ne s'améliore pas; toujours
la même incertitude et les mêmes appréhensions
dans le monde politique comme dans le monde
financier. Que feront les grandes puissances en
présence de ce qui se prépare dans l'Italie du Sud
N'interviendront-elles en aucune façon? Sont-elles
bien décidées tolérer l'insolent triomphe de la
révolution? La Pairie de Paris est pour l'affir
mative. Naturellement, dit elle, beaucoupd'esprits
se préoccupent des complications qui peuvent
oaître du triomphe de Garihaldi et de la chute du
roi de Naples. Hâtons-nous de dire que ces com
plications, fort graves sans doute, ne nous semblent
pas aussi dangereuses qu'on le suppose pour la pais
de l'Europe. Car il est bien évident que la France
et l'Angleterre, en acceptaut de concert le priocipe
de con-interveotion dans les affaires italiennes, ne
s'étaient point fait illusion sur ce qui se passe en
Italie, au point de croire impossible la victoire de
la révolution. Cette éventualité était donc prévue,
et si elle se réalise elle oechangera rienl'attitude
du gouvernement français et du gouvernement
britannique. Si la feuille parisienne a raison quant
la France et l'Angleterre, en sera-t-il de même
de l'Autriche?
L'accomplissement du plan de Garibaldi contre
la terre ferme paraît moins certain, et le gouverne
ment napolitain recommence parler plus haut
qu'il n'en avait pris l'habitude depuis quelque
temps. On sait que M. Marina, l'un des plénipoten
tiaires qu'il avait envoyés Turin, est arrivé h
Paris; l'autre plénipotentiaire, M. Wiospeare, a
reçu l'ordre de quitter Turin dans uu délai déter
miné, s'il n'obtenait aucun résultat.
En Sicile, on a proclamé le Statut; cependant les
choses n'en vont pas mieux, car le ministère du
dictateur vient d'être encore une fois remanié.
Naples continue d'être tranquille; et un télé
gramme, daté de Florence le i5, assure que
l'année garde une bonne attitude, aiosi que la
garde nationale. Le 6, il y a eu une revue
générale des troupes de la capitale et des environs.
Le Roi, entouré de l'état-major, a adressé aux
soldats une allocution chaleureuse qui a produit un
excellent effet sur l'armée et la population.
Le Morning- Chronicle s'attache démontrer
que l'éventualité d'une uouvelle guerre entre la
France et l'Autriche est prévue k Vienne.
Une dépêche de la télégraphie privée, en date
de Vienne, le i3, a transmis deux extraits des dis
cours prononcés par l'empereur d'Autriche et par
le roi de Bavière l'inauguration du chemin de fer
de Salzbourg. Les deux augustes interlocuteurs se
sont félicités, en termes fort clairs de l'entente
établie k Tœpliiz entre le premier et le prince-
régent de Prusse. Je ne puis, a dit l'empereur
François-Joseph, m'abstenir de reporter avec joie
tua pensée au jour où j'ai pris la main du Prince Ré*
geut pour donner plus de force aux sentiments
communs que nous apportions k cette entrevue;
et le roi de Bavière a répoudu: L'entrevue ami
cale des princes souverains d'Autriche et de Prusse
a été saluée récemment avec un enthousiasme pleiu
d espérances. Elle est une garantie de la concorde
de l'Allemag ne.
De même que l'empereur d'Autriche avait crié
en terminant Vive la concorde de» princes et
des peuples de l'Allemagne le roi de Bav.ère,
k sou tour, a fait entendre le cri de Vive la
concorde des deux grandes puissances alle
mandes
Ce langage nous semble plus significatif que ne
voudraient le faire croire les journaux français
tenant de près ou de loin au gouvernement.
Au rapport de la Gazette des postes de Franc
fort, l'empereur de Russie arrivera k Varsovie le
3 septembre, et il recevra dans celle ville les
visites de l'empereur d'Autriche et du prince de
Prusse, qui est parvenu, dit la feuille allemande, k
réconcilier les deux souverains.
On apprend par la voie de Marseille qu'on
complot a été découvert k Buynckdéré, près de
Constantinople. Les conjurés avaient te projet de
saccager les ambassades. De nombreuses arresta
tions ont eu lieu. Un dépôt d'armes a été également
saisi.
Un autre télégramme annonçait que Balbeck a
été pillée et que les chrétiens ont été tués. Cette
nouvelle est confirmée par plusieurs lettres.
COURS LEGAL DE LA MONNAIE D'OR FRANÇAISE.
Voici le résumé de l'exposé des motifs que M.
Barthélémy Dumortier apporte k l'appui de sa
proposition tendant k donner un cours légal k
la monnaie d'or française.
Le cours légal de la monnaie d'or française est
réclamé par la presque uoanimité des citoyens.
Cette monnaie constitue la presque totalité de la
circulation du pays.
Dans la situation monétaire actuelle de la Bel
gique, la loi du 28 novembre 18ÔO, n'a donc plus
de raison d'être. Elle avait été portée, comme le
disait M. Frère, alors ministre des finances, pour
mettre le droit en harmonie avec le fait, attendu
qu'à cette époque la monnaie d'argent existait
seule dans le pays, et que les pièces d'or y étaient
entièrement inconnues. Aujourd'hui que l'inverse
existe, le droit D'est plus en harinouie avec le fait,
et c'est k cela qu'il faut arriver.
La loi actuelle est injuste, puisqu'elle force le
pays k se servir de monnaie qui a bien moins de
valeur que la monnaie d'or.
Elle est despotique, puisqu'elle n'admet comme
monnaie légale que celle d'argent qui n'existe plus
qu'à l'état de mythe daus la plus grande partie du
pays.
Elle est immorale puisque le manque de monnaie
légale établit en fait le cours forcé des billets de
bauque; c'est le remplacement de la monnaie
métallique par la monnaie de papier.
Elle est désastreuse, puisqu'elle occasionne des
,pertes sans cesse renaissantes aux citoyens et cela
pour satisfaire une théorie menteuse et la rapacité
des banques, qui par Ik s'eurichisseDt aux dépens
du public.
Si l'Étal veut n'avoir comme monnaié légale que
la seule circulation d'argent k l'exclusion de l'or,
soit, mais qu'il commence par doDoer au pays de la
monnaie d'argent, pour satisfaire aux besoins de
toutes les transactions.
Vouloir forcer le pays, a n'avoir pour monnaie
légale, que celle qui n'existe qu'à peine dans la
circulation, c'est iniquité contre le pays.
Le léginte actuel en constituant tous les citoyens
en perte au profil des banques, favorise le scanda
leux agiotage des banques et des marchands
d'argent aux dépens de toutes les classes de la
société. Eu développant dans les proportions
démesutées la circulation des billets de banque, il
expose le pays k d'affreuses crises monétaires et
pourrait, par une manœuvre financière de l'étran
ger, amener dans un temps de crise politique, la
perte de notre nationalité.
La gravité du mal saute k tous les yeux; le pays
entier réclame le cours légal des monnaies d'or
françaises k leur valeur nomioale. Si le régime
constitutionnel est le gouvernement du pays par le
pays, n'hésitons pas k faire ce que le pays entier
réclame, en adoptant la loi que la Suisse a votée
pour revenir d'une erreur dans laquelle elle a eu
la sagesse de ne pas s'obstiner.
On lit dans VÉconomiste belge
La réunion de la Société belge d'économie
politique a eu cette fois une importance et une
signification particulières. Quoique la Société s'in
terdise rigoureusement de toucher au domaine de
la politique, elle n'a pas cru pouvoir cependant
demeurer étrangère aux manifestations qu'a pro
voquées dans tout le pays la propagande annexion
niste. Elle a voulu, en mettant k son ordre du jour
la question de l'annexionnisme envisagé au
point de vue économique. faire ressortir une
vérité dont le seotiment existe sans doute dans
notre pays, mais qu'il n'était pas mauvais de
démontrer d'une manière positive et explicite,
savoir que nos intérêts matériels s'accordent
pleinement dans cette question avec nos intérêts
moraux et politiques: que nous perdrions comme
producteurs et comme contribuablesnon moins
que comme citoyens, être annexés la Fra nce.
Cette démonstration a été faite, avec une clarté
saisissante, par les différents membres de l'assem
blée. L'énorme disproportion des charges publiques,
et en particulier de la dette nationale dans les deux
pays, a été mise notamment en pleine lumière.
Ainsi, il a été fort bien prouvé que l'annexion
doublerait pour nous le fardeau déjà assez lourd
de l'impôt; que la part de chacun dans le montant
de la dette publique, qui est actuellement de i3o
fr. seulement, s'élèverait k 2Ôo fr., etc., etc. D'un
autre côté, cette augmentation des charges publi
ques, eD accroissant dans une proportion notable
les frais généraux de toutes les industries, lenr
ôterait le principal avantage auquel elles doivent
aujourd'hui l'extension rapide de leurs débouchés,
savoir le bon marché du prix de revient. Placée
sous l'influence de conditions de production moins
avantageuses, notreindustriese développerait moins
vite, elle aurait k distribuer moins de salaires et
moins de profits, et le résultat final serait un
appauvrissement relatif du pays. En coDséqueoce,
la Société d'économie politique, dérogeant pour
cette fois k ses habitudes, a cru devoir manifester
l'opinion unanime de ses membres en votant une
résolution portaul en substance que sous le rap
port matériel, aussi bien que sous le rapport moral
et politique, la Belgique est intéressée k demeurer
indépendante et libre.
Cette résolution, qui n'implique, du reste,
avons-nous besoin de le dire? aucune pensée
d'hostilité a l'égard de la France, cette résolution
a d'autant plus de portée que la Société d'économie
politique compte dans son sein, non-seulement de
simples théoriciens, mais encore des représentants
notables de l'industrie, promoteurs du mouvement
de la réforme douanière.