44me Année.
l\o 4,477.
TFF.3S\ 29 AOÛT.
REVUE POLITIQUE.
Nous vivons dans un temps étrange. Le
monde attend en silencece qu'il conviendra
un chef d'aventuriers de faire, et le nœud
des destinées européennessembleêtre dans
les mains de Garibaldi. Qu'a-t-il fait? Que
fera t-il? Est-il arrivé? Est iI parti? Parlira-
t-il? Sur quel point débarquera-l-il? Telles
sont les questions qui se succèdent. Naples
est dans l'attente et dans la stupeur, et,
chaque jour, c'est une nouvelle alerte. 11
approche, il vient, c'est lui, non ce n'est
pas lui encore; ce sera dans trois jours, ce
sera demain.
11 semble qu'on relise l'épisode du retour
de l'île d'Elbe, quand chaque courrier
annonçait un échec, quand les bras du
télégraphe ne se remuaient l'horizon
lointain que pour dénoncer l'approche du
péril. D'un côté l'activité, l'audace, qui
marche toujours en avant, l'à-propos, la
chance, la confiance dans le succès du
lendemain augmentée par le souvenir du
succès de la veille; de l'autre côté, le
découragement, l'incertitude, les tâtonne
ments, la prévision de l'échec du lendemain
naissant du souvenir des échecs déjà éprou
vés. Mais du moins, en 1815, c'était l'em-
pereurNapoIéon, le front rayonnantencore
du reflet de cent victoires, qui causait ces
appréhensions et déconcertait les résis
tances; c'était le vainqueur d'Arcole, de
Marengo,d'Austerlitz, d'Iena, de Friedland,
de la Moscowa, celui qui était entré en
maître danslouteslescapitales de l'Europe,
qui ébranlait par le bruit de ses pas un
trône nouvellement rétabli. César, en ré
agi sur uu cœur ulcéré, sans certaines circon
stances qui réveillaient ses douleurs et ses colères
un moment endormies. Souvent, durant l'automne
de 1812, Julie vit arriver des lettres, timbrées de
quelque ville lointaine d'Allemagne et de Lithua-
nie... Ces lettres, dont l'adresse était toujours de
la même main, étaient portées Mra° Godefroy
qui les regardait en pâlissant, et les renvoyait im
pitoyablement sans daigner les ouvrir. Alors les
vieux domestiques se disaient entre eux Encore
une lettre de M. Edmond que madamearenvoyée!
Et Mma Godefroy, alors, ne sortait de ses médita
tions funestes, que pour lanc-"r quelques mots pleins
d'amertume sur les liens de famille, ou pour
applaudir aux désastres decettearmée dont les mal
heurs retentissaient dans la France, si longteui| s
triomphante, comme des coups de foudre dans un
ciel serein.
LE PROPAGATEUR.
POUR LA. VILLE 6 FR. PAR AN,
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR
TROIS MOIS.
FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE.
POUR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
POUR 5 MOIS.
Les dernières nouvelles arrivées d'Italie
s'accordent présenter la situation de la
Péninsule comme devenue de plus en plus grave,
bien que le voile ne soit pas levé éncore sur les
véritables intentions du cabinet piémontais, ni
même sur l'état des choses dans les provinces
napolitaines occupées par l'insurrection. Les
lettres de Naples du 2 i répètent le bruit qu'une
insurrection aurait éclaté dans la Basilicate et
que l'intendant royal résidant Po'enza aurait
arboré lui-même le drapeau de la révolte.
4,ooo insurgés déjà se seraient joints aux
troupes garibaldiennes et un premier engage-
ment aurait eu lieu entre celles -ci et tes troupes
royales, engagement dont l'issue serait encore
ignorée.
Néanmoins, si on en croit les dernières nou
vel/es de la Pairie, la terreur qui plane en ce
moment sur les habitants de Naples et leurjait
appréhender d'un moment l'autre l'arrivée de
Garibaldi par mer, ne répond pas aux projets
du dictateur de la Sicile. En effet, selon cette
version, les garibaldiens n'occupaient que
l'extrémité de la Calabre ultérieure première,
et on assurait que Garibaldi se proposait de
suivre la route stratégique qui va de Reggio
Naples, et d'arriver sur la capitale en traver
sant cette partie du royaume. Si les populations
le secondent, il pourra être rendu Naples
dans quinze jours environ.
Mais l'absence de communications régulières
empêche de rien connaître de positif sur les
vicissitudes de l'insurrection des Calabres. Nous
ne sommes pas même édifiés sur ce qui s'est
passé Reggio, première ville occupée par les
garibaldiens. Le fil télégraphique étant brisé de
Reggio jusqu'à Palmi, on ne peut avoir des
dépêches que par des courriers qui les appor
tent Palmi, ou par des bateaux vapeur qui
les prennent Messine.
Les débarquements continuent. Les troupes
m——
eDtyjLQII o
(Sl'ite.) Voir le u° du Propagateur.
IV.
LA DEMOISELLE DE COMPAGNIE.
Quinze jours après, Julie e'iail installée dans son
joli appartement de la plus belle maison de Mantes,
appartenant Mm" Godefroy, et elle tâchait de se
mettre au fait de ses nouveaux devoirs. Ils n'étaient
ni compliqués ni difficiles. Donner quelques soins
la maison et transmettre deux vieux domestiques
les ordres de leur maîtresse; ne pas quitter celle- ci,
lire haute voix ou faire de la musique auprès
d'elle; telles étaient ses obligations. M"" Godefroy,
taciturne, sombre, ensevelie dans des pensées
desolées, ne demandait pas sa jeune compagne
cette conversation intarissable, ce babil flatteur, ce
partage vide, ordinaire supplice des pauvres demoi
selles de compagnie; vivant solitaire, elle ne lui
imposait pas le contact et les méptisdu monde; et,
eu somme, cet emploi, qui se bornait l'exercice
de quelques talents, aurait pu paraît e commode et
facile 'a tout autre qu'à Julie.
royales sont toujours entre Monteleone et le
Pizzo.
A Naples, dit la Patrie, on continuait jouir
de la plus grande tranquillité apparente. Le
comité révolutionnaire semblait résolu pro
voquer pour la troisième fois un mouvement
dans l'intérieur de la ville, Deux fois, un projet
semblable avait été décidé, mais la population
n'avait pas répondu l'appel du comité. Les
préparatifs de dé)ènse continuaient ènergique-
rnent.
Le comte d'Aquila, exilé, comme on sait, de
Naples, vient d'adresser /'Opinion Nationale
de longues explications sur les motijs auxquels
il attribue la disgrâce qui l'a Jrappé. Il est,
dit il, un chaud partisan de la constitution, et
les conseils qu'il a donnés lui ont attiré la haine
de la camarilla réactionnaire et des ministres.
Cette dernière assertion nous paraît d'autant
plus inexplicable, que le programme que le
prince ajoute sa communication indique
précisément les mesures politiques qui ont été
prises par le ministère.
Les journaux offcieux de Paris sont pleins
de détails sur l'accueil fait Napoléon 111 par
les Lyonnais. Il paraît que cet accueil a été
chaleureux. Une dépêche télégraphique apprend
que MM. Farini et de La Rocca, envoyés de
Turin pour féliciter l'Empereur, sont arrivés
Chambéry,
/.'Indépendance persiste soutenir que le
représentant turc Paris a refusé, Jaute d'in
structions, de signer le complément des proto
coles qui règlent l'intervention en Syrie des
puissances européennes.
Les troupes françaises en Chine ont pris
possession le 8 juin de la rade de Chou-fou. On
lira plus bas une correspondance qui nous
donne sur les mouvements des forces combinées
de la France et de l'Angleterre jusqu'au 28
juin des détails intéressants et précis. Il est
possible dit le correspondant du Journal des
Débats, que la marine anglaise et la marine
française ne s'aiment point, mais elles s'esti
ment. Nous relevons ce mot juste, qui est vrai
Mais celle-ci, âme délicate et douce, souffrait de
ces secrètes douleurs dont elle était témoin, et qui
se trahissaient par de sombres silences, de longs
abattemeuts ou des violences sans motif. Julie
n'opposait aux capricieux élans de cette affliction
ma ter uel le qu'une patieuce toujours égale et souvent
victorieuse; car elle était de ceux dont le Sauveur
du monde a dit Heureux ceux qui sont doux,
car ils posséderont la teire! Heureux les pacifiques,
car ils seront appelés enfants de Dieu (1 Et, petit
petit, elle essayait, par la conversation, par la
lecture même, d'infiltrer dans l'âme de M"10 Go
defroy un peu d'indulgence, uu peu de paix.
Elle éloignait, par une vigilance continuelle, les
sujets d'une aigreur qu'autrefois la maladresse
d'un valet suffisait provoquer; elle défendait tou
jours les absents, et, par piincipe et par goût, elle
mettait en avant, sous une forme simple et ingénue,
c»s maximes miséricordieuses que l'Evangile nous
retiace chaque page, et s'efforçait d'entourer la
pauvre mère d'une atmosphère de paix et de séré
nité qui la disposât plus tard au pardon, l'oubli.
Ce don de conciliation et de gtâce, si éminent chez
celte jeune fille, aurait peut être insensiblement
(1) Saint M l li le u chap. v.
en Europe des deux nations comme il l'est en
Chine des deux escadres. Cette estime récipro
que, dût-elle être mêlée de part et d'autre d'un
peu de défiance, de crainte et d'envie, n'est
pas, après tout, un gage médiocre d'union.
AFFAISSEMENT DE LA MORALE PUBLIQUE.
Bientôt les lettres n'arrivèrent plus; quelques
bulletius seuls parvenaient alors la patrie, et sem
blaient lesderniers soupirsde la grande arméeexpi-
ranle; ils annonçaient aux épouses, aux sœurs, aux
mères, le sort de qua,lre cent mille soldats mou
rant sur les redoutes de la Moskowa. sous les
murs embrasés du Kremlin, aux bords glacés du