Aussi sommes-nous convaincus, Sire, que si la
Belgique n'est pas grande par l'étendue de son
territoire, ni par le nombre de ses soldats, elle sera
toujours grande par son attachemeut a l'Église et
par sa fidélité son Boi. Si elle ne peut point faire
trembler ses voisins par la puissance de ses armes,
elle saura du moins leur inspirer toujours l'estime
et le respect par la noblesse et par l'énergie de ses
sentiments.
Puissent ces sentiments se fortifier de jour en
jour, sous l'influence salutaire des principes qui ont
créé la Belgique en i85o!
Puisse le clergé ne rencontrer que bienveillance
et appui de la part de l'autorité civile, dans l'ac
complissement de sa mission pacifique et bien
faisante!
Aujourd'hui, Sire, que le peuple a le bonheur
de voir Vot'e Majesté, comme un père au milieu de
sa famille, qu'il soit permis au premier pasteur de
ce diocèse de lui dire, combien le clergé et tous
nos bons catholiques lui sont reconnaissants du
bien qu'Elle a fait la Belgique, et du mal qu'Elle
y a empêché.
Afin de reconnaître ces bienfaits, nous continue
rons, Sire, prier le Seigoeur Tout-Puissant, afin
que longtemps encore il prolonge les jours pré
cieux de Votre Majesté, pour la gloire et la joie
de sa famille et pour le bonheur du pays.
Sa.,Majesté a répondu peu près en ces
termes
Monseigneur, Messieurs,
Il y a 29 ans que je me trouve au milieu de
vous, et depuis ce temps, je n'ai jamais vu changer
les sentiments patriotiques du clergé. Je sais com
bien il aime son pays et combien il lui est dévoué.
De mon côté j'ai toujours attaché le plus grand
prix aux intérêts religieux. Roi constitutionnel, je
les ai toujours défendus dans les limites de notre
droit. Mes sentiments non plus n'ont jamais changé,
et ils ne changeront pas. Tels ils ont été au passé,
tels ils seront a l'avenir.
En comparant la situation de la Belgique, h
celle des autres pays de l'Europe, vous verrez MM.
que nous ne sommes pas les plus h plaindre. Ail
leurs on rencontre bien des difficultés et bien des
désagréments que nous ne connaissons pas. Ayons
doue courage et confions-nous dans l'avenir delà
Belgique. Je vous remercie, Messieurs, en mon nom
et au nom de mes enfants des sentiments de dévoue
ment et d'affection qui viennent de m'être expri
més.
A l'issue de la réceplion royale, un gra
cieux essaim de toutes jeunes filles a pré
senté M°" la Duchesse de Brabant un
charmant et magnifique bouquet que S. A.
H. et I. a accepté avec son affabilité habi
tuelle.
A 7 h., a eu lieu le banquet offert par la
ville d'Ypres ses hôtes illustres dans
l'immense enceinte des Halles. Le banquet
était de 500 couverts, et l'on rend généra
lement hommage sa somptuosité toute
royale. Durant le repas les deux excellents
corps de musique des Pompiers et du 1-1*
de ligne se sont fait entendre tour tour.
Uue cantate chantée par les sous-officiers
de la ligne a été fort applaudie.
M.AIph. Vandenpeereboom, notre hono
rable bourgmestre, a porté le toast au Boi.
Heureusement inspiré par les lieux, la
circonslance, par la présence en cette
même enceinte, superbe témoin de nos
grandeurs passées, de ce Roi, le plus ferme
appui, le plus sur garant de notre natio
nalité et de tous nos droits, il n'a point été
difficile l'orateur de trouver un écho
puissant dans tous les cœurs, en y faisant
vibrer la fibre du patriotisme.
Le Roi a répondu avec cette exquise
urbanité, ces manières nobles qui ne
l'abandonnent jamais.
Au moment où commençait le banquet,
une splendide illumination inondait déjà
toutes nos rues de ses feux. Sur ces entre
faites également un festival avait lieu sur
la Grand'Place. Enûn un beau feu d'artifice
est venu clore celte trop courte journée.
Le lendemain, avant que de quitter la
ville, le Roi et les Princes sont allés visiter
l'église de S'-Marlin, accompagnés du ma
réchal du Palais comte Vanderstraeten, du
général de Lannoy, ainsi que du ministre
des affaires étrangères, du bourgmestre de
cette ville et d'autres fonctionnaires. Sous
le grand porche, Mgr l'évêque de Bruges,
accompagné d'un nombreux clergé et du
conseil de fabrique de l'église, compli
menta les augustes visiteurs. S. G., quoique
relevant peine d'une grave indisposition
et habitant en ce moment la campagne,
avait voulu faire Elle-même les honneurs
de notre ancienne cathédrale. A diverses
reprises le Roi ainsi que les princes ont
manifesté leur admiration pour les beautés
artistiques de ce superbe monument du
moyen âge.
Bientôt après, 41 h., les illustres hôtes
qu'Ypres était si fière de posséderquit
taient ses murs, au bruit des cloches et du
canon, tandis qu'une dernière fois les cris
de Vive le Roi! Vive la Famille royale! re
tentissaient sur leur passage.
Deux jours se sont écoulés depuis que
le. Roi et sa famille ont pris congé de nous,
et tout encore cependant est plein de leur
souvenir. La vue seule du Roi, cet air de
paternelle majesté empreint sur toute sa
personne, l'affabilité des Princes, ses fils,
les grâces de Mme la Duchesse de Brabant
ont laissé sur tous une profonde impres
sion.
Puisse S. M. aussi, puissent ses nobles
enfants se rappeler avec quelque plaisir la
réception si franchement cordiale qui leur
a été faite. Nous savons d'ailleurs qu'à
diverses reprises, S. M. a daigné manifes
ter M. le bourgmestre combien Elle se
sentait profondément touchée de toutes les
preuves d'attachement qu'Elle avait reçues
depuis son arrivée au milieu de nous.
MM. Carlon, commissaire de l'arrcodisseroent
d'Ypres, Boedi, conseiller de régence, Vanden-
broucke, juge de paix el Vanpraet, conducteur des
ponts el chausse'es, sont nommés chevaliers de
l'Ordre de Léopold. A cette occasion, une bril-
laote sérénade a été donnée hier ces Messieurs,
par l'excellente musique du corps de sapeurs-
pompiers.
M. Comyn bourgmestre de la commune de
Langhemarck est nommé chevalier de l'Ordre de
l.éopold.
Dimanche dr, un malheur est arrivé en cette
ville. Un cavalier ne pouvant maîtriser sa monture,
s'est vu emporté par elle. Le cheval, dans sa course
effrénée a foulé aux pieds un homme qui dans sa
chute a eu la tête écrasée. Plusieurs personnes en
voulant éviter le même sort se sont tellement
bousculées qu'elles sout tombées la renverse.
Elles en ont été quilles pour la peur.
Nous pouvons assurer, sans exagération aucune,
que dans la journée du 16 de ce mois, la popula
tion d'Ypres était plus que triplée.
Voici le toast que, pendant le banquet, M. e
Bourgmestre d'Ypres a porté au Roi
Messieurs,
1
J'ai l'bonneur de porter on toast au Roi et la
famille royale!
Messieurs, daDS le vaste monument où nous
sommes réunis en ce moment, se réunissaient jadis
les libres bourgeois d'Ypres, nos ancêtres. C'est
dans cette salle que nos pères recevaient leurs
•comtes lorsqu'ils venaieut dans leur bonne ville
d'Y'pres; c'est daos celte salle que uos pères prê
taient h leurs boDS princes serment de fidélité,
d'amour et de dévouement.
Messieurs, oous recevons aujourd'hui dans cette
même salle un Roi qui oous a donné trente ans de
liberté et d'indépendance, c'est-à-dire de bonheur,
des princes et une princesse que le pays adore.
Imitons nos ancêtres; prêtons, en cette circon
stance solennelle, notre bon Roi et nos princes
chéris, serment de fidélité, d'amour et de dévoue
ment; et que ce serment se résume en ce mot gravé
au cœur de tous les Belges Vive le Roi! vive la
famille royale!
Le Roi a répondu
Messieurs,
Laissez-moi vous exprimer ma vive reconnais-
sauce aiusi que celle de mes enlants pour votre
accueil si sympalhique. Il y a de longues années
que je ne me suis trouvé au milieu de vous, et je
suis heureux de constater que les sentiments pa
triotiques qui constituent la base de l'existence des 1
peuples, je les retrouve chez vous plus vivaces que
jamais. Vous saurez les conserver. Je bois la
prospérité de la ville d'Ypres et des nombreuses
communes ici représentées. Je bois la gloire et
la prospérité de la vieille Flandre!
Des acclamations prolongées ont accueilli les
paroles royales.
L'aspect général des rues que devait traverser le
cortège royal était magique. Nous n'essaierons
pas ici d'en donner une description forcément dé
colorée. Disons seulement que la rue de Lille sur
passait toutes les autres, sous le rapport de l'art et
que sa décoration fait le plus grand honneur aux
frères Sôbm au taleot incontesté desquels elle avait
été confiée. La rue Saint-Jacques, elle aussi pré
sentait un coup d'œil superbe et des éloges bien
mérités sont dûs la commission chargée de son
ornementation.
S. M. le Roi, LL. AA. RR. et I. le Duc et la
Duchesse de Brabant et S. A. R. le Comte de
Flandre, ont quitté, avant-hier, vers 1 x i|4 heures
du matin, la ville d'Ypres, et se sont rendus
en poste Messioes, pour y visiter l'établissement
d'orphelines, fondé par Marie-Thérèse dans les
bâtiments de la grande el célèbre abbaye de l'en
droit. Les augustes personnages ont été reçus et
complimentés, l'entrée de l'établissement, par
M. Vandenpeereboom, bourgmestre de la ville
d'Ypres et président de la commission de l'Institu
tion royale de Messines. Les élèves se trouvaient
rangées, par groupes, daos la grande cour de
l'Institut. A l'apparition de la Famille Royale, elles
ont exécuté une cantate de circonstance.Cette exé
cution a fait honneur ses interprêtes et a consacré
une (ois de plus la réputation flatteuse dont jouit,
si juste titre, le bel établissement si dignement
dirigé par une directrice d'élite, Mma la supérieure
Syx, sous l'habile surveillance d'un homme émi
nemment respectable M. le Comte Bocquel de
Beanval. La Famille Royale, suivie de toutes les
élèves, a visité successivement et avec une attention
soutenue les dortoirs, les classes, etc. ett a té
moigné, plusieurs reprises, sa satisfaction sur le
bon ordre, l'excessive propreté qui y régnaient et
est ensuite entrée dans la salle principale de
l'Institution où un banquet attendait les augustes
visiteurs. Pendant le (estin, une des plus jeunes
élèves s'est avancée au devant de la Famille Royale
el en lui adressant un compliment bien tourné et
surtout 1res bien fait lui a présenté un ^magnifique
bouquet que la Famille Royale a accepté avec
cette gracieuseté exquise qui lui est si habituelle.
En quittant I Institution, la Famille Royale s'est
rendue YVarnetoo où elle a reçu un excellent
accueil. De arneton, elle est allée a Comines,
ou elle a trouvé la berline royale qui l'a ramenée
9 Bruxelles.