44me Année.
Mercredi 3 Octobre 1860.
No 4.487.
4 fr. pour 6 mois, 2-50 pour FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE. an, Sjr. pour 6 mois, 2-75
Le dernier rempart de la liberté du
Sainl-Siége apostolique est tombé. L'hé
roïque garnison d'Ancône a essuyé pendant
près de huit jours un feu épouvantable.
Ce n'est que lorsque toutes ses pièces, sans
exception, ont été démontées que le général
de Lamoricière a demandé capituler.
Quelle que soit l'issue de ce drame, dont
on pouvait calculer d'avance les péripéties,
les hommes droits ne doivent pas se laisser
décourager.
En effet, quelle grandeur morale dans
le glorieux rôle que jouent Lamoricière et
sa poignée de héros! Quel noble et conso
lant spectacle pour les honnêtes gens que
cette énergique affirmation du droit, de
l'honneur et de la liberté par une petite
phalange de soldats chrétiens, passant
Castelfidardo travers les épaisses lignes
piémontaiseset tenant ferme sur les bas
tions d'Ancône, comme des barres de fer.
Oui (cela nous fait du bien de le répéter),
au milieu de toutes les hypocrisies et des
lâchetés de notre temps, nous avons tres
sailli d'enthousiasme en apprenant la
belle mort de nos parents et de nos amis,
tombés la tête en avant et la main sur la
garde de leurs épées, sur ces rochers dé
sormais célèbres des Apennins.
Ancône n'a pas su résister la force
matérielle écrasante de l'armée piéraon-
taise. Quel triomphe pour Lamoricière et
ses 7,000 frères d'armes! Ils sont tombés,
mais avec les quartiers de roc, sur lesquels
ils avaient dressé leur noble et indestruc
tible étendard, indestructible parce que le
droit ne meurt pas. On leur arrache, ces
héros, nos frères, la liberté, la vie, mais
non l'honneur; les balles et les boulets
ont étouffé leurs voix, mais n'empêcheront
pas leur sang de témoigner de la justice
de leur cause. On croira plus que jamais
ces témoins qui se font massacrer pour sou
tenir la vérité qu'ils proclament.
Les rois et les empereurs passent, mais
les principes demeurent. Et quand on
combat énergiquement pour un principe,
on triomphe toujours.
La journée de Castelfidardo et le siège
d'Ancône feront plus pour le patrimoine
de l'Eglise, la glorification et la défense
du droit, que toutes les armées d'occupation
de la politique impériale.
Courage, Saint-Père, courage, noble
vieillard ta faiblesse est ta force. Il y a
huit sièclesGrégoire VII mourait Sa-
lerne en s'éeriant o J'ai aimé la justice,
j'ai haï l'iniquité, c'est pourquoi je meurs
dans l'exil! Et Grégoire VII mourant
fondait cette mémorable suprématie de la
Papauté qui remplit la plus glorieuse
moitié du moyen-âge.
Si tu dois reprendre le chemin de ce
grand Pontife et de vingt de ses succes
seurs, si tu dois subir les dures épreuves
de tes deux prédécesseurs de ce siècle,
Pie comme toiappuie ta faiblesse et ta
vieillesse sur cinquante raillions de famil
les catholiques.
Les Papes ne meurent pas, pas plus que
l'honneur, la justice et la liberté.
Tu le prouveras et nous le prouverons
avec toi.
Courage, Saint-Père, courage; et vous
catholiques, de l'énergie! (Universel.)
LE PROPAGATEUR.
pour la ville 6 fr. par an, pour le dehors fr. 7-50 par
trois mois. -a- pour o mois.
7??.3Q, 3 Octobre.
HISTOIRE DE THÉODELINDE,
reine de lombardie.
(Suite.) Voir le n° 4/l86 du Propagateur
J.orsqa'elle fut rentrée dans son appartement:
O ma seconde mère, dit-elle Mélire, avez- vous
remarqué le zélé avec lequel ce jeune envoyé
remplit ses fonctions! Queison émotion était vive
en parlant au nom dé son roi! Aulharis lui-même
ne se fût pas exprimé avec plus d'âme et plus de
feu. La voila donc celle cçurontie que doit porter
mon front! Je la vois saus crainte, depuis que
Cléphoé l'a posée sur ma tête. Il espère que
je serai heuieuse avec Antharis; et il le dit si bien
que je ne crois pas impossible de le croire... Ab!
sans doute ce jeune ambassadeur est un des plus
graods personnages «le la cour de Pavie il doit être
utile l'empire, et je ferai tous mes efforts pour lui
conserver la confiance do roi dont il est l'ami.
Ce discours de Ihéodelinde ne fil que trop
aisément counaitre Mélire le nouveau sentiment
que le jeune ambassadeur avait fait naître dans le
cœur de sa nièce; et elle commença d'en craindre
les résultats.
I
Une correspondance française émel avec beau
coup de justesse les considérations suivaules:
La grande question qui a, un moment, divisé
l'école catholique, est maintenant jngée. Qu'il soit
vrai, eu principe, que dans une société catholique
bieu ordonnée, la liberté appartient la vérité et
n'appartient pas l'erreur, parce que la liberté de
l'erreur c'est la licence, c'est ce qu'on ne saurait, je
crois, dogmatiquement contester. Mais que dans
l'état de nos sociétés modernes, dans la situation
Le lendemain, Aulharis vit, dans la cour du
châieau, Théodelinde, fort simplement vêtue, qui
distribuait aux pauvres, au nom de Jésus, divers
secours et diverses aumônes. Le jeune rot la trouva
plus belle eocore sous de simples vêtements qu'en
vironnée de la pompe royale. Il écoulait avec
attendrissement les bénédictions du peuple dont la
bienfaisante Théodelinde était l'objet. Son cœur
éprouva la plus tendre émotion lorsqu'il vit la
princesse inviter les gens de sa maison la prière,
et les conduire dans la chapelle du château.
Aulharis croyait voir dans sa future épouse
la Vertu même sous les traits d'une mortelle;
et, lorsqu'il contempla Théodelinde an pied de
l'autel du Christ, son âme se remplit d'un sentiment
qni semblait l'élever vers la Divinité. La princesse
assistait aux cérémouies sacrées sans être accom
pagnée des personnes de sa cour, et sans montrer ce
faste des cours qui vomirait en vain éclater devant
l'autel du Dieu dont la grandeur estdaDS l'humilité.
Théodelinde, qui avait les yeux baissés vers la terre,
les releva par hasard, et ses regards rencontrèrent
ceux du roi des Lombards.
Elle vit le jeaue ambassadeur happé d'un senti- ij
des peoples et des gouvernements, il ne soit
iufioiment préférable, comme question de conduite,
pour les catholiques, de reconnaître la liberté a
tous pour avoir leur liberté, cette thèse, admirable
ment développée par Mgr Parisis dans les Cas de
conscience, me paraît aujourd'hui évidente pour
tons. Ah! nous pouvons le dire avec lui aujour
d'hui. Le grand danger de l'Église, c'est dans la
politique qui cherche partout l'envahir. Elle
aime mieux incomparablement vivre libre au milieu
des scandales que d'être privée de sa liberté dans
les points essentiels. De la tranquillité, des égards,
des avantages temporels, quels qu'ils soient, achetés
au prix du mutisme de l'Eglise, malheur nous si
nous en voulions jamais! Une civilisation qui tien
drait la vérité captive sons les caprices et les calculs
du pouvoir matériel, quelque parfaite, quelque
bienfaisante qu'on la suppose, ne serait toujours
aux yeux de la foi qu'un esclavage sacrilège, et aux
yeux de la raison que la voie la dernière dégra
dation humaine. C'est ainsi qu'après avoir
comparé la situatioo de la religion «ans les pays où
la publicité et la liberté n'existaient pas sa
situation dans des pays de publicité et de liberté,
Mgr. Parisis arrivait conclure que, tout bien
considéré, la liberté et la publicité valaient mieux,
dans les circonstances où nous sommes, pour la
vertu et la religion, qu'un régime de silence et de
pouvoir absolu, et il terminait en disant On
peut en conclure formellement que, dans l'intérêt
de la morale et de la foi, nous devons accepter,
bénir et soutenir pour notre part les institutions
libérales qui régnent aujourd'hui en France. i>
Si Mgr Parisis écrivait cela en t846, qu'écri
rait donc ce prélat éminent en 1860 s'il pouvait
écrire? Ici un parallèle qui se présente la pensée
de tous, vient de lui-même s'écrire sous notre
plume. Eu i848, la France est eu république,
toutes les mauvaises passions sont déchaînées, mais
il y a des élections ouvertes, une tribune debout et
une presse libre. Les catholiques ne s'abandonnent
pas; ils vont aux élections, ils écrivent, ils parlent,
ilss'enteiideot avecles conservateurs et les honnêtes
gens de tous les partis, et bientôt il se fait une
majorité qui envoie une armée française rétablir le
Pape Rome et en chasser ce même Garibaldi qni
est aujourd'hui l'arbitre de la Péninsule italique.
Aujourd'hui, il n'y a plus de presse libre, on sait
ment profond; et alors, songeant avec douleur
qu'il avait été élevé dans Je paganisme, elle adiessa
an ciel une fervente prière pour obtenir sa con
version.
Aulharis ne tarda point demander d'être
admis parmi les chrétiens. Son baptême se fit
en présence de toute la cour. Théodelinde, vive-
ment émue, versait des larmes de joie, et remerciait
le ciel d'avoir exaucé ses prières. Quel dommage,
se disait-elle, qu'un guerrier aussi accompli fût
resté dans l'aveuglement des païens! Il est digne
d'adorer avec nous le Dieu de paix, d'amour et de
bienfaisance. Peut-être l'exemple de ses vertus
engagera-t-il les Lombards embrasser la religiou
du Christ; et peut-être mon époux loi-même....
Oui, saus doute, toute la cour de Pavie voudra
prendre pour modèle ce jeune héros.
En parlant ainsi, Théodelinde poussait de fré
quents soupirs qu'elle voulait vainement étouffer.
Cependant, pour fêter le jeune ambassadeur, le
roi de Saxe fit préparer uoe chasse laquelle forent
invités tous les seigneurs saxons. La jeune princesse
y parut sur un coursier magnifique; et accompagnée