YPRES. I rage. (i3) Et ils allaient et avançaient toujours. Mais vains efforts les ennemis les ont prévenus: une armée de quarante-cinq mille hommes leur barre le passage. Sans hésiter, a l'ordre du vaillant chef qui ne sut jamais reculer, et qui marche b leur têteplus fier yncore et plus hardi b cette heure désespérée que quand il bondissait parmi la mi traille, sous les murs renversés de Constantine, ils s'élancent et volent en avant! Voyez-vous ces collines pareilles a des forts, couvertes d'épais bataillons, et garnies d'une artil lerie formidable? C'est par Ib qu'il leur faut passer, b travers les masses profondes. Trois fois ils les gravissent b~ la baïonnette, enfoncent l'ennemi, conquièrent des positions inexpugnables. Décimés, reponssés, ils reviennent toujours. Tu les ramenais pour la quatrième fois b la charge, quand tu tombas percé de coups, b la tète de tes braves, noble Pimodan! Naguère, devant l'éclair de tes regards, tu faisais fuir épouvantées les bandes révolutionnaires, et peu de joors encore avant ce combat, croyant, noble illusion au secours annoncé, tu disais b ta généreuse compagne tes regrets A d'autres la gloire et les combats lui écrivais-tu. Mais tu te trompais; cette gloire ne devait point te fuir! Tu tombes, tu meurs, vaillant guerrier, et cette jeone épouse que tu as quittée, et ces petits enfants dont tu es le père, ils ne te verront plusl... Mais elle est digne de toi, celte femme héroïque; et quand la nouvelle de ton glorieux trépas lui arrivera, elle ne pleurera pas comme pleurent les femmes. Vainement pren- dra-t-ou des ménagements pour lui annoncer la fatale nouvelle Ne lui écrivez pasloi dit-on, il est prisonnier... Elle, se détournant, et avec un accent inexprimable Prisonnier dit-elle, c'est impossible il est mort... allons l'église prier pour lui. Et puis tout b coup, comme si le coeur du guerrier eût passé tout entier dans le sien, elle saisit un de ces petits enfants qu'il lui laisse, et, l'élevant entre ses bras vers le ciel, elle s'écrie Eh bien! toi aussi, tu seras soldat! Et c'est b cette incomparable femme que le triste vainqueur de celte journée, encore étourdi par les fumées de sa gloire, que ce type, aIlais-je dire, des chevaliers piémontais; mais uon, ce serait leur faire trop d'injure; c'est b cette femme qu'il écrivait naguère, en lui envoyant les restes du héros, les paroles que chacun saij h Cependant, malgré la mort du vaillant chef, les soldats de l'héroïque bataillon franco-belge con tinuaient de se battre comme des lions. Nous ne pouvions pas vaincre, écrivait l'un d'eux, et nous ne pouvions nous lasser de résister. Les Piémontais, qui les criblaient de loin, étaient stupéfaits de leur courage écrit l'un des témoins du combat. Non, quelle que soit ma douleur, je ne puis me défendre, messieurs, d'arrêter un moment vos re gards et les miens sur cette ferme où se passa l'épi sode le plus terrible de ce combat, et dans laquelle les débris de cette héroïque troupe montrèrent, par leur iodomplable résistance, qu'il y a des âmes b travers lesquelles le fer et le feu, les boulets et la mitraille passent sans les abattre. Ces glorieux jeunes geos ne pouvaient se résou dre b céder au nombre, b reconnaître la nécessité, b céder des positions si vaillamment conquises, b déposer ces armes qu'ils portaient si bien. a Pendant près de cinq heures (c'est l'un d'eux qui parle), nous piéférâmes nous faire écharper plutôt que de renoncer b la lutte et b cotre cher drapeau r 4). Une bombe mit le feu b la maison; tous nous voulions mourir et nous enterrer sous les décombres; mais il fallait sauver nos blessés. Noos ne cédâmes qu'aux flammes 15). Et de ce fier bataillon, de ces trois cents jenoes hommes, il en resta quatre-vingt b peine, blessés et mutilés. Et le soir, le brave commandant, tenant sa tête entre ses deux mains, et versant de grosses larmes, disait: Pauvre bataillon! bataillon de héros! quelle douleur! Et moi j'ajouterai Quelle gloire Ou plutôt, messieurs, je ne veux pas exalter ti3) Lettre de M. Faut Saucet, jeune volontaire de 18 ans. (•4) Celte pauvre maison, ajoute M. Trévaux du Fraval, dans un style où je ne me permettrai pas de rien ebauger, était criblée comme une écumoire 15) Lettre de M Paul Suucet. 2 plus qu'il n'est besoin cette valeur toute française. Eu France, tout cela est simple, ordinaire. Le Fraoçais est b l'aise dans les combats et devant les périlsqu'on sent bien qu'il est Ib dans son état naturel. Le courage militaire, chez nous, c'est le sublime b l'état vulgaire. Eu Afrique, en Crimée, en Chine, partout, sur toutes les plages, les Fran çais font leur devoir au champ d'honneur; et quand les héros ne suffissent pas, chez nous, les héroïnes surviennent, telles que Jeaone d'Arc et Jeanne Hachette... A ces noms glorieux, je ne sais quel sentiment saisit mon âme; ah! si ces vaillants hom mes avaient pu partir les femmes, combien se seraient levées, comme Jeanne d'Arc, contre ces lâches iosulteurs, qui n'ont su voir que des étran gers et des mercenaires dans des héros, dont ils ont bien pu écraser les corps, mais dont Tes âmes victo rieuses planeront sur eux éternellement comme un souvenir d'invincible opprobre! Et que dire maintenant de ceox qui, cernés de toutes parts par l'armée piémontaise, voulaient encore combattre et mourir, et ne capitulèrent qu'en frémissant? Que dire de ceux qui, épargnés par le fer et le feu semblent moins s'applaudir d'avoir échappé b la mort que regretter de n'être pas tombés glorieusement, prêts jusqu'à la fin b donner le sang qui leur reste, quand Dieu le voudra. u Cbers parents, écrivait l'un d'eux, nous avions offert 'a Dieu notre vie, et, en attendant, nous continuons le sacrifice. (i6) Que dire de ce jeune soldat prisonnier, désarmé et insulté, comme ils le furent tous et trop souvent, et qui écrivait b sa mère Si l'on nous insulte encore, si l'on nous crache au visage, eh bien I nous songerons au Fils de Dieu. (17) Et que dirai-je des blessés, de la simplicité naïve et joyeuse avec laquelle ils racontent, comme en se jouant, leurs blessures et celles de leurs ca marades? Ecoulez, messieurs, et dites-moi si, dans les paroles que voici, on ne sent pas la trempe, la bronze d'une grande âme La halle m'a frappée b la poitrine et est sortie par le côté droit C'est b sa mère qu'il écrivait cela. Du reste, en allant au combat, je demandai b Dieu de faire mon devoir, et de bien mourir. Depuis ma blessure, je ne crains pas plus la mort que le 18 je n'ai eu peur des balles. En Bretagne, j'aurai peu de chances de mourir dans d'aussi belles conditions pour gagner le ciel. Si je meurs ici, j'espère mourir gaîrnent. Si l'on entend des cris de douleur dans l'église qui nous sert d'hôpital, on y entend aussi des éclats de joie. (18) Un autre, parlant du sang-froid de ses braves camara des pendant la bataille, disait On était gai comme au coin du feu. (19) Ainsi, messieurs, ces nobles jeones gens, combattant le sourire aux lèvres, comme dit l'Écriture, les combats d'Israël, commentaient admirablemeut sans le savoir cette parole de l'historien sacré, et donnaient l'héroïque intelligence de ce texte Prœliabanlur cum lœlilia prœlium Israël, et la gai té de l'âge et la joyeuseté française ne les abandonnent pas plus en face des douleurs du lit d'hôpital qu'en face des périls des combats. La suite au prochain n'.) Nous empruntons la pièce suivante b l'Union de l'Ouest, qui contient le récit d'une circonstance inédite de la redditioo d'Ancôoe Un fait monstrueux qui a eu pour témoins toute la population d'Aucône et sa garnison, ainsi que la flotte et l'armée piémonlaises a suivi la redditioo d'Ancôoe, et caractérisé la guerre sans nom inleote'e par le Piémont au Saiot-Siége. Le feu des 4oo pièces de la flotte ayant fait taire nos 18 canons, la poudrière ayant fait explo sion, la chaîne qui fermait le port est tombée b la mer avec les décombres de la batterie du Môle. Tout le port était ainsi ouvert sur une étendoe de 5oo mètres et la ville se trouvait sans défense b la merci du vainqueur. C'est alors que le drapeau blanc fut hissé sur les forts et la citadelle. Le général en chef envoya uu parlementaire b l'amiral et le feu cessa des deux côtés. a II était alors quatre heures et demie du soir. (16) Lettre de Mr L0J0U de Sapineaud. (17) la? même. (18) Lettre de M. de Harcevaux. (19J Lettre de M. Maurice du Bourg. Pendant que les conditions de la capitulation se discutaient, l'armée de terre furieuse d'avoir été repoussée des positions qu'elle avait voulo occuper et de n'avoir en quelque sorte rien fait pour contribuer b !a prise de la ville, recommença le feu sur toute la ligne. Le bombardement et la canonnade ont duré depuis sept heures du soir le 28, jusqu'à huit heures du matin le lendemain 29, malgré l'envoi des parlementaires, malgré les Sonneries annonçant la cessation do feu, malgré l'envoi b terre d'officiers de la marioe piémontaise, malgré l'ordre donné par l'amiral b ses marins, débarqués pour le service d'une batterie de terre, de revenir b bord, malgré enfin one lettre très-vive de l'amiral qui ue voulait pas tremper dans une pareille infamie Pendant tout ce temps pas un seul coup de canon n'a été tiré de la place. Ainsi l'armée piémontaise a bombardé, sans relâche pendant plus de douze heures une ville sans défense, contrairement au droit des gens et a tout sentiment d'honneur et d'humanité. L'amiral Persano a rendu loi-même compte b Turin do refus persistant de l'armée de terre de cesser le feu. Je livre le fait b l'indignation de tous les honnêtes gens. Comte de Quatrebarbes. Les électeurs de cette ville sont convoqués en assemblée poor le mardi5o de ce mois, b dix heores du matin b l'Hôtel—de- Ville b l'effet de procéder b l'élection de huit membres du Conseil communal, en remplacement de MM. Vandersticbeie de Maubus (décédé); 8eke, Pierre; Vande BroukeCharles; De Gbelcke, Auguste; Boedt, Pierre; Maieur, Auguste; Lannoy, Charles; et Bourgeois, Paul, faisant partie de la seconde série du Conseil qui doit cesser ses fonc tions le 1" janvier 1861. Nous apprenons avec plaisir que tout le matériel et les marchandises de l'ancienne fabriqoe de M. Foconier, viennent d'être vendus b M. Barbier- Mulier, fabricant en cette ville, qui continuera de fabriquer cet ancien genre de tissus yprois sur une grande échelle. Nous lui souhaitons on plein succès. Ce serait un grand avantage pour les ouvriers, surtout dans la crise actuelle. 1 M NOUVELLES DIVERSES. L'administration do chemin de fer de l'État vient de décider que dans chaque train de voyageurs il y aurait un compartiment de 1" classe réservé aux dames voyageant seules ou avec des enfants. Cette mesure doit être appliquée incessamment. Toutes les prairies le long de la Lys sont inondées, la crue des eaux a été si rapide dans la nuit du samedi au dimanche, qu'une grande partie des lins, soumis au rouissage le long de la Lys de Wervicq b Harlebeke est perdue. Les dégâts sont surtout considérables b Menin et b Wevelgbera on nous cite des marchands en gros dont les pertes s'élèvent au-delb de dix mille francs. Plusieurs petits marchands sont totalement ruinés. Depuis Menin jusqu'à Deyoze les deux rives de la Lys sont inondées. Les rouisseurs de lin éprouveront des pertes énormes. Au barrage établi b Deynze b l'embouchure du caual de Scbipdouck, il y a deux mètres de chute et au lieu d'enlever des pouterelles pour laisser se déverser dans le canal une partie de cette eau surabondante on en ajoute de nouvelles. Notre administration provinciale, qui a son mot b dire dans la manœuvre du barrage de Deynze, laisse faire. Dieu sait si elle se dou'e de ce qui se passe. Quand on passe tarit de temps b dîner, il doit en rester bien peu pour les affaires. Union de Courtrai.) Le 16 de ce mois a eu lieu b Dixntude, l'adjudication des travaux de construction de la

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Le Propagateur (1818-1871) | 1860 | | pagina 2