âmes palpitent encore an nom fameux des Ther-
mopyles? Parce que l'a trois cents soldats ne reca
lèrent pas devant un million de barbares la Grèce
avait remis en leurs mains la cause de sa liberté.
Les barbares passèrent sur leurs corps; mais
qu'importe? Les trois cents héros sont toujours là
debout, dans l'immortalité de lenr gloire. Le (lot
de la barbarie a disparu; car, grâces immortelles
en soient reoduesâ Dieu et aux destinées de l'hu
manité, ce flot impur disparaît toujours la longue
et nous aussi nous verrons disparaître celui dont la
hideuse écume monte en ce moment jusqu'à nous;
le flot de la barbarie a disparu; mais jamais
les échos des Thermopyles répètent ces paroles
magnanimes que les héroïques défenseurs de la
liberté grecque gravèrent sur le rocher Passant,
va dire Sparte que nous sommes morts ici pour
obéir ses lois. Par un privilège réservé aux
grandes causes, ce ne furent pas ici les vainqueurs,
mais les vaincus qui dressèrent leurs trophées.
O collines de Castelfidardo, vous fûtes aussi pour
ces nobles jeuoes gens les Thermopyles de l'hon
neur. Ils étaient là au poste du dévouement, et ils
y moururent. L'honueur du sang français, l'hon
neur du saog chrétien, ils l'ont soutenu jusqu'au
bout ils sont tombés, mais ils n'ont pas été vaincus;
leur constance jette un reflet immortel sur leur
glorieux désastre, par eux, les âmes oppressées
respirent; par eux, le sentiment du devoir se
relève dans les consciences; par eux, dans les tris
tesses les plus araères, l'inspiration, le souffle sacré
du dévouement, console et rafraîchit les cœurs.
D'un bout de l'Europe l'autre, on applaudit, on
admire ces jeunes guerriers; les plus indifférents
eux-mêmes s'émeuveot, et une bouche étrangère
et protestante s'écriait naguère leur louange dans
une région lointaine Ce sont les derniers raar-
tyrs de l'honneur européen.
Et tandis que les acclamations des âmes saluent
ainsi unanimement sur la terre ces glorieux héros,
le ciel aussi les salue et leur ouvre son sein comme
des martyrs!
vyui, tes rnariyrs ae tous les temps, les IVlacba-
bées, les soldats de la légion Thébaine, les héros
des croisades, purent leur tendre, du haut des
cieux,une main fraternelle quand i!s parurent, les
recevoir dans leurs rangs et leur offrir des palmes
et des couronnes.
II.
Martyr! ah! je sais, c'est un grand nom, mais
ils eu sout dignes; c'est une grande chose, mais ils
eurent celte gloire.
Car la cause laquelle ils se dévouèrent et pour
laqoelle ils moururent, c'est la cause de Dieu et de
la Religion.
Dieu a fait, dit Bossuet, un grand ouvrage sur
la terre; c'est le christianisme, cette religion
sainte qui rachète, délivre et guide les âmes vers
leurs immortelles destinées. Eh bien! c'est pour
elle qu'ils ont combattu. Au fond, c'est elle, c'est
la religion du Christ, qui est si violemment atta
quée; et n'est-ce pas ce que les rugissements de
l'impiété démontrent assez chaque jour qui
conque a des yeux pour voir et des oreilles pour
entendre?
Cette œuvre de Dieu sur la terre a un fonde
ment sacré, dit encore Bossuet Tu es Pelrus,
et super hanc pelram œdi/icabo Ecclesiam
mectm Tu es Pierre, et sur celte pierre j'élèverai
l'édifice de mon Eglise.
Eh bien c'est celle pierre qui est attaquée c'est
donc elle qu'il faùl défendre; c'est autour d'elle
qu'il faut se rallier; c'est pour elle, c'est sur elle
qu'il faut verser son sang. Ils y versèrent le leur.
Cette cause, c'est la cause de Dieu et de la
religionc'est la cause de l'Église, et, par là même,
c'est la cause d'une auguste et sainte faiblesse.
L'Église, dit Bossuet, rassemble tous les titres
par où l'on peut espérer ici-bas le secours de la
justice et par où quand la justice manque
l'on peut inspirer les dévoûments qui la remplacent.
L'Église est faible comme une femme, qui peut
être odieusement frappée par tout ce qui porte ici-
bas une main ou un gant de fer, et exerce impu
nément une tyrannie; qui peut être comme l'hglne
l'est aujourd'huivictime de toutes les violences,
instillée, souffletée, spoliée.
Je dirai plus l'Église est faible comme une
mère qui peut être trahie dans son cœur et oppri
mée par ses enfants mêmes.
Une mère Oui, c'en est une, et nous tous catho
liques nous sommes ses fils. Donc, ce qu'ils
voyaient outragerces braves jeuoes gens, c'était
tout ce qu'il y avait toujours eu pour eux de plus
sacré sur la terre; je l'ai dit, ce qu'on aimait et
vénérait au foyer de leurs famillesce que leurs
mères les avait accoutumés, dès leur plus tendre
enfaoce, respecter et chérir. Ils sentirent celà,
et leur cœur en tressaillit; ils n'y purent résister,
ils partirentet se dévouèrent cette auguste et
sainte faiblesse, comme les grandes âmes se dé
vouent au faible, l'opprimé, comme uo homme
de cœur se dévoue pour défendre une femme,
comme un fils, enfin, s'élance pour sauver sa mère.
Et ils sont morts martyrs de la piété filiale
envers l'Eglise.
Cette cause, c'est encore la cause du droit et de
la justice.
Quel droit défendaient-ils? me demandez-vous.
Assurément, je le reconnais, ce n'était pas le droit
du plus fort.
Le droit qu'ils défendaient, je l'ai dit assez
haut, c'est le droit catholique européen, le droit
des âmes, le droit des consciences; la liberté,
l'indépendance spirituelle de deux cents millions
de cœurs chrétiens.
Mais si vous ne voulez pas l'entendre ainsi, eh
bien! laissons, j'y consens, ces grandes choses. Ne
parlons pas d'Église, de pouvoir temporel et spi
rituel, de souveraineté pontificale, de liberté de
conscience, de théologie parlons do droit le plus
auu^ic, uu utuu cumuiuu, uu droit vulgaire.
Le droit sur lequel tout ici bas repose la parole
donnée, la foi jurée, la possession reconnue, ce
qui est la garantie de tous vos biens, ce qui fait la
sûreté et l'honneur de toutes vos relations, la sé
curité de toutes les propriétés acquises, la protec
tion contre la violence et l'agression brutale.
Tout enfin, tout ce qui fait la base de vos sociétés,
tous les principes, tous les droits fondamentaux des'
traités et des conventions humaines; est-ce que
toutes ces choses ne sont pas ici indignement
violées dans leur plus auguste représentant?
Et ne comprenez-vous pas que tout cela n'est
plus rien en ce inonde, si tout cela peut être foulé
aux pieds impunément, aux yeux de tout l'univers,
dans la personne du Pape?
Eh bien! voilà ce qu'ils défendaient, et pour
quoi ils moururent!
Encore uo coup je ne me se;rs point ici de la
langue obscure et tortueuse de la politique; je n'ai
pas choisir entre ce qu'on appelle le droit ancien
et le droit nouveau. Où il est question des lois
naturelles, essentielles et fondamentales de l'ordre
et de ia société parmi les hommes, il ne saurait y
avoir de conflit ni de priorité d'âge ou de date
entre deux droits, car il n'y a qu'un droit le droit
éternel, c'est dire ce qui est éternellement juste.
Mais c'est ici que je vous interroge, vous qui
m'écoutez, et non pas les diplomates ou les politi
ques, ni même les jurisconsultes; mais vous, mais
le premier honnête homme venu, qu'il sorte d'une
ville ou d'on village, d'une académie ou d'une
école, je le lui demande est-il juste qu'on fort
trompe, attaque, écrase nn faible? est-il juste
qu'au profit d'une insatiable ambition on manque
la parole donnée?
Non, non; le respect du faible, le respect de la
foi jurée, c'est la loi même de la société humaine.
Le respect do faible, voilà ce qui fait le galant
homme. Le respect de la parole, la loyauté, c'est
une vertu si natorelle parmi nous, que la franchise
est un mot quidésigne essentiellement notreuation.
Je ne vous parle dooc plus ici, je le répète, ni de
droit pontificalni d'indépendance catholique,
grandes choses qua j'ai assez enseignées aillenrs.
Messieurs, c'est de vous même que je vous parle
c'est de vous qu'il s'agit bien plus que de nous.
La société religieuse, ni l'oppression, ni le men
songe ne la dissolvent pas; elle a vécu trois siècles
dans les tourments; elle a rencontré des tyrans
comme Néron et des menteurs comme Dioclétien
et elle a grandi miraculeusement au sein de ses
affreuses persécutions. Mais la société civile ne peut
pas vivre un seul jour sans le respect de la faiblesse,
sans la religion des traités, sans le maintien de la
parole donnée. Entendez-le bien, lorsque ces
saintes choses sont violées, ce n'est pour l'Église
qu'une épreuve; pour la société civile, pour vous,
c'est le renversement, c'est la ruine qui s'approche.
Sans doute, nous défendons notre cause, en
défendant le Pontife indignement trahi, mais nous
défendons encore plus la vôtre. En protestant
contre le droit violé, c'est votre champ, votre mai
son, votre fortune, votre vie que nous défendons.
Eh bienl c'est cette cause du droit, du droit
commun, du droit suprême, que ces braves jeunes
gens ont donné leur sang.
Je le dirai encore cette cause, c'est la cause de
l'autorité, de la souverainetéprincipe nécessaire
au monde, qu'on le veuille ou non, clef de voûte
des sociétés humaines. C'est aussi la cause de la
liberté des peuples; bon gré, mal gré, il n'y a plus
de liberté d'aucune sorte, pour qui que ce soit, le
droit de la force, le droit brutal de l'agression est
consacré sur la terre. La liberté n'existe qu'à la
condition qu'on la respecte, faible ou forte. Eh
bien! cette liberté des peuples, l'Église l'a sauvée
en sauvant le droit, en combattant la violence, en
maintenant les protestations éternelles de con-
0«iwuu«j en faisant y o une patrie des âmes, et
là, dans la haute région des principes éternels et
inviolables, un dernier rempart contre le des
potisme.
Cette cause, enfin, c'est aussi la cause de la
liberté de l'Italie. On a beau faire, la Papauté est
la vraie grandeur, et, comme le disait un grand
patriote italien, la seule grandeur vivante de
l'Italie. Oui, la seule grandeur vivante de l'Italie!
A l'heure qu'il est, je le demande tout homme
de bonne foi, où est-elle, la grandeur vivante de
l'Italie? où est-elle? est-ce au nord? est-ce au
midi
Ah! vous rêvez une Italie! et moi aussi, je fais
ce rêve; mais je veux une Italie libre, catholique,
développant sa liberté dans des voies glorieuses,
sans appeler son aide les perfidies et les agressions,
sans abjurer sa vieille foi et ses grands souvenirs.
Plus de sociétés secrètes, disait naguère le
généreux Balbo, plus de passions farouches, plus
de poignards aiguisés dans l'ombre; mais les
mœurs viriles, l'étude sérieuse et les vigoureux
labeurs, qui préparent,qui justifient,et qui, seuls,
conquièrent aux grandes nations les grands
rôles.
u Italie,Italie, s'éctiait un poète illustre, un
Anglais digne de ce nom Italie, n'écoute pas
cette politique, qui voudrait réunir toutes les
n cités, en deuil de leurs nationalités, dans un seul
empire: pernicieuse illusion! Ton seul espoir de
régénération est dans la noble personnalité de
chacune de tes illustres et incomparables cités:
Florence, Milan, Venise, Gênes. Mais dans la
vaste communauté que lu rêves, on ne voit qu'un
géant faible et bouffi, dont le cerveau sera frappé
d'apoplexie ou d'imbécilité, dont les membres
seront glacés et morts, et qui paiera en malaise
incurable la faute d avoir dépassé les proportions
a naturelles de la santé et de la vigueur. (Ed.
Bulwer Lyttoo.) (La suite au prochain n'.)