laquelle je crois plus encore qu'à celle sincé
rité, c'est la logique irrésistible des événe
ments. L'œuvre de démolition des traités de
1815 est commencée nous y assistons. Sous le
gouvernement de Juillet, on disait qu'il fallait
les subir, mais les détester aujourd'hui, on
proclame qu'il Jau les détester et les déchirer
un prince impérial, du haut de la tribune du
Sénat français et dans un discours célébré ar
boré comme un drapeau politique, n'a i il pas
dit que c'était l'épée de la France qui droit les
déchirer et tracer les limites d'une nouvelle
Europe N'est-ce pas en Italie que le principe
de la destruction de l'Europe des traités a été
posé N'est ce pas au profit des grandes unités
qu'on cherche V accomplir N'est-ce pas con
tre la Belgique que cette menace est surtout
dirigée, et la première page des traités que l'on
se promet de déchirer, au nom de ce principe,
n 'est-ce pas la nôtre
La prochaine guerre aura ce but. Mais il ne
faudra peut-être pas d'épée pour cela L'unité
italienne a valu l'empire français un versant
des Alpes qou pensez- vous de Cunité alleman
de Etes-vous bien sur qu'on ne réussira pas
l'établir Fous croyez, vous qui applaudissez
la reconnaissance du royaume d'Italie, que
l'unité italienne est possible j'y crois peu, mais
si elle est possible, coup sûr l'unité allemande
est certaine. Si l'Europe reste sur la pente révo
lutionnaire où la guerre d'Italie Fa placée,
l'unité allemande, dut-elle être éphémère, se
fera. En Italie, la géographie et l'histoire, les
séculaires rivalités, les aspirations nationales,
l'insoluble difficulté religieuse que Rome y op
pose, tout y proteste contre l'unité. Au délà du
Rhin, l'histoire peut être invoquée comme com
plice, l'empire germanique a existé, l'unité
commerciale, le Zollverein est établi, une
confédération politique et militaire y est cou
ronnée par la Diète. En Italie, il y a un abime
Jranchir en Allemagne,il y a un pas faire.
Fous qui croyez que cet abime est franchi et
que l'unité italienne est possible, pourquoi
pensez vous que le pas ne sera pas fait et que
l'unité germanique ne se constituera pas Sans
doute nous avons, Berlin, la sécurité que
nous donne un monarque sage et loyal, mais
nous avons là aussi la menace des événements
plus forts que les intentions et auxquels aveu
glément vous applaudissez. Connaissez une
chance quelconque qui puisse faire espérer que
le jour où cette unité allemande sera tentée, ne
sera pas celui où, en compensation de cet
agrandissement, la France revendiquera et
obtiendra, au nom de la sécurité de ses frontiè
res, les limites de la Meuse et de l'Escaut et
peut èlredu Rhin FoilàFavenir que renferme
le mouvement italien en faveur duquel on nous
demande un vote suicide et l'on provoque des
applaudissements arrachés la folie par un
libéralisme égaré.
L'Europe de l'histoire et des traités, l'œuvre
de »8i5, n'était pas irréprochable, je l'ai dit
ailleurs elle était déjectueuse, elle boitait du
côté de la Pologne et de l'Italie. C'était le
principe des nationalités qui devait précider
ces modifications des traités, c'était la prudence
des gouvernements, le bon sens des nations, le
temps et le progrès qui devaient les accomplir.
Au lieu de cela, au lieu de confier le remanie
ment territorial de C Europe de i 3i5 au princi
pes des nationalités et du droit historique, on le
livre la Révolution qui arbore le principe des
unités de race et de langue, au profit de cinq
vu six grands dcspolismes armés pesant sur le
monde asservi.
En Italie, l'indépendanca et la confédération
étaient l'idée vraie, c'était l'œuvre politique
I F unité est F idée fausse, c'est C œuvre révoluli-
onnaire. L'Italie, en poursuivant le rêve deCu-
nilé, perdra les deux choses qu'elle pouvait
conquérir t indépendance et liberté. La liberté
politique sera écrasée sous la dictature que
suppose et que nécessite le succès impossible de
C unité; l'indépendance, voyez ce qu'elle est
devenue le mot d'ordre qu'il faut aller cher-
cher chaque jour aux Tuileries, avant de penser
et d'agir Turin, est il moins impérieux et
moins absolu que celui qu'on allait demander
i autrefois Fienne L'œuvre de la liberté et
i de l'indépendance exigeant bien du temps et de
j la sagesse pour la conquérir et l'assurer elle
suffisait aux efforts des hommes d'Etat les plus
I habiles et les plus heureux. L'Italie, poussée
par l'esprit révolutionnaire, commit l'irrépa -
rable faute de compliquer cette tache déjà si
difficiled'une question insoluble, d'une erreur
et d'une faute, elle trouve dès aujourd'hui son
châtiment Rome où elle rencontre la résistance
catholique du monde entier, Naples où éclate
la guerre civile, et Ftnise que la diplomatie
pouvait lui rendreet où la Révolution soulèvera
la guerre générale. Nous sommes partisan de
la liberté et de C indépendance italiennes et
adversaire de son unité, comme l'étaient en
Italie U comte Balbo, Rossi, Gioberti et Manin,
comme le sont en France le ministre illustre de
la monarchie de Juillet M. Guizot, le chef de
la révolution de i848 M. de Lamartine, et le
chef du second empire Napoléon III. Les
défenseurs de l'indépendance sont les amis de
j l'Italie les enthousiastes de l'unité en sont les
aveugles courtisans.
On a dit, on reproduira celte injure, que la
Belgique de 183o devait sa sympathie et ses
vœux au royaume unitaire qui tentait d'accom
plir ce que la Belgique a fait il y a plus de
trente ans. Celle affirmation a le droit d'étonner.
Jamais antithèse ne fut plus complète qu'entre
la Belgique de 133o et l'Italie de 1861.
Avons-nous fait notre révolution au nom de la
conquête, des annexions et de C unité Au con
traire, nous avons brisé l'unité factice du roy-
aume des Pays-Bas, nous noua sommes dêsan-
nexés de la Hollande, nous avons invoqué, non
pas le droit révolutionnaire, mais le droit
historique, Cindépendance et la nationalité.
Avons-nous, pour consommer des invasions,
violé le droit des gens, méprisé les conseils
de l'Europe, divisé tes puissances, ébranlé
l'équilibre général et menacé le monde de
longues guerres? Avons nous mis aux prises,
dans un duel mort, C intérêt religieux des
i populations, exilé plus de trente archevêques et
évéques, proscrit et spolié les ordres religieux,
comme avant goût de F Eglise libre dans F Etat
libre? Avons nous dû vaincre là guerre civile
dans plusieurs de nos provinces? Non, nous
avons placé notre révolution sous la sauvegarde
de la liberté politique et religieuse; l'intérêt
national, l'intérêt libéral et l'intérêt catholique
se sont unis pour fonder notre sage Constitu
tion; nous n'avons proscrit personne, nous
n'avons rien ébranlé en Europe et nous ne
l'avons pas divisé; la Belgiqueselon un mot
heureux, a été une modification et non le ren
versement des traités de 1815; dès le lendemain
de i83o, un Congrès des grandes puissances a
sanctionné notre existence nationale, et la Bel
gique, conseillée par la prudence, est entrée,
sans perturbationdans l'ordre public de
l'Europe.
S'il est une page de notre histoire qui ressem-
f; ble s'y méprendre ce qui se fait en Italie,
ce n'est pas la page de i85o, c'est celle de
1792. Nous avons été annexés aussi, celte
époque, au nom de l'unité de la France et
du vœu de nos populations; nous avons en nos
plébiscites couronnés par F unanimité des suf
frages, notre suffrage universel fonctionnant
dans toutes nos ville» sous la main et les yeux
des commissaires de la Convention et sous les
baïonnettes des soldats de Dumouriez; nous
avons eu, comme Naples, notre guerre civile
et nos brigands que notre poète Henri Con
science a chantés et glorifiés; nous avons vu
nos députa lions aller porter solennellement la
Convention ces vœux menteurs et ces pypocrites
unanimités. Foilà la page de notre histoire que
F Italie copie et non pas celle de i85o que je lui
conseille d'étudier et dont je désire qu'elle
profite.
J'ai dit tout F heure que la question ita
lienne tenait F Europe divisée par un grave
dissentiment. D'un côté se trouvent les puis
sances qui ont reconnu le Roi cFItalie et qui dès
lors substituent au droit public européen le
droit nouveau, le droit révolutionnaire; de
l'autre côté se placent les puissances qui s'effor
cent de ne pas bouleverser toutes les bases
de l'Europe des traités dont la Belgique est
une des conditions. Je touche icion le voit, h
la question de neutralité qui doit en ce moment
diriger toute notre conduite.
Si nous devions nous placer dans Fun des
deux camps diplomatiques qui divisent F Eu
rope actuelle, je n'ai pas besoin (Tindiquer
dans lequel l'intérêt patriotique et la plus
vulgaire prudence nous conseilleraient de nous
ranger. Mais nous sommes neutres, et notre
neutralité nous déjend tout autant de nous
engager dans les conflits diplomatiques que
dans les guerres européennes, puisque ces
guerres naissent de ces conflits. Jamais, depuis
1815, une division plus sérieuse et plus grande
n a éclaté entre les puissances. Le Lèsacord est
si profond qu'un congrès destiné assurer la
paix vers laquelle le monde aspire, est jugé
impraticable. Dans celte situation quel est
le conseil que la neutralité nous donne?
Cette neutralité a été placée sous la garantie
commune de toutes les puissances quand une
lutte diplomatique ou militaire les sépare, notre
devoir est d'éviter toute mesure qui engage,
tout acte d'imprudente initiative, notre devoir
est d'attendre et de nous abstenir. J'ai prouvé,
en commençant, que l'abstention était facile.
Qu'avons nous fait au contraire? Nous sommes
sortis de notre neutralité; nous nous sommes
jetés dans le conflit européen, et nous nous
y sommes précisément du côté des périls qui
peuvent un jour menacer notre nationalité.
Quand je me demande comment les adver
saires que je combats, et qui je ne puis
refuser l intelligence et le patriotisme, comment
ils ne sont pas frappés par l'évidence des
périls que je signale, et comment dans une
pareille question nous ne sommes pas tous unis,
quand je m'interroge ainsi, voici la réponse
que je trouve L'esprit de parti s'est emparé
d'une question nationale; le côté religieux en a
fait oublier et méconnaître le côté politique;
derrière le principe des annexions on a vu
Rome et on n'y a plus vu la Belgique. De toutes
les luttes que l'esprit de parti et nos fatales
divisions ont fait commettre depuis trente ans,
celle ci est coup sûr la plus grave et peut-
être la plus irrémédiable. Celte faute est
double, elle servira nous affaiblir en même
temps au-dedans et au-dehors; vous aurez
blessé plus de la moitié des puissances euro
péennes, vous en aurez peut être fait sourire
d'autres, vous aurez altéré, aux yeux de ces
puissances, votre position de neutralité, votre
renommée de sagesse dans notre politique
extérieure; au dedans, vous aurez jeté'une