M. l'avocat général. La femme est allée en
effet a Ypres le 11 décembre.
M° Soenens. La date n'a pas d'importance, si la
femme reconnaît le fait sigoalé par le colporteur.
M. l'avocat général. La femme nie.
M' Soenens. Devant le juge d'insiroction, le
témoin a déclaré qu'il s'éiait rendu chez la femme
Vermeerscb pendant l'après-dînée; aujourd'hui il
déclare que c'était le matin.
M. le président. Témoin, comment expliquez-
vous cette contradiction? R. Je n'ai pas été
interrogé sur l'heure de ma visite par le juge d'in
struction. Elle a eu lieu entre dix heures et dix
heures et demie du matin.
D. Femme Doize, quelle heure avez-vous été
entendue par le juge d'instruction d'Ypres? R.
A deux heures; j'attendais depuis neuf heures du
matin. Cet homme ment; mon enfant ne lui a pas
dit ce qu'il déclare.
D. Cependant cet homme n'a aucun intérêt h
mentit? R. Je ne sais quel mobile le pousse,
mais je soutiens qu'il se trompe ou qu'il ment. Il a
prêté un faux serment!
D. Pourquoi le ferait-il? R. Pour être bien
reçu de ceux qui nous accusent peut-être.
D. Combieo de fois le colporteur est-il venu
chez vons? R. Deux fois.
Le témoin. Cela est exact.
L'accusée. Ce qui n'est pas exact, c'est que mon
enfant loi auiait parlé du crime et d'argent volé.
M° Soenens. L'enfant a -1 - il dit que son père
avait reçu de l'argent pour sa part. R. L'enfant
n'a désigué personne.
M. lavocat général. Cela n'est pas contesté.
M' Soenens. Pourquoi le juge d'instruction at-
il demandé a l'eofaut si sou père avait teçu une
part d'argent? R. Pour mieux éclaircir l'affaire.
M' Soenens. Noo, c'est parce que l'on voulait
donner plus de force aux allégations de l'enfant.
C'était nécessaire pour les besoins de la cause.
M le président, sur la demande de Me Coppie-
ters, interpelle le témoin sur l'impressioo qu'il a
resseolie lors de la révélation de l'enfant devant sa
mère? R. Uoe certaine gêne.
M. Deltourjuré. Pour quelle somme le colpor
teur a -1 - il vendu des marchandises II la femme
Doize? R. Je n'ai rien vendu.
15' témoin, Joaein5o ans, jnge au tribunal
de première instance, ayant fait les fonctions de
juge d'instruction.
Le t4 avril 1862, j'ai interrogé la petite Emé-
rence Vermeerscb, âgée de cinq ans et demi. Sur
ma demande, Emérence m'a répondu que les auteurs
du crime étaient son père, Kestelyn et Lahousse.
J'ai demandé quelles était ses preuves. Elle a
répondu que ces trois hommes étaient entrés chez
sa mère vers dix heures et demie. Lahousse portait
un paquet et de l'argent qui a été partagé. Lahonsse
et son père étaient ensanglantés.
Ils avaient do sang sur leurs couteaux. La mère
et Lahousse oui lavé les vêtements ensanglantés et
les couteaux. L'eofaut a répété son dire cinq ou
six fois.
Vermeerscb, confronté avec l'enfant, a déclaré
ne pas la reconnaître. J'ai exprimé ma surprise. Le
détenu a répondu qu'il voyait k peine soo enfant
en rentrant chez lui le samedi pour répartir le
dimanche. Je loi ai dit de parler k l'enfant. Il a fait
la grosse voix- L'enfant s'est mise k pleurer. Elle
n'a pas plus reconnu son père que le père n'a
reconnu l'enfant. Elle n'a reconnu que Lahousse.
J'ai fait babiller Vermeersch daos dans son costume
ordinaire. L'enfant, toujours terrifiée, s'est écriée
que c'était un vilain homme et qu'elle ne le con
naissait pas. J'ai fait mettre uoe blouse k Kestelyn,
l'eufant a dit de même qu'elle ne le connaissait pas.
D. Commeot l'eufant a l elle pu préciser l'heure
de l'entrée chez elle des trois accusés? R. Elle
ma dit que le pot contenant le dîner était au feu et
ne bouillait pas encore.
D. L'eofaot a-t-elle parlé de sa marraine Na
thalie Vermeersch? R. Oui, elle a dit qne sa
marraine lui avait défendu de parler du crime.
M' Soenens. L'enfant n'a t-elle pas commencé
k dire qu'elle ne se rappelait de rien? R. Non.
Elle ne voulait pas parler du tout. Elle ne faisait
que pleurer.
H' Soenens. Cela n'est aclé an procès-verbal.
M' Coppieters. Pour obtenir uoe réponse de
l'eofaut, M. le juge u'a-t-ii pas dû lui poser la
ques'.iou caiégonque Votre pète n'est-il pas
l'assassiu? -- R. Je ne lui ai point posé cette
question. C'eût été une insinuation. Leufaol a
désigné d'elle-même les trots accusés. Je l'atteste
sous la lot du serment que je viens prêter.
MSoenens. Avez-vous demandé k l'enfant
pourquoi Emérence avait tardé (rois mois k faire
ses révélations? R. Noo, cette question n'a pas
été posée par moi.
D. Quaud le père a-t-il reconnu sou enfant?
R. Après bien des tergiversations.
MSoenens. Il est étrange que l'eofaot disait
de son père: C'est un vilain homme,je ue le
connais pas.
M. le président. L'enfant ne devait pas être
flattée d'avoir un père pareil.
M' Soenens. La question est de savoir si le
père est un assassin.
i4° témoin, Félix Missiaen, 45 ans, juge
d'instruction k Ypres.
J'ai fait une descente de lieux k Reninghelst, le
soir même du crime. L'eufant égorgé était dans la
même position qu'au moment de la mort, le cada
vre de la fetnuie avait été placé sur une chaise.
Salomé répondait avec une grande précision. Nous
ne savions sur qui porter nos soupçons, lorsque le
garde champêtre et un agent de police de la
commune nous ont fait part de la présence de deux
mendiants rôdant dans les euvirous. Nous les
avous fait ariêter, mais bientôt nous avons décou
vert qu'ils ne pouvaient être mis eo cause.
Quelques jours après, Kestelyn a rapporté un
pistolet trouvé, disait -il, par sa femme. Interrogé
par les circonstances de celte trouvaille, il paraissait
embarrassé. Il souleva des soupçons. Arrêté une
première fois, il fut relaxé, faute de preuves.
Eu mars 1862, de nouvelles indications firent
reporter les soupçons sur Kestelyn. La petite
Emérence, jouant avec Edouard Barroo, désigna
Kestelyn, Vermeersch et Lahousse.
Le garde-chasse Mahieu fut chargé de prendre
des informations. Il confirma les rumeurs. Erné-
reuce fut interrogée par Mahieu. Elle répondit
avec précision. Devaut moi, elle ne s'expliqua
d'abord qu'avec une grande répugnance. Enfin elle
se décida k parler.
D. Vous avez interrogé la femme de Ver
meersch? R. Non.
M. l'avocat général. M. Missiaen, vous avez
confronté Soeueo et Emérence? -- R. Oui;
la confrontation ue put avoir lieu d'abord au jour
fixé; dans l'intervalle, Mahieu interrogea de nou
veau l'eufant et en reçut la confirmation de sa
précédente révélation.
Une discussion s'élève k ce sujet entre Mc
Soenens et l'avocat-général. Me Soenens demaude
k pouvoir constater par le procès-verbal que le
garde-chasse Mahieu procéda d'abord k la con
frontation d'Eméteoce avec le colporteur.
Le procès-verbal, lu, constate que la confron
tation eut lieu par les soins de M. le juge d'instruc
tion et qu'Eméreuce déclara reconnaître le col
porteur.
L'audience est levée k 2 heures et demie.
Audience du 26 mars.
L'audience est ouverte k 10 heures.
M' Maertens. Je désire poser quelques questions
k M. Missiaen.
M. le président. Il sera encore entendu plus
tard.
15e témoin, Ed. Barroo, i3 ans, k Vlaraer-
tinghe. Il n'est pas admis, vu soo jeune âge,
k ptêter serment. J'ai dit, le 8 décembre, k Lucie
Doize, «ers 1 heure, que le meurtre avait été
commis. Lucie tue répondit Cela ne me regarde
pas, et elle sauta daos le bois.
Lucie Doize. Je nie. Cet enfant a sa leçon faite.
Je ne suis pas sortie le 8 décembre.
M. le président. Personne n'a intérêt k «ons
faire passer pour meurtriers. An témoin Où
avez-vous vu Lucie Doize? -- R. Près du bois de
Knockaert, vis-k-vis de chez dous, sur la route de
la ferme de Salomé.
Jean Barroo est rappelé.
D. Le bois désigné est-il éloigné de chez vous?
R. Vis-k-vis de chez moi.
D. Est-ce le même bois où s'est élancé l'indi
vidu que vous n'avez pas reconnu? -- R. C'est le
même.
D. Cet homme ne serait-il pas Kestelyn? R,
Je ne sais pas. Il u'élait pas très grand.
M. le président fait lever Kestelyn. -- Le
témoiu le considère avec attention. -- Il fait uo
signe d'ignorance.
D. N'est il pas k votre connaissance qu'une
femme a vu causer votre enfant avec Lucie Doize
-• R. Si, la femme Logie, uu témoin cité.
M' Soenens. Pourquoi le petit Edouard o'a—t-il
pas parlé de ces faits iors de sa première audition
devaut le juge d'instruction?
M. le président. Racontez comment Emérence
vous a révélé les auleuis du meurtre? -- R. Elle
ne voulait pas parler, sa mère le lui avait défendu.
Je lui promis de ne rieu dire. Elle désigna sou père,
sa mère, Kestelyo, Lahousse et un autre encore
qu'elle ne sait pas.
D. Vous avait-on chargé d'interroger Emérence?
-- R. Non. Emérence ma du cela en jouant.
D. Comment supposiez-vous qu'Eiuérence pou
vail vousrenseigner? - R. J'avais souvent entendu
mou père et ma mère parler de celte affaire.
D. Que disaient vos père et mère? R. Que
les Vermeersch devaient savoir quelque chose de
cette affaire-lk.
Jean Barroo est rappelé.
D. Avez-vous parlé dans ce sens k votre femme
-- R. Oui quaud nous pensions n'être pas eoten-
dus des enfants.
D. Comment supposez vous que les Vermeerscb
étaient capables de vous donner des renseigne
ments? R. Nous avions des soupçons parce que,
seuls de tout le voisinage, les Veinieersch ne
voulaient pas entendre parler du meurtre.
Le gendarme Harorueiryck demaudre k être
entendu de uouveau.
La femme Vermeersch déclare n'être pas sortie
le dimanche du meurtre. Elle m'a cependant dit
qu'elle était allée chercher du lait k 10 heures et
demie.
M. le président. Il ne s'agit pas de cela, mais
bien de la sortie dans l'après-dîner.
M Maertens. Si le fait est vrai, la conversation
a dû avoir lieu vers 2 heores.
M. l'avocat général. Vous ne me supposez pas
1'iutentioo de dire que Lucie Doize a fait le guet
jusqu'à deux heures? Je prouverai que le crime a
eu lieu vers onze heures.
M' Mae/tens. Voilk tout le système.
M. le président, au témoin. Aviez-vous mangé
quand vous avez parlé k Lucie Doize? R. Oui.
D. Depuis loogtemps? -- R. Oui.
D. (k Salomé). Quaud êtes-vous rentré? -- R.
Vers uoe heure.
Un des jurés. Lucie Doize portait-elle un
paquet qusud le jeune témoiu l'a rencoultée?
-- R. Non.
D. Et l'homme qce Jean Barroo a rencontré,
avait il uri paquet?
Jean Barroo. Non.
M' Coppieters. Le jeune témoin vient de dési
gner cinq personnes. Daos sa première déclaration,
il n'eu a nommé que trois, d'après le dire d'Emé-
rence.
M. l'avocat général. Je crois qu'Emérence
avait aussi désigné sa mère k M. le juge d'instruc
tion Iweios.
M. Iweins. Non; elle a dit que ss mère avait
mis le pot au feu, mais qu'il ne bouillait pas, quaud
les assassins sont rentrés.
M. le président (au témoin Ed Barroo). Emé
rence vous a positivement désigné sa mère? R»
Oui, monsieur.
16* témoin, Ph. Delannoy, cultivateur k Re-
m'oghelst, 37 ans. En 1862, Edouard Barroo vint
me dire que la petite Emérence Vermeerscb loi
avait désigné pour meurtriers des Salomé, sod père»
Lahousse et uo inconou. Je racontai le fait k
Hazebrouck, un ami. J'ai entendu dire aussi q°*