D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
49,ne Année.
No 5,064
REYUE POLITIQUE.
Nous n'aurons pas la guerre, mais nons
n'avons pas la paix.
En effet, si l'on continue d'armer dans la
Roumanie et en Turquie, si la Prusse et
l'Autriche échangent des menaces, si la
France ajourne le moment où elle renverra
dans leurs foyers les 10 ou 12 mille hom
mes dont elle devait diminuer l'effectif de
son armée, si l'Italie appelle sous les dra
peaux tout une année dejeunes miliciens
qu'elle devait laisser dans ses foyers, si
dans le Monténégro toute la population se
voit appelée sous les armes, on est fondé
dire que pareil état de choses n'est pas la
paix; maispuisque l'Angleterre etlaFrance
ne veulent pas la guerre, de plus, puisque,
tout en se menaçant, la Prusse et l'Autri
che s'engagent négocier, disons avec la
même assurance que tout cela non plus
n'est la guerre.
Le Times, dans son numéro d'avant-hier,
nous apporte une phrase qui caractérise
la situation
Si les antagonistes, dit ce journal,
n'étaient pas des puissances allemandes, la
guerre semblerait inévitable; mais puis
qu'elles appartiennent cette race, nous
ne désespérons pas de la paix.
Cette conclusion s'applique seulement
au différend allemand n'oublions pas
celui qui fermente en Orient.
Deux discussions qui viennent d'avoir
lieu, l'une dans la Chambre des commu
nes, l'autre dans le Sénat en France, sont
dignes de quelques instants d'attention.
Il s'agissait dans la Chambre des com
munes de modifier l'état de choses qui
L'HÉRITAGE D'UNE MÈRE.
existe en Irlande pour l'entredien de
l'Eglise reconnue. Cette église n'est pas, on
le sait, l'Eglise catholique celle-ci, qui est
reconnue par le peuple, par la très-grande
partie de la nation irlandaise, est désa
vouée par l'Etat, qui lui refuse toute es
pèce de concours. On proposait la Cham
bre des communes, dans la séance de
mardi, non pas de doter l'Eglise catholi
que, mais de supprimer le revenu de
quinze millions de francs que l'Etat ac
corde des prêtres qui n'ont autour d'eux
aucun fidèle qui les écoute, des églises
que personne ne fréquente. Le débat a été
ajourné aucune résolution n'a encore été
prise. Le gouvernement hésite entre les
deux partis.
Dans le Sénat français le sujet de la dis
cussion était d'un ordre non moins élevé
sous le régime de la Constitution de 1852,
le Sénat est le seul corps délibérant qui
puisse recevoir des pétitions et ait le droit
de les appayer de sa recommandation eu
les renvoyant aux ministres. .M. Degouve-
Denuncques, un ancien préfet de la répu
blique, demandait que, par une modifica
tion la Constitution impériale, le Corps
législatif fut admis partager avec le
Sénat cette prérogative.
Cest l'occasion de cette pétition qu'on
pensait que M. de Persigny prendrait la
parole pour répondre au dernier discours
de M. Thiers sur les libertés nécessaires.
M. de Persigny a parlé, mais seulement
pour réclamer une discussiou générale et
approfondie sur la question soulevée; il
n'a convaincu personne. Le Sénat, ia
presque unanimité, a prononcé la ques
tion préalable sur la pétition de M. De-
gouve-Denuncques. Cette résolution est le
dégré le plus bas qu'oo ait pu trouver dans
les divers genres d'accueil qu'une pétition
comporte. Lorsque l'assemblée se pro
nonce pour la question préalable, elle dé
clare implicitement qu'il n'y a même pas
lieu examen.
Les documents se multiplient dans la
crise allemande. Nous ne connaissons pas
de meilleur symptôme opposer ceux
qui ont redouté la guerre. Il faut aujour
d'hui citer une réponse du gouvernement
saxon la circulaire de M. de Bismark du
24 mars. Signée par M. de Beust, l'un des
hommes d'État de l'Allemagne les plus
fins, mais en même temps les plus hostiles
la prépondérance qu'ambitionnent la
Prusse en son premier ministrecette
pièce mérite nne mention toute spéciale.
M. de Beust se trouve en désaccord avec
M. de Bismark sur deux points impor
tants; on s'y attendait: sur l'attitude de
l'Autriche, sur les droits de la Diète ger
manique.
Le ministre de la Saxe affirme que la
Prusse n'a aucune agresson redouter de
sa rivale. De plus, il revendique pour la
Diète de Francfort la décision du différend.
L'article 11 du pacte fédéral lui confère
ce droit d'une manière absolue.
On croit savoir que dans la dernière
séance Je la conférence de Paris la France
et la Prusse se sont trouvées d'accord pour
laisser aux populations des Principautés
danubiennes toute liberté pour la consti
tution de leur gouvernement, mais en
réservant la Porte son droit de suzerai
neté. L'Italie s'est ensuite ralliée ces
deux puissances. Reste convertir la
Russie, l'Autriche, l'Angleterre et la Tur
quie et l'on ne sait quand ce jour viendra.
LE PROPAGATEUR
FOI CATHOLIQUE. - CONSTITUTION BELGE.
Suite et fia. Voir notre numéro de mercredi dernier.
La veille de la mémorable et sanglante journée
d'Iokermaoo, vers le déclio du jour, Alphonse ve
nait de rentrer daos sa tente, harassé, épuisé par
un long service daos les tranchées. Eoveloppé
daos son manteaa, il s'était jeté sur la dure cou
chette du soldat, et le sommeil n'avait pas tardé de
clore ses paupières, il dormait aiosi depuis uoe
heure quand le galop d'un cheval qui passait près
de sa tente vint brusquement interrompre sou pai
sible repos. C'était presqoe ncit close. L'officier
se releva demi, se frotta les yeux et croisa les
bras sor sa poitrine, comme pour prêter l'oreille
au bruit qui l'avait réveillé. Le sommeil des
camps est exposé 1) tant de surprises que la précau
tion de notre héros n'a rien d'étrange.
Il fut quelque temps daos la même position, at
tentif et retenant sou haleine.
Ce n'est rien, dit-il enfin j'aurais mieux
fait de cootiuuer mou somme... mais, bref, je rat-
trapperai le temps perdu.
Il allait se recoucher quand sa main seotit un
objet placé dans la poche de sa tunique, bien
1 endroit de squ cœur. f
Et le chapelet de ma mère!... s'écria-1 il...
La fatigne m'accable... le sommeil me toe... N'im
porte ao soldat n'a que sa parole j'ai promis, je
tiendrai... En garde et en avant Monsieur le
Sommeil, pour le quart d'heure, je suis disposé b
vous traiter en Cosaque et b vous apprendre, si
vous ne le savez pas eocoie, b rendre les armes b
no officier frauçais.
Ce disant, il bondit de sa couchette et, assis snr
une sorte de coffre qui était l'unique siège de la
tente, il se mit b réciter son chapelet. Il faisait une
pause b chaque dizaine.
C'est singulier, se disait-il... le sommei! a
fait volte-face, juste comme un conscrit de Gort-
schakoff qui voit poiodre la calotte rouge d'uo de
nos zona «es.... je ne sens plus la fatigue qui, tout
b l'heure, m'étreiguait dans tous mes membres
comme un poids de plomb... Suis-je fou... ou bien
ce chapelet a t-il des vertus merveilleuses?... Je
l'ai cru autrefois... Ma mère le croyait... La sainte
femme avait one confiance sans bornes dans l'effi
cacité de la prière, surtout quand, pour arriver b
Dieu, elle passe par les maios de la Vierge Marie...
Lequel vaut mieux de ma crédulité d'autrefois ou
de mon scepticisme d'aujourd'hui Mais je ra
dote... Ce sont Ib questions trop sérieuses pour nu
moment de repos... Continuons...
Les grains continuaient en effet b glisser sons les
doigts de l'officier; mais, quoi qu'il fît pour l'écar
ter, le grave problème posait toujours devant lui
avec une persistance toute providentielle.
Enfin qoel est le parti le plus sage, repre
nait-il b baote voix, de s'agenouiller devant Dieu,
comme je le faisais dans ma jeunesse, comme mon
père et ma mère le faisaient, et de songer b la vie
future; ou de vivre comme je le fais aujourd'hui,
sans nul souci du Créateur et sans inquiétude pour
l'avenir de par delà la tombe Mais fuyez dooc,
sottes idées Je vons passerai en revue demaio...
Pourquoi pas aujourd'hui, commandant
dit une voix dont le timbre couun fit tressaillir
l'officier.
Vous ici, moo père s'écria Alphonse... Et
vous m'avez entendu
Comme vous le dites, commaodant, répon
dit raumôoier en prenant place sur le siège, b
côté de notre héros. Je viens de réciter les
prières de l'Église sur quelques-uns de nos blessés
agonisants, et la Providence a voulu que, passant
près de votre teote en revenant de l'ambulance,
j'entendisse votre parte. La couleur de votre
monologue s'a fait croire que mon ministère pour
rait vous être de quelque utilité eu ce rnooem, et