D'YPRES ET DE L'ARROHDISSEMENT.
49me Année.
Samedi 14 Juillet 1866.
5,090.
REVUE POLITIQUE.
Tout est confusion, tout est contradic
toire dans les nouvelles qui nous arriyent
de l'étranger. Le désaccord existe aussi
bien sur les opérations militaires que sur
les pourparlers diplomatiques
La Bourse de Paris d'hier s'est conduite
et a opéré comme si l'armistice était non-
seulement probablemais conclu. Les
journaux les mieux informés, la France, la
Patrie, le Journal des Débats, ne s'associeut
pas cet optimisme.
Essayons de dégager la lumière de cette
obscurité Toutes les espérances, quant
la conclusion de l'armistice, ne sont pas
abandonnées, parce qu'il n'y a refus formel
de la Prusse ni de l'Italie, mais les condi
tions sont telles que, pour les hommes bien
informéselles forment des obstacles
insurmontables.
L'Autriche le comprend et elle se pré
pare.
La Nazione, journal de Florence qu'on
dit bien informé, sans être officiel, ne laisse
aucun doute ni sur les dispositions de
l'Italie, ni sur celle de l'Autriche.
Les opérations militaires méritent notre
attention pour aujourd'hui sur deux
points La Bavière et la Vénétie.
En Bavière, le combat de Kissingen peut
être regardé comme un échec pour les
troupes prussiennes. Avec plus d'hommes
que ne leur en opposaient les Bavarois,
les Prussiens se sont pendant un jour tout
entier heurtés la position de Kissingen.
Les Bavarois ont reculé, ont abandonné
le terrain peu peu. Il y a eu ensuite de
leur part un retour offensif qui n'est jus
qu'à présent qu'imparfaitement raconté.
Nous signalons comme un symptôme favo
rable aux Bavarois le silence gardé par le
télégraphe prussien. Il s'agit, qu'on le
LA MÉDAILLE DE LA s'-VIERGE.
remarque bien, d'un combat qui a eu lieu
le 10 juillet Kissingen.
En Vénétie, si nous en croyons la Patrie
de Paris, l'armée autrichienne se ren
fermerait dans les forteresses et y conser
verait une attitude purement défensive.
Le fait principal, annoncé hier par la
France, c'est-à-dire celui d'une communi
cation faite par le cabinet français aux
cours de S'-Pétersbourg et de Londres, est
nos yeux, aujourd'hui comme hier, le fait
dominant, parce qu'il constate qu'il y a
impossibilité, dans l'état actnel des choses
et sans moyen coërcitif, d'amener les bel
ligérants un armistice.
Le nouveau ministrë des affaires étran
gères, lord Stanley, s'expliquant devant les
électeurs du bourg dê King's-Lynn, dont il
est le représentant, a développé la ligne de
conduiteque lenouvean cabinet se propose
de suivre dans les affaires du continent. Il
l'a fait de manière faire voir que l'absten
tion sera son principe et qu'il ne s'en écar
tera que dans des circonstances tout fait
rares, mais qu'il n'indique pas. Cette
conduite, a dit le ministre, nous est indi
quée par les grands intérêts que nous
avons dans l'Inde et dans les autres pos
sessions coloniales. Nous formons comme
un monde part.
On s'attendait peu au changement de
cabinet qui vient d'avoir lieu en Espagne.
Les éclaircissements nous manquent au
jourd'hui encore sur une résolution que
les circonstances toutes particulières où se
trouve l'Espagne semblaient ne pas récla
mer. En politique, comme en stratégie, les
conversions faites en présence de l'ennemi
offrent toujours du danger. Le maréchal
O'Donnell venait de sauver l'Espagne
attendons les explications.
Comme toujours, les nouvelles qui nous
arrivent d'Amérique sont déplorables.
THÉÂTRE DE LA GUERRE.
Les conditions que la Prusse et l'Italie
mettent l'armistice équivalent uo
refus.
La Prusse demande
La remise en ses mains des forteresses
de la Bohême;
L'usage du chemin de fer du Nord qoi
communique de la Silésie en Bavière par
la Bohême;
La nourriture de ses troupes par l'Au
triche pendant l'armistice;
L'engagement par l'Autriche de tenir
son armée du Sud éloignée du théâtre de
la guerre.
L'Italie est plus insolente encore; elle
exige
La cession directe et sans réserve ni
indemnité de la Vénétie et du Tyrol italien.
Elle réclamerait en outre, comme (erre
italienne, Trieste, et l'Islrie, mais seulement
pour la forme. Quant au pays de Trente,
elle paraît y tenir absolument.
Nous n'ajoutons ce qui précède aucun
commentaire. On peut se figurer ce que
doit penser l'empereur des Français de
cette conduite.
L'archiduc Albert, nommé généralissime
des troupes autrichiennes, aux acclama
tions de tout ce qui se sent animé de pa
triotisme, fait voir ce que va être la reprise
de la lutte.
Une lettre que nous lisons dans la Gazette
d'Augsbourg dit que les collines qu'occu
paient les régiments prussiens Sadowa
étaient couvertes, après la bataille, de plu
sieurs couches de morts et de blessés; si
grand avait été le massacre, que les morts,
pressés les uus contre les autres, étaient
restés debontretenus par les masses qui
les entouraient des compagnies entières
LE PROPAGATEUR
FOI CATHOLIQUE. - CONSTITUTION BELGE.
ÉPISODE DE LA GUERRE DE CRIMÉE.
Suite Voir notre numéro de mercredi dernier.
A deux heures, heure militaire, le chevaltout
prêt, attendait sou maître la porte de la teote. Le
hou abbé avait fait toutes ses dispositions. Il prit
sou crucifix, sa trousse, et muni de tous les secours
spirituels et temporels, il se mit en route seul, sous
la protection de Dieu. Il savait qu'il n'avait qu'A
suivre le droit chemin jusqu'à Sébastopol.
Il faisait une de ces Doits spleodides, comme il y
<n a daus ces climats privilégiés. La lune répandait
sur la campagne une clarté qni égalait presque celle
du jour. Le prêtre eut pu lire son bréviaire cette
lampe d'argent. Mais il aima mieux prier et peDser
tour tour. Il déplorait tout bas les dures nécessités
de la guerre; il songeait tous ces bouillants coura
ges occupés en ce moment de gloire et d'espéraDce,
^ces magnanimes cœnrsqui,à la fin du jour, auraient
cessé de battre. Il frissonnait en se représentant le
champ de bataille, hideux spectacle qui avait plus
d une fois attristé ses yeux et déchiré son âme. Ces
cadavres défigurés, ces victimes mutilées, ces cris
d'angoisse et de douleur; il s'identifiait tout cela
et aurait volontiers offert sa vie ponr sauver tant de
malheurenxquiallaieotêtre moissonnés avant l'âge.
Il adressait au Dieu de paix et d'amour une orai
son mentale pour qu'il fît cesser l'aveuglemeot des
rois et des peuples, afin qu'on ne connut un joor sur
la terre que la loi divine de l'union et de la charité.
Levant les yeux vers la voûte céleste, et voyant
briller l'étoile du matio stella matutina), il re
commandait Notre-Dame des Victoires, dans an
ferveut Souvenez-vous, toute l'armée française.
A peine achevait-il la sublime piière de saint
Bernard, quand tout coup il aperçut devant lui,
assis sur une pierre, an bord do chemin, od homme
la tête appuyée dans ses mains. Etonné de rencon
trer quelqu'un dans celte sollitode, il poossa son
cheval et fut bien plus surpris de se retrouver eu
face du soldat qu'il avait confessé pen de temps au
paravant et qu'il croyait déjà presque arrivé au but.
Que fais tu eocore là, malheureux? dit l'au
mônier d'un too sévère.
Dame, monsieur, je me sois assis, car mes
jambes se refusaient aller plus loin. Je me faisais
l'effet du mouton qni irait de Ini-iuèine la bouche
rie; et je sois bieo décidé ne plus bouger de là.
Le bon piètre descendit précipitamment de
cheval; et, s'approchant du jeune conscrit, il lui
dit avec un indéfinissable sentiment de douceur
REFUS DÉ L'ARMISTICE.
Si tes camarades te voyaient et t'entendaient,
tu serais déshonoré! Allons, enfant, preads mon
bras, je t'accompagnerai, s'il le fant jusqu'au champ
de bataille, et tu verras qu'il est plus cruel de se
sentir la honte au front que de voirl'enuemieu face.
Le conscrit se laissa entraîner machinalement.
Ils cheminèrent d'abord eu silence. Bientôt les
premières lueurs de l'aobenaissantevinreot éclairer
le ciel des bandes d'or et de pourpre se formaient
l'horizon les étoiles pâlissaient on eut dit que la
nuit repliait son voile de gaze constellé, se hâtant
de faire place au jour.
Quel spectacle sublime! s'écria l'abbé. Re
garde dooe, mon garçoo, dit-il an pauvre soldat,
qoi tenait la tète basse et sou mouchoir sur sa figure
ioondée de larmes. Tu n'admires donc pas les
œuvres de Dieu? Vois, moo fils, comme nous
sommes peu de chose devant Celui qui a créé et
qui régit cette immeusité.
Et l'aumôoier s'animait en parlant ainsi.
C'est encore plus beau dans moo pays
murmura le soldat, quand, au matin, notre brillant
soleil commence dorer la cime du Canigou
Montanyas regaladas... je ne vous reverrai plus
soupira le Roussillonnais.
L'abbé n'entendit pas cette expression de regret