D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
50me Année.
Mercredi 5 Septembre 1866.
No 5,105.
REVUE POLITIQUE.
La réserve que montrent, en ce moment,
les journaux de Paris est si complète et si
générale, que l'intérêt qui s'attache la
retraite de M. Drouyn de Lhuys s'en trouve
accru
Ce silence ne peut s'expliquer que par
un mot d'ordre que le ministre de l'inté
rieur a donné. On veut que le public soit
avant tout rassuré; jamais on n'a déployé
plus de sollicitude.
Reportons-nous aux correspondances de
Paris; que disent-elles? Celle qui nous est
parvenue est peut-être la plus nette entre
toutes. M. Drouyn de Lhuys n'a pas offert
sa démission, nous dit notre correspon
dant, il l'a reçue et, de plus, le coup lui
aura été sensible, car il tenait son hôtel
des affaires étrangères et so"n cabinet de
ministre, il a reçu sa démission, non
comme une punition de fautes commises,
peu de ministres ont été plus zélés et
aussi habiles que lui, mais par néces
sité, les circonstances l'exigeaient. Déjà
les nécessités ont parlé, il y a quatre ans,
lorsque M. Drouyn de Lhuys fut invité
recueillir la succession de M. Thouvenel
et voici qu'elles parlent encore aujourd'hui.
Qu'est ce que cela prouve? L'impossibilité,
même pour les hommes les plus péné
trants, de saisir la pensée du souverain de
qui ils relèvent, dont l'œuvre de tous les
jours est de l'étudier et de s'efforcer de le
comprendre.
La France dit que M. de Mouslier a été
informé de sa nomiuation de ministre trois
jours avant qu'elle ne parût au Moniteur
et qu'il arrivera Paris dans huit ou dix
jours. La France est même de connaître
ces détails.
La Gazette de l'Allemagne du ISord donne
le texte de la note adressée par M. Visconti-
Yenosta M. Dusedom, ministre du roi de
Prusse Florence, pour lui accuser récep
tion de la uote relative la notification du
traité de paix entre la Prusse et l'Autriche.
Le ministre du roi Victor-Emmannel, dans
cette pièce diplomatique, exprime le vœu
que les relations cordiales entre les deux
puissances alliées subsistent et puissent se
fortifier encore l'avenir.
La Chambre des députés en Prusse a
voté le bill d'indemnité sur lequel, suivant
les paroles du ministre de l'intérieur, doit
reposer un traité de paix durable entre la
couronne et la représentation du pays.
Le mou vement réformiste, en Angleterre,
semble vouloir se propager et grandir.
Nous avons consigner ici un meeting en
plein air Bristol quis'il n'a pas réuni
autant d'adhérents qu'à Birmingham, s'est
Montré plus énergique, tranchons le mot,
plus hostile pour le ministère auquel est en
ce momeulconfiée la direction des affaires.
Les dernières dépêches venues de l'île
<le Crête présentaient une situation tendue.
Lue lutte et de graves événements se fai
saient pressentir; mais depuis lors, pour-
tani, rien n'est venu augmenter ni calmer
l'anxiété que cette situation fait naître sur
beaucoup de points.
On mentionne des efforts que la popula
tion grecque se montre disposée faire
tant en hommes qu'en argent, en faveur
des chrétiens Candiotes, qui demandent
briser le joug de la Turquie. On rappelle,
en outre, que lorsqu'il fut question d offrir
au prince Léopold de Saxe Cobourg la
couronne des Hellènes, la fin de 1830,
celui ci déclara que l'union de Candie la
Grèce était indispensable. Il en fit une
condition de son acceptation; puis sur le
refus qui lui fut opposé par les puissances
protectrices, le prince Léopold rompit
toute négociation et déclara qu'il ne pou
vait accepter la couronne qu'au nom de
tout un peuple on lui offrait. Le soulève
ment actuel, le second depuis quelques
années, prouve que les vues du prince
devenu depuis lors le premier roi des
Belges étaient justes. Nul ne peut dire
aujourd'hui qu'elle série d'événements le
soulèvement actuel prépare l'Europe.
Une décision qui concerne le monument
élever la mémoire dn roi Léopold 1" a
été récemment prise.
On sait que des comités provinciaux
avaient été organisés pour mener bonne
fin la souscription nationale ouverte dans
ce but. Des délégués de ces comités ayant
été appelés par le ministre de l'intérieur,
ils ont, l'unanimité, décidé que le monu
ment projeté serait érigé sur les hauteurs
de Laekenprès du château qui avait
toutes les préférences du feu roi.
L'épidémie, qui a exercé partout ses
cruels ravages a élé l'occasion de nombreux
traits de dévouement de la part du clergé
et des corporations religieuses. Chaque
jour la presse a signalé des actes héroïques
que nous serions heureux de faire connaî
tre nos lecteurs, si le manque d'espace
ne nous en empêchait. Nous ne pouvons
cependant résister au désir de rapporter
le fait suivant dont nous empruntons les
détails une lettre de Gand
Une famille composée de dix person
nes, père, mère et huit enfants, originaire
de la ville de Saint-Nicolas, était venue se
fixer, il y a quelque temps, dans la paroisse
de Saint Jean Baptiste. Son déplacement
lui fut fatal l'épidémie entra sous son toit
et emporta en peu de jours le père et six
enfants.
Au commencement de la semaine
dernière la mère se sentit atteinte son
tour et se fil transporter l'hôpital, avant
d'avoir reçu les secours de la religion. La
vigilante, chargée de son transport, ren
contra en route le digne vicaire de la
paroisse, M. J..., Celui-ci n'a pas plutôt
aperçu le véhicule des malades, qu'il jette
un regard scrutateur sur cellequi l'occupe.
Il s'aperçoit sur le-champ que la pauvre
femme n'a plus que quelques instants
vivre et qu'il y aurait péril attendre son
arrivée la Biloque, pour lui administrer
les derniers Sacrements. Il fait donc arrê
ter la voiture, s'installe auprès de la mori
bonde et entend sa cqnfession. Entretemps
tout le voisinage est sur pied en un clin
d'oeil la rue est ençombrée de monde et
comme le vicaire avait sur lui la bourse
aux Saintes Huiles, c'est au milieu de celle
multitude agenouillée et recueillie, qu'il
donne la malade, encore assise dans le
véhicule, le Saint-Viatique et l'Extrême
Onction. A ce moment une émotion pro
fonde, que nous renonçons décrire, s'em
pare de tous les spectateurs de cette scène
d'un genre nouveau. Des larmes, des san
glots des cris sortent de la foule c'est,
on peut le direun attendrissement gé
néral.
La cérémonie terminée, la vigilante
reprend son chemin vers la Biloque, où la
malade succombe peu de temps après son
arrivée, laissant après elle un fils et une
fille, incapables de pourvoir encore leur
subsistance. Habitués une famille nom
breuse et maintenant seuls au monde, les
deux orphelins sentent si vivement le
poids de leur abandon qu'ils n'ont qu'un
seul désir, c'est de trouver dans leur voisi
nage, une maison assez charitable pour les
recueillir. Hélas! c'est en vain qu'ils frap
pent toutes les portes Un cruel préjugé
les fait repousser de chaque seuil. Les
voisins croient et se disent que l'épidémie
en veut ces enfants..., qu'ils en seront
fatalement victimes qu'ils la portent
dans leurs habits..., qu'ils la transmettront
leurs hôtes..., que, du reste, ils sont
étrangers! Bref, la peur arrête l'élan de la
charité, et voilà nos deux malheureux
jetés dans la rue, sans consolations ni
ressources...
Cette triste position ne tarda pas être
connue de M. le vicaire J..., dont le nom
est si populaire hors de la porte de Bruges,
cause des sacrifices qu'il s'impose pour
l'instruction et l'éducation de la nombreuse
jeunesse qu'il y dirige. Au même instant
sou parti est pris. Il va lui-même la re
cherche des enfants que tout le monde re
bute, et, donnant l'exemple d'une charité
et d'un dévouement au-dessus de tout
éloge, il les accueille dans sa propre
maison.
Cet accueil fut pour nos deux orphe
lins comme un éclair de bonheur; mais,
comme tout éclair, il ne dura qu'un mo
ment. L'après-midi du même jourle
jeune homme sentit les premières atteintes
de la maladie, et M. le vicaire fut obligé de
l'administrer avant la nuit quelques heu
res plus tard, il n'était déjà plus!...
D'une famille de dix personnes, réu
nies, il y a quelques jours encore, autour
du même foyer, il ne reste donc plus
qu'une jeune fille. Elle est là dans la mai
son de son tuteur improvisé, où elle est
l'objet des soins les plus paternels, comme
un témoignage vivant des souffrances et
des malheurs que le choléra a semés dans
les rangs de notre population ouvrière, et
LE PROPAGATEUR
FOI CATHOLIQUE. - CONSTITUTION BELGE.