Étrange histoire. Un homme sui vant lui-même son propre cercueil, c'est là assurément un fait très-e'trange. Il paraît qu'un Français, nommé Vital Uonat, mar chand de vins Bordeaux, avait fait assu rer sa vie pour 100,000 francs l'une des compagnies d'assurance de Paris; puis, étant tombé en faillite il avait été condamné comme banqueroutier frauduleux pour une somme de 24,000 livres sterling (600,000 francs). 11 disparut. Un mois après, sa veuve présentait en la compagnie d'assurance une pièce ou prétendue copie de l'acte de décès et d'enterrement de Vital Donat en Angleterre; elle réclamait les 100,000 francs spécifiés dans la police d'assurance. La somme ne fut pas payée; la compagnie avait conçu quelques soup çons. L'inspecteur de police Williamson, Londres, chargea le sergent Druscowilch de recueillir des renseignements sur cette affaire mystérieuse. Les voici Après ayoir quitté Bordeaux, Donat était venu Londres habiter Fords hôtel, dans Manchester street, sous le nom de Roberts; après quelques jours de résidence, il avait prié un garçon d'hôtel français de lui ré diger un certificat anglais constatant, sous la signature du docteur Writlié, que Vital Donat était décédé le 29 décembre 1865 par suite d'un anévrisme au cœur. Le garçon d'hôtel rédigea par complaisance ce certificat qui fut immédiatement pré senté l'officier de l'état-civil de Plaistow (Essex)par Donat lui même, qui prenait alors le nom de Bernadi. Le décès fut enregistré en la forme ordinaire; il y était dit que le corps du défunt se trouvait n° 52, Anne street, Plaistow. Le même jour, Uonat présentait un cer tificat de décès au fossoyeur du cimetière de Saint-Patrice; il Ini commandait une fosse, payait les frais du service qui serait fait etconvenaitqueles funéraillesauraient lieu le dimanche suivant. Dans l'après- midi il se rendait auprès d'un entrepre neur, dans Mile-End Road, sous Je nom de Rudini. Il achetait un cercueil doublé en plomb. Le dimanche Donat se présentait chez l'entrepreneur, et, avec l'aide de deux passants, il le faisait porter la sta tion de Shoreditch, du Great-Eastern Rail- way, et lui-même prenait place dans un des wagons du train qui portait son cer cueil. Arrivé Legtenstone, Donat louait une charrette sur laquelle il faisait placer le cercueil, et le faisait transporter au cime tière de Saint-Patrice pour le faire inhu mer. Il conduisait le deuil, où plutôt il était la seule personne assistant son pro pre enterrement. Le cercueil fut porté dans la chapelle du cimetière; les prières des morts furent dites par le révérend M. Mac Quord avec la solennité ordinaire des prières de l'Église catholique, et l'on mit en terre le cercueil de Donat mort, pen dant que Donat était vivant et présent. La réunion de ces circonstances singu lières, part tous les autres renseigne ments qu'il avait eus d'ailleurs, décida le sergent Druscowilch solliciter du secré taire de l'intérieur la permission d'exhu mer le cercueil contenant, disait on, le corps de Vital Donat. Cette autorisation obtenue l'inspecteur Williamson le ser gent Druscowilch et les gentlemen ayant personnellement connn Donat, se rendi rent au cimetière après s'être provisoire ment munis des stimulants convenables au casoù les efiluvesdu cadavre en rendraient l'usage nécessaire. On retira le cercuail de la terre, et l'ouverture en fut faite; mais, la grande satisfaction des officiers de jus tice et des deux témoins, la bière était vide. Tous les soupçons se trouvaient confirmés. Les funérailles n'avaient été qu'une mau vaise plaisanterie, et chacun demeura con vaincu que Donat habitait encore le mon de des vivants. Afin de rendre l'illusion complète, on avait simulé le poids du soi- disant cadavre de Donat, dans le cercueil, avec une certaine quantité de plomb. Tous ces faits étant acquis la cause, un man dat d'amener fut délivré par sir Thomas Henry, premier 'magistrat, pour l'arresta tion de Donat, prévenu d'offense contre le Regislration Act. Des recherches furent immédiatement commencées par les offi ciers de justice. On apprit bientôt que le délinquant était parti pour l'Amérique, se mettant ainsi hors de la portée de la loi anglaise. D'après une correspondance reçu tout récemment, il parait néanmoins que, quoi que Donat ait échappé la pénalité an glaise, il a été arrêté Anvers a son retour d'Amérique par les autorités belges, et qu'en vertu de l'acte d'extradition il a été remis aux mains du gouvernement fran çais pour être jugé par les tribunaux de ce pays pour banqueroute frauduleuse et aussi sous l'inculpation d'avoir tenté une escroquerie contre une compagnie d'as surance sur la vie Paris. Si Donat est con damné en France, il est certain qu'il y sera puni plus sévèrement qu'en Angleterre pour la faute consistant en un enregistre ment mensonger. Telle est la fin de cette remarquable histoire, qui prouve une fois de plus que souvent la vérité est plus étrange que la fiction. Le roi de Hanovre vient de faire re mettre toutes les cours d'Europe une protestation contre l'annexion de son royaume la Prusse. L'échéance de la convention du 15 sep tembre approche; dans deux mois, le der nier soldai français aura quitté les Etats du Saint-Siège, et le petit domaine de l'Église se trouvera alors la merci de la Révolu- lion. llestdonc assez naturel que les catho liques se préoccupent dès présent des intérêts qui leur sont si chers, et cette préoccupation commence être très-vive. On se demande si le Pape restera dans Rome pour y attendre les événements que chacun pressent, ou bien s'il ira chercher un abri sur quelque terre hospitalière. A Rome aussi bien qu'en France, deux opi nions se font jour cet égard l'une con seillant au Souverain Pontife de ne pas quitter le tombeau des Apôtres et d'y subir s il le faut, les derniers coups de la Révo lution; l'autre inclinantau contraire l'exil et poussant le Pape se réfugier Malte plutôt que d'assister impassiblement au triomphe de la Révolution dans Rome. Laquelle de ces deux opinions l'emportera dans les résolutions de Pie IX? Il est diffi cile de le savoir. Une correspondance de Paris adres sée au Journal de Bruxelles rapporte le trait suivant qui témoigne de la simplicité de Mgr. de Mérode. C'était Rome, le ministre des armes venait de présenterait Saint-Père un curé belge de ses amis. Dans le cours de la conversation, il fut dit que le prêtre étranger devait aller dîner chez Mgr. de Mérode. Comment! dit alors Pie IX en s'adressant son ministre, vous n'avez pas de vin et vous invitez dîner monsieur, un de vos compatriotes!... Heureusement que je puis vous envoyer le nécessaire. En effet, le Saint Père envoya un panier de vin exquis, lequel venait de lui être offert en cadeau. Mais, au moment du des sert, voici quesurvint une nouvelle entrave, Mgr. de Mérode n'avait pas chez lui de tire-bouchon. Attendez, dit alors le curé, j'en ai un, moi et tirant son couteau de sa poche, il exhiba sur la table un tire- bouchon parfaitement en règle. L'illustre amphitryon allait faire usage de cet utile instrument, lorsque le curé, se ravisant tout a coup N'en faites rien, s'écria-t-il, j'aime mieux emporter cette bouteille comme souvenir du Saint Père. Et joignant le geste la parole, il mit joyeusement dans sa poche la bouteille qui avait été déposée sur la table. C'est aujourd'hui un fait avéré par tous ceux qui ont visité les pays vignobles en France, en ce temps de vendanges, que la récolte des raisins a dépassé ou dépassé d'un quart et même d'un tiers celle de 1865. Quant la qualité, elle n'égalera peut être pas celle de la récolte de 1860, dans les pays où l'on s'est hâté de vendan ger, cause de pourriture; les grains sains n'étaient pas complètement mûrs. Mais dans d'autres endroits, où l'on vendange seulement en ce moment, les coteaux du Haut Beaujolais se trouvent dans ce cas, on fera encore du bon vin. En résumé, on a eu le contraire de ce qui a eu lieu en 1865. Alors la vendange a donné environ un quart en moins de ce que l'on espérait; en 1866, elle donne un quart et même un tiers en plus. A peine la pose du câble transatlan tique est-elle achevée qu'un progrès non moins remarquable vient y faire pendant. Dès l'année prochaine, le tour du monde que Magellan Bougainville, Cook et tant d'autres ont mis plusieurs années ache ver, s'effectuera en cent jonrs. Cette rapide traversée sera accomplie par la prochaine mise en activité d'une ligne de steamers allant de San-Francisco Hong Kong. Ces steamersdit le journal Alta-California, feront le voyage en 25 jours. Pour continuer de Hong Kong Calcutta, il en faut 20; de Calcutta a Suez, 14; de Suez Marseille, 12; de Marseille au Havre, 2; du Havre New-York,9;deNew-York San-Francisco, (par poste), 20. Total. 100. Ainsi dans l'es pace de 100 jours on revient son point de départ. Nous extrayons d'une lettre de Rome les détails qui suivent sur la maladie men tale de l'impératrice Charlotte J'ai le regret de vous donner une nou velle qui affligera tous les Belges. La santé, que dis-je? la raison de l'impératrice du Mexique est sérieusement compromise. Aux détails que je vous ai donnés sur les deux entrevues de la princesse avec le Pape, je dois ajouter qu'au Vatican Sa Ma jesté avait parlé au Saint-Père avec une grande volubilité et une animation qui, sans faire soupçonner de dérangement dans ses facultés, avait cependant frappé Pie IX. A l'Hôtel de Rome, l'impératrice s'était écriée, après le départ du Pape: Ah! le saint homme! Je suis heureuse de l'aimer. Sa présence me console. Et l'accent de sa voix avait paru étrange Elle a fait en ville diverses promenades, s'arrêlant tout pro pos dans les rues, achetant des marrons rôtis, descendant de voilure pour boire la fontaine de Bernin, etc. Lundi, enfin, Ie' octobre, elle s'est rendue au Vatican, en core que son médecin lui eut vivement conseillé de ne point sortir, et a demandé voir le Pape. Or, il était facile de com- FRANCE. lJaris, 6 octobre. ITALIE. Rome, 5 octobre 1866

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Le Propagateur (1818-1871) | 1866 | | pagina 2